Fiche du document numéro 33811

Num
33811
Date
Mercredi 22 juin 1994
Amj
Taille
180256
Titre
Fiche particulière n° 18771/N - Rwanda : Évaluation sur les risques d'enlisement
Cote
N° 18771/N ; D3501-D3502
Source
Fonds d'archives
Type
Note
Langue
FR
Citation
Le 22 juin 1994
N° 18771/N


FICHE PARTICULIERE
RWANDA - FRANCE
EVALUATION SUR LES RISQUES D'ENLISEMENT
L'engagement de troupes françaises, dans un but strictement humanitaire, est mal
compris par les deux belligérants rwandais

- le Front Patriotique Rwandais (FPR) y voit une intervention destinée à soutenir les forces armées gouvernementales ;

-les Forces Armées Rwandaises (FAR) croient déceler un appui militaire en leur faveur.

Dans ce contexte, l'opération "TURQUOISE" pourra-t-elle prévenir un enlisement
du conflit militaire et de son issue négociée ou, au contraire, le provoquera-t-elle ?

Autrement dit, est-il possible de construire sur de telles fondations ?

SITUATION ACTUELLE

Aujourd'hui, aucune solution ne se dessine au plan politique, le FPR refusant de négocier avec le gouvernement intérimaire rwandais dont il ne reconnaît pas la légitimité. Du point de vue militaire, à l'inverse, la situation est très évolutive et laisse augurer, en raison de la dynamique de conquête du FPR, de nouveaux gains territoriaux pour cette force avec, à terme, la possibilité pour le FPR, d'envisager une solution politique, en position de force.

PERSPECTIVES D'EVOLUTION

Militairement, trois scénarios peuvent être schématiquement retenus.

Le plus probable : la poursuite de l'avancée du FPR. Deux sous-options se dessinent alors, concernant l'attitude de forces françaises, initialement déployées au sein des positions détenues par les FAR.

1) La solution la plus souhaitable, car la plus transparente pour le FPR, serait d'axer l'essentiel de l'effort français dans le sud-ouest du pays, région à forte densité de réfugiés tutsi, Le caractère humanitaire de l’action française lui serait ainsi clairement démontré.

2) A l'inverse, un déploiement initial en zone nord-ouest, à proximité de Gisenvi, fief des Hutu du nord et siège du gouvernement intérimaire, ne pourrait qu'être interprété commé un signe évident d'appui à un régime considéré par le FPR comme illégitime. Dans de telles conditions, une radicalisation de l'attitude du FPR à l'égard des forces françaises serait probable (dérive de type somalienne).

Deuxième hypothèse : l'intervention française, ressentie par le FPR comme la mise en place d'une opération d'interposition, a pour effet de figer les positions, soit en raison du respect d'un cessez-le-feu négocié -ce qui, à court terme, semble peu vraisemblable, soit en raison d'un équilibre militiaire établi, le conflit se poursuivant sans avantage marqué et durable pour les belligérants (dérive de type bosniaque).


Dernier schéma possible : les FAR regagnent du terrain sur le FPR. Cette hypothèse - difficilement envisageable sans soutien extérieur - placerait probablement la France dans la position la plus inconfortable, dans la mesure où le gouvernement français, ne manquerait pas d'être pris à partie, tant par le FPR que par une opinion internationale déjà sceptique sur ses réelles intentions.

De plus, il convient de signaler le risque important présenté par la possible
modification d'attitude des FAR et plus encore des milices Hutu, notoirement incontrôlées, à l'égard des forces françaises.

En effet, il est possible que le sentiment d'abandon occassioné par la véritable nature de l'intervention française se transforme en ressentiment déclaré. Si des actions terroristes organisées semblent peu probables, des dérapages ponctuels semblent possibles. Toutefois, redoutées par les populations civiles sans défense, les milices Hutu ne devraient pas inquiéter outre mesure une armée opérationnelle.

Quelle que soit l'option retenue, le danger est grand pour la France de se voir
accuser, au mieux de n'avoir pu remplir la mission qui lui avait été confiée, au pire de passer pour complice de l'actuel gouvernement rwandais

Politiquement, le chemin menant à un partage négocié du pouvoir entre les deux parties sera long. La France, tant par son expérience du continent africain que par le rôle de médiateur tenu lors des négociations d'Arusha, possède là un atout majeur. Elle ne pourra toutefois l'utiliser qu'avec l'accord préalable du FPR.

En conséquence, tant militairement que politiquement, il demeure incontestable que le FPR ne peut être occulté et qu'il conviendra, préalablement à toute intervention, de l'avoir, non seulement consulté, mais aussi convaincu du bien fondé de l'opération "TURQUOISE". Ainsi, afin de prouver la bonne volonté de la France et réduire les risques d'enlisement, pourrait-il être proposé au FPR de placer ses observateurs au sein des troupes françaises. Ceci n'interdit pas,
pour autant, la participation de troupes africaines, dès le début de l'intervention, condition sine qua non de la prévention d'un enlisement.

L'engagement français ne pourra être inscrit que dans la durée. Si son volet militaire devait être limité dans le temps, il importerait qu'aient été mis en place, de façon concomitante, les moyens diplomatiques, économiques, voire humanitaires à même de le relayer efficacement.

DESTINATAIRES :

Présidence de la République

(1101) - Etat-major Particulier

(1102) - Cabinet

(1105) - Conseiller pour les Affaires Africaines et Malgaches

Premier Ministre

(1201) - Cabinet

Ministère des Affaires Etrangères

(8402) - Cabinet

(8415) - Direction des Affaires Africaines et Malgaches

Ministère de la Défense

(2301) - Cabinet Réservé

(2306) - DRM/S/D Exploitation

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