Fiche du document numéro 32153

Num
32153
Date
Mercredi 3 juin 1998
Amj
Auteur
Taille
0
Titre
Audition du général Philippe Mercier, chef du cabinet militaire du ministre de la Défense
Nom cité
Source
MIP
Fonds d'archives
MIP
Extrait de
MIP, Auditions
Type
Audition
Langue
FR
Citation
Audition du Général Philippe MERCIER
Chef du Cabinet militaire du Ministre de la Défense
(24 mai 1994-31 août 1995)
(séance du 3 juin 1998)
Présidence de M. Paul Quilès, Président
Accueillant le Général Philippe Mercier, le Président Paul Quilès a
tout d’abord indiqué qu’il avait été chef du cabinet militaire du Ministre de la
Défense de mai 1994 à août 1995, et qu’il était donc en poste au moment de
la préparation et du lancement de l’opération Turquoise. Il a estimé que son
intervention constituait un témoignage très utile et complémentaire d’autres
témoignages, notamment en ce qui concerne les réflexions préalables sur la
nature, la définition et le dimensionnement de cette opération. Il a également
considéré que la mission entendrait avec intérêt son analyse de la situation au
moment du retrait et de la relève des forces de l’opération Turquoise.
Le Général Philippe Mercier a confirmé qu’il avait effectivement
été, dans la période évoquée, chef du cabinet militaire du Ministre de la
Défense, M. François Léotard. Il a rappelé que le chef du cabinet militaire du
Ministre participe à la gestion politico-militaire des crises, informe le Ministre
de l’évolution de la situation ainsi que des options militaires préparées par
l’état-major des armées et participe aux cellules de crise qui se tiennent au
Quai d’Orsay. Il a fait observer qu’à l’époque, le chef de cabinet militaire
participait au conseil restreint qui avait lieu sous la présidence du Premier
Ministre.
Le Premier Ministre avait fixé de façon très stricte le cadre de
l’opération Turquoise. Il voulait qu’elle ait lieu dans le cadre d’un mandat
international, ce qui a été obtenu avec la résolution 929 du Conseil de
Sécurité des Nations-Unies du 22 juin ; il tenait à la participation d’autres
pays, ce qui a été obtenu puisque sept contingents africains y ont participé ; il
souhaitait que l’opération soit purement humanitaire ; il demandait que cette
intervention soit limitée à deux mois, à l’issue desquels la MINUAR,
présente sur le terrain, devait prendre la relève ; enfin il avait vivement insisté
pour que l’engagement des forces françaises au Rwanda soit progressif,
limité, et, pour chacune des étapes, contrôlé par les autorités politiques
françaises.
Reprenant les termes de la résolution 929, le Général Philippe
Mercier a précisé que la mission visait à mettre fin aux massacres partout où
cela était possible, éventuellement par la force et qu’elle avait été placée sous
le régime du chapitre VII de la Charte de l’ONU. Il a rappelé qu’au moment
du déclenchement de l’opération Turquoise et à la demande du
Gouvernement, il avait reçu deux représentants du FPR auxquels il avait
expliqué les buts que poursuivait la France et les modalités selon lesquelles
cette opération se déroulerait. Ces deux représentants n’ont pas été
convaincus, bien que l’entretien ait duré plus de deux heures et qu’il ait
répondu à toutes les questions posées.
S’agissant de l’opération, il en a souligné le caractère exemplaire à
bien des égards, en raison non seulement de l’exploit technique consistant à
projeter 3 000 hommes et 700 véhicules en plein coeur de l’Afrique en si peu
de temps, mais de la façon dont le commandement de Turquoise a eu le
mérite de définir le cadre réel de l’action et d’adopter une idée de manoeuvre
conforme à ce que souhaitaient les autorités politiques. Il a relevé que
l’opération se situait dans un cadre particulièrement inhabituel, sans
connaissance de la portion du territoire rwandais sur laquelle elle s’engageait,
qu’elle ne devait pas s’impliquer dans les combats, mais visait à protéger les
populations, éventuellement par la force.
Le commandant de Turquoise a procédé, comme le souhaitait le
Premier Ministre, de façon progressive, en effectuant des reconnaissances,
puis il a choisi de créer « la zone humanitaire sûre sous protection
Turquoise ». Les délimitations de cette zone avaient l’avantage d’être
adaptées aux possibilités des forces et d’être vierges de tout affrontement
militaire étant donné qu’aucune unité du FPR ne s’y trouvait. Mais, après
avoir défini cette zone humanitaire sûre, le commandant de Turquoise a dû
faire respecter son intégrité au plan militaire, en interdisant les tentatives
d’incursions du FPR, au demeurant limitées, qui ont été soit contrôlées, soit
contrées par les forces françaises.
Au-delà du plan militaire, l’opération visait à protéger les
populations, à favoriser la reconstitution des services publics rwandais dans
certaines zones, à extraire les personnels menacés, à distribuer l’aide
alimentaire et à assurer la protection des camps.
Le Général Philippe Mercier a remarqué qu’à partir du 20 juillet,
date d’un cessez-le-feu de facto du FPR, l’opération était devenue à
dominante humanitaire, en liaison étroite avec les organisations non
gouvernementales. Il a rappelé que les règles d’engagement et de
comportement dans ce genre d’opération revêtaient une importance
considérable et nécessitaient, sur l’ensemble du théâtre, une cohérence de
comportement de tout le personnel, dans le respect de l’esprit de la mission.
Malgré un cadre flou à tous les niveaux, chacun devait connaître les limites et
les marges d’initiative qui étaient consenties. A cet égard, des dispositions
très claires et très précises avaient été données sur l’attitude à adopter vis-àvis
des forces armées rwandaises, des forces du FPR et des milices.
Le Président Paul Quilès a fait observer que certains membres
d’organisations humanitaires, comme le Docteur Bradol, entendu la veille,
avaient considéré que l’opération Turquoise n’aurait pas dû être une
opération humanitaire car le drame était d’une telle ampleur que le Rwanda
avait besoin d’autre chose. Selon eux, une opération de neutralisation des
auteurs du génocide et des assassins aurait été nécessaire. Il a alors demandé
au Général Philippe Mercier ce qu’il pensait de cette thèse et de la situation
qui prévalait au Rwanda au second trimestre 1994.
Estimant qu’en dehors des objectifs de recherche de la vérité, la
mission avait certainement aussi une vertu pédagogique, M. René
Galy-Dejean a jugé que les fantasmes apparus à propos du rôle de la France
résultaient, dans de nombreux cas, de l’ignorance des faits ou d’une
méconnaissance des problèmes, et que, par conséquent, il conviendrait de
montrer que certaines idées méritaient d’être corrigées.
Il a rappelé que le Docteur Bradol, représentant de MSF, reprochait
à Turquoise d’être restée « neutre » et considérait cette neutralité comme
une erreur majeure.
Il a souhaité prolonger la question du Président en demandant au
Général Philippe Mercier si l’opération Turquoise aurait dû, comme MSF
paraissait le penser, empêcher totalement le génocide, c’est-à-dire désarmer
les belligérants puisque le génocide était dû à la présence de factions armées,
et occuper la totalité du Rwanda, village par village, quartier par quartier
pour procéder à ce que le Président a appelé la « neutralisation » et qu’il a
qualifié de « désarmement ». Il lui a également demandé, à condition que les
règles internationales d’intervention dans un pays souverain le permettent, ce
qu’aurait représenté l’interdiction du génocide en termes de moyens
militaires dans les conditions d’occupation totale du Rwanda et de
désarmement des belligérants qu’il venait d’évoquer ?
Le Général Philippe Mercier a tout d’abord estimé que la
réponse, qu’il ne souhaitait pas esquiver, dépassait le cadre des
responsabilités du chef d’état-major de l’Armée de terre, et même des armées
dans leur totalité, puisqu’elle posait le problème du droit d’ingérence.
Il a considéré que, si la communauté internationale avait souhaité
conduire une opération qui n’était pas seulement humanitaire, comme dans le
cas de Turquoise, ni de maintien ou de rétablissement de la paix, mais
d’imposition de la paix, il aurait d’abord fallu qu’elle s’en donne les moyens.
Une telle opération dans un pays de petite taille au relief très tourmenté, où
la densité de population est égale à celle de la Belgique, où il y a des maisons
partout et où l’habitat est très dispersé, et dans la mesure où les combats et
les massacres avaient lieu sur tout le territoire, aurait nécessité -en première
analyse- au moins de 40 à 50 000 hommes. Il a ajouté qu’il était déjà un peu
tard pour mettre fin aux massacres au moment où la décision a été prise et
qu’il aurait fallu la prendre plus tôt, sans doute au mois d’avril.
Il a estimé que les ONG faisaient un mauvais procès en prétendant
que l’opération Turquoise avait été neutre. Certes, elle l’a été dans son
comportement, comme cela a été souhaité et décidé vis-à-vis du FPR, dans
les cas où il ne cherchait pas à entrer dans la zone humanitaire sûre. Elle a été
neutre vis-à-vis des forces armées rwandaises constituées, car c’était encore
l’armée d’un pays souverain. Le contingent Turquoise n’avait pas les moyens
de s’opposer aux mouvements des forces armées rwandaises. Mais tout ce
qui était incontrôlé, quel que soit le parti d’appartenance, et tous les miliciens
ont été désarmés. Les barrages ont été désorganisés.
Il a rappelé que si, dans les premiers jours de l’opération, le grand
camp tutsi de Nyarushishi près de Cyangugu avait été sécurisé, c’est bien
parce que la présence française y avait rapidement fait régner l’ordre. Les
exemples de ce type ne manquent pas. Les instructions étaient très strictes
quant à l’attitude à avoir envers tous les éléments incontrôlés, car il faut se
souvenir de la position de la communauté internationale qui était
extrêmement réservée à l’époque à l’égard de cette intervention humanitaire.
Il a fait observer que, lors de l’entretien avec les deux représentants
du FPR, les questions posées exprimaient la crainte d’une opération « cheval
de Troie », ou d’une reconquête de Kigali, et que, malgré le rappel du
mandat de la communauté internationale, ces représentants étaient persuadés
qu’on allait faire la guerre chez eux, surtout en considération de l’arrivée
d’équipements lourds. Il leur a expliqué que le mandat des Nations Unies
prévoyait un « éventuel recours à la force », dans la mesure où les FAR et les
miliciens incontrôlés étaient armés, et où le FPR voulait entrer, également
armé, dans la zone humanitaire sûre. Il a expliqué que la France avait une
certaine expérience des interventions humanitaires avec le Cambodge, la
Somalie et la Bosnie. Il a également rappelé que, dans les opérations
humanitaires les plus désintéressées, qui constituent l’aspect nouveau de la
gestion contemporaine des crises, les belligérants armés peuvent prendre à
partie ceux qui agissent sur le terrain et qu’il est extrêmement difficile de
faire face à ce type de situation. Le fait d’être armé ne traduisait pas une
intention de reconquête du Rwanda.
M. René Galy-Dejean a souligné l’importance de la réponse
fournie par le Général Philippe Mercier. Il a estimé que le Docteur
Jean-Hervé Bradol devait savoir que pour obtenir ce qu’il souhaitait, et qu’il
a reproché à la France de ne pas avoir recherché, il eût fallu envoyer au
Rwanda de 40 à 50 000 hommes alors qu’il a été difficile de mobiliser
15 000 hommes pendant la guerre du Golfe.
Le Président Paul Quilès a rappelé, sans se faire l’avocat de
personne, que le Docteur Bradol avait souligné que la France n’était peutêtre
pas le pays le mieux placé pour entreprendre l’opération Turquoise, que
la communauté internationale aurait dû le faire et qu’il imputait à cette
dernière la responsabilité de l’inaction face au génocide. Il a par ailleurs
précisé que, lors d’un entretien téléphonique qu’il avait eu la veille avec
M. Boutros Ghali, celui-ci lui avait indiqué qu’il ne pourrait pas venir devant
la mission pour des raisons juridiques, liées au fonctionnement de l’ONU,
mais qu’il était par contre prêt à lui donner par écrit des informations, dont
certaines déjà fournies portent sur l’attitude des Etats-Unis et le blocage
imposé à l’organisation mondiale. Une directive présidentielle américaine,
appliquée pour la première fois lors de la crise rwandaise, expliquerait la nonparticipation
américaine.
Il a fait observer que le refus d’engager une opération lourde
relevait de la responsabilité de la communauté internationale, plus
exactement de l’ONU et notamment des Etats-Unis qui ont bloqué les
initiatives en ce sens, pour des raisons d’ordre psychologique et financier.
Le Général Philippe Mercier a rappelé que les Etats-Unis, à
l’époque, sortaient de la crise somalienne et a estimé qu’ils mettront
longtemps à vouloir s’intéresser de nouveau à des opérations de
rétablissement ou d’imposition de la paix, ainsi que l’a bien montré leur
engagement très tardif sur le théâtre de Bosnie-Herzégovine.
M. Jacques Myard a souligné que les critiques relatives à
l’opération Turquoise ont été formulées de façon générale : « La
communauté internationale n’a pas agi suffisamment, n’est pas intervenue,
n’a pas neutralisé, etc. ». Rappelant que le Général Philippe Mercier avait
indiqué que les forces françaises avaient sécurisé un camp tutsi, et même
plusieurs, il a émis la suggestion que le rapport de la mission rappelle la
chronologie diplomatique et celle de l’intervention des forces
M. Jean-Louis Bernard a souhaité avoir des précisions sur les
membres du FPR que le Général Philippe Mercier avait rencontrés, leur
niveau de responsabilités, les conclusions des entretiens et l’évolution de
leurs convictions.
Le Général Philippe Mercier a indiqué qu’il ne se souvenait pas
de leurs noms. Il s’agissait de représentants d’un bon niveau, âgés de 30-35
ans, comme dans l’équipe de Paul Kagame. Il avait trouvé des interlocuteurs
extrêmement attentifs qui avaient posé des questions nombreuses et précises,
allant toujours dans le sens précédemment indiqué : « N’avez-vous pas
l’intention de reconquérir le Rwanda ? Ne venez-vous pas soutenir les
forces armées rwandaises en débandade ? ». Il a souligné qu’à son avis, il ne
les avait pas convaincus et a rappelé qu’il avait eu le sentiment qu’ils étaient
repartis sceptiques.
M. Bernard Cazeneuve a souhaité savoir si les émissaires du FPR
avaient demandé quelles mesures la France entendait prendre pour empêcher
les massacres de Tutsis. S’interrogeant sur la position du FPR au moment de
l’opération Turquoise, il a remarqué qu’il n’avait pas demandé d’action plus
énergique pour éviter les massacres de Tutsis et qu’il semblait
essentiellement préoccupé des incidences politiques que pourrait avoir notre
intervention, plus que de son incidence humanitaire.
Le Général Philippe Mercier a indiqué que ce qui venait d’être dit
lui semblait bien résumer la teneur de la conversation qu’il avait eue. Les
préoccupations des représentants du FPR étaient avant tout politiques et il
n’y a pas eu, de leur part, de demande de secours dans tel ou tel camp
regroupant des Tutsis.
M. Bernard Cazeneuve a demandé des précisions sur la date de
cet entretien.
Le Général Philippe Mercier a répondu qu’il lui faudrait vérifier.
Il a rappelé que les massacres avaient commencé le 7 avril, que l’entretien
s’était déroulé début juillet, au moment où se mettait en place l’opération
Turquoise.
M. Bernard Cazeneuve a fait observer que les interlocuteurs du
général Philippe Mercier s’étaient comportés en stratèges politiques et
militaires, et a souhaité savoir si les considérations humanitaires qui auraient
pu inspirer leur démarche, compte tenu de l’ampleur des massacres, avaient
été ou non évoquées ?
Le Général Philippe Mercier a répondu que les massacres avaient
été évoqués, mais qu’il n’y avait pas eu de demande ou de souci exprimé en
matière de protection ponctuelle de tel ou tel camp.
M. Bernard Cazeneuve a considéré que les propos suivants
auraient pu être tenus, même par des stratèges et des politiques : « Ne vous
mêlez pas de la guerre ; laissez-nous franchir un certain nombre
d’obstacles militaires pour arriver jusqu’à Kigali, mais partout où vous
êtes, faites en sorte que les massacres ne se produisent pas, que les pertes
humaines soient les moins nombreuses possibles ».
Le Général Philippe Mercier a souligné que ces considérations
n’avaient pas été évoquées de leur part parce qu’il avait indiqué aux
représentants du FPR que l’objectif de la France était bien de mettre fin aux
massacres.
Le Président Paul Quilès a souhaité savoir de quelles sources
d’informations le Général Philippe Mercier disposait en tant que chef de
cabinet militaire du Ministre de la Défense et ce qu’il savait notamment de la
situation des camps de réfugiés.
Le Général Philippe Mercier a indiqué que le cabinet du Ministre
disposait des sources de la direction du renseignement militaire et des fiches
quotidiennes, quelquefois biquotidiennes, établies par les forces sur le terrain,
puis synthétisées par l’état-major des armées (EMA). Des informations
complémentaires qui venaient des autres services de renseignements étaient
traitées au niveau de la cellule de crise qui regroupe au Quai d’Orsay tous les
ministères intéressés par la situation dans le pays considéré. Le cabinet avait
en outre connaissance des options militaires que transmettait l’EMA. L’une
des préoccupations principales de la direction du renseignement militaire et
de l’état-major des armées était de connaître l’emplacement des camps les
plus menacés puisqu’il s’agissait d’une mission humanitaire qui devait mettre
fin à des massacres. Cela n’a d’ailleurs pas été très facile. Au cours de la
première phase de reconnaissance, une carte plus précise des camps a permis
de répartir les efforts des forces déployées dans les trois groupements au sein
de la zone humanitaire sûre.
M. Bernard Cazeneuve a demandé des éléments d’information
complémentaires sur les circonstances des massacres de Bisesero.
Le Général Philippe Mercier a répondu qu’il n’avait pas
d’informations à ce sujet.
Le Président Paul Quilès a demandé, à propos de l’attentat contre
l’avion présidentiel, si dans les semaines qui avaient suivi, le Général Philippe
Mercier avait eu communication de documents ou d’informations
particulières qui permettaient de privilégier telle ou telle thèse ?
Le Général Philippe Mercier a précisé qu’il n’avait pas eu
communication de documents permettant de privilégier telle ou telle thèse. A
titre personnel, il a estimé que la thèse d’un attentat commis par les forces
armées rwandaises lui paraissait insensée.
M. Bernard Cazeneuve lui a alors demandé pourquoi cette thèse
lui paraissait insensée et, par conséquent, pourquoi l’autre thèse, celle de la
responsabilité du FPR, lui paraissait sensée ?
Le Général Philippe Mercier a considéré qu’il semblait insensé
pour les forces armées rwandaises de déclencher un attentat contre leur
Président. Toute thèse consistant à impliquer plus ou moins directement des
éléments français dans cet attentat est tout aussi impensable, compte tenu des
efforts considérables et constants déployés par la France pour améliorer le
fonctionnement de la démocratie au Rwanda, notamment en soutenant l’Etat
rwandais tout en exerçant des pressions sur le Président Habyarimana.
M. Bernard Cazeneuve a considéré que la fraction la plus
extrémiste des FAR aurait pu commettre cet attentat pour des raisons qui
tenaient justement au rôle particulier joué par la France dans le cadre de la
négociation des accords d’Arusha. Ces accords conduisaient en effet à une
démocratisation du régime et privaient ainsi le clan le plus extrémiste, proche
du Président Habyarimana, d’un certain nombre de privilèges dont il avait
disposé jusqu’alors. Il n’y a donc pas de lien à établir a priori entre la thèse
de la responsabilité des FAR et celle d’une participation française à l’attentat.
Les extrémistes hutus auraient pu commettre l’attentat contre le Président
Habyarimana, justement parce que ce dernier avait été considéré par la partie
française comme l’un des éléments les plus favorables à la démocratisation et
que la réunion de Dar Es-Salam, qui avait eu lieu la veille, l’avait conduit à
rompre avec les extrémistes.
Le Général Philippe Mercier a estimé cette thèse cohérente. Il a
indiqué que lorsqu’il parlait des forces armées rwandaises, il désignait des
personnes fidèles au Président Habyarimana et que les extrémistes ont
toujours recours à des moyens extrêmes pour arriver à leurs fins.
M. Bernard Cazeneuve a demandé à nouveau au Général Philippe
Mercier ce qui, selon lui, militait en faveur de la thèse d’un attentat commis
par le FPR.
Le Général Philippe Mercier n’a pas souhaité se laisser entraîner
dans un débat dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants et a
rappelé qu’il était convoqué en tant que chef du cabinet militaire de
M. François Léotard pour l’opération Turquoise.
M. Bernard Cazeneuve a fait néanmoins observer au Général
Philippe Mercier qu’il avait émis une hypothèse sur un sujet à l’égard duquel
la mission se montrait d’une très grande curiosité chaque fois qu’un
interlocuteur l’évoquait et que, même si cet interlocuteur n’était pas
directement compétent pour répondre au regard de ce qu’avaient été ses
fonctions, la mission désirait en savoir davantage.
Le Général Philippe Mercier a indiqué qu’il avait émis une
hypothèse concernant une époque pendant laquelle il n’était pas au cabinet
de M. François Léotard.
M. Charles Cova a observé qu’il s’agissait avant tout d’une
interprétation a contrario de M. Cazeneuve et que le Général Philippe
Mercier n’avait jamais dit qu’il privilégiait la thèse d’un attentat commis par
le FPR.
Le Président Paul Quilès a souligné que personne n’avait encore
apporté d’éléments permettant de privilégier une thèse, factuellement et
objectivement.
Il s’est dit étonné que, sur un attentat commis avec des armements
dont l’utilisation paraissait surprenante dans la région et qui avait provoqué
la disparition d’un équipage français et de deux chefs d’Etat, puis déclenché
des massacres qui se sont transformés en génocide, quatre ans plus tard, on
ne sache toujours rien. Chacun présente sa thèse ou son hypothèse, ce qui
explique pourquoi le rapporteur poursuit quelque peu ses investigations sur
ce sujet.
Evoquant les contacts entre FPR et forces françaises, et les
affrontements qui les auraient opposés, M. Michel Voisin a estimé troublant
que le FPR ait manoeuvré de nuit, ce qui n’est pas l’habitude des troupes
africaines, et s’est demandé si des personnels blancs ne l’auraient pas
encadré.
Le Général Philippe Mercier a indiqué qu’il n’avait jamais eu
d’information à ce sujet. Il savait que les troupes du FPR était très bien
entraînées, même à l’infiltration et à l’attaque de nuit. Mais il a précisé qu’il
n’avait jamais eu aucune preuve ou suspicion d’une quelconque implication
de troupes extérieures encadrant le FPR. Le FPR formait une petite armée
expérimentée, courageuse et bien équipée, qui a prouvé ces qualités par la
suite. Une partie du FPR a franchi la frontière du Rwanda pour progresser
largement vers l’ouest. Les forces armées rwandaises ont subi des pertes
effroyables dans leurs combats contre le FPR.
M. Jacques Myard a demandé combien d’hommes avaient été
perdus par les FAR.
Le Général Philippe Mercier a souligné qu’il faudrait faire la
somme des pertes subies lors des offensives de 1990, et surtout de juin 1992
et de février-mars 1993, qui ont été contenues par les FAR avec beaucoup de
difficultés.

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