Fiche du document numéro 32058

Num
32058
Date
Vendredi 1er octobre 2010
Amj
Taille
311225
Titre
Rapport d'exécution d'une commission rogatoire internationale
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Cote
D7433
Source
Fonds d'archives
PAT
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
COUR D'APPEL DE PARIS

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
DE PARIS

CABINET DE M. MARC TREVIDIC
ET DE MME NATHALIE POUX
VICE PRÉSIDENTS CHARGÉS DE L'INSTRUCTION

Rapport d'exécution d'une
commission rogatoire internationale
N° du Parquet : .9729523030.
N° Instruction: . 272/00/13 & 1341.
PROCÉDURE CRIMINELLE

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Le 1 er octobre 2010

Nous, M. Marc TREVIDIC et Mme Nathalie POUX, Vice Présidents Chargés de l'Instruction au
tribunal de grande instance de Paris, étant en notre cabinet,
Vu l'information suivie contre Rose KANYANGE épouse KABUYE et tous autres des chefs de :
Assassinat en relation avec une entreprise terroriste, faits prévus et réprimés par les articles 221-3,
421-1-1, 421-3 du Code Pénal, 706-16 et suivants du Code de Procédure Pénale
Réquisitoire supplétif du 31/10/06
- Assassinats en relation à titre principal ou connexe avec une entreprise individuelle ou collective ayant
pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur,
- Complicité d'assassinats en relation à titre principal ou connexe avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur,
Faits commis à l'encontre des passagers et membres d'équipage du Falcon 50 immatriculé 9XRNN de
la Présidence de la République du Rwanda,
- Association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme,
Faits prévus et réprimés par les articles 421-1-1°, 421-2-1, 421-3, 421-5, 421-6, 422-3, 422-4, 422-5,
422-6, 422-7, 121-6, 121-7 du code pénal et les articles 203, 706-16 et suivants du code de procédure
pénale
Nous sommes rendus au Rwanda du 11 au 18 septembre 2010 pour l'exécution de notre demande
d'entraide en date du 7 juin 2010.
Outre nous-mêmes, la délégation française était composée de Jean-Julien XAVIER ROLAI, ViceProcureur près le Tribunal de Grande instance de Paris, des cinq experts figurant dans la commission
d'expertise du 21 avril 2010, ainsi que Monsieur Vincent COUGNENC, assistant technique de
Monsieur Jean SOMPAYRAC, du Commandant de police Stéphane OLIERIC de la Sous direction
anti-terroriste de la police judiciaire, de Monsieur Denis JOLY du Service central de l'identité
judiciaire, de trois officiers de protection, de Maître Emmanuel BIDANDA, avocat des parties civiles
Annick, David et François PERRINE et de Maître Léon-Lev FORSTER, avocat de Madame Rose KABUYE.

A notre arrivée à Kigali, le 11 septembre vers 18h50, nous avons été accueillis par les autorités
rwandaises, par l'Ambassadeur de France et par Maître Maingain, second avocat de Madame Rose KABUYE.

Dimanche 12 septembre 2010

Une première réunion de travail s'est déroulée dans les locaux de la Cour Suprême en présence de la délégation française, de Maître Maingain, de Monsieur Jean Marie Vianney MBARUSHIMANA, Principal State Attorney, de Monsieur le Procureur de la République Azarias NSENGIMANA RWAGASANA, Monsieur le Procureur en Chef Richard MUHUMNZA, de Maître Augustin MUKAMA, du Vice-Président du Comité indépendant d'experts et des experts britanniques Mike C Warden et W Alan McClue mandatés par l'Etat rwandais.



Lors de cette réunion ont pu être définies les modalités d'exécution de la commission rogatoire internationale et en particulier la façon dont les opérations d'expertise allaient pouvoir se dérouler sur le terrain de la façon la plus contradictoire possible. La présence des avocats de Madame Rose KABUYE et des experts britanniques constituaient en effet une condition posée par les autorités judiciaires rwandaises à laquelle nous avions bien volontiers souscrits tout en sollicitant la présence de deux avocats des parties civiles afin d'agir dans la plus grande transparence vis à vis de toutes les parties à la procédure. Les autorités rwandaises n'ayant pas autorisé la présence d'un avocat de la famille HABYARIMANA, seul Maître Emmanuel BIDANDA a finalement accompagné la délégation française et assisté aux opérations d'expertise. Les autorités rwandaises nous ont par ailleurs remis une liste de 28 témoins dont les auditions leur paraissaient utiles. L'après-midi et la soirée (15h à 22h30) ont été consacrés à l'audition du témoin Richard MUGENZI. Peu avant celle-ci, les autorités rwandaises nous ont remis les auditions de MUGENZI devant le TPIR en mai et juin 1998 et son audition du 29 décembre 2008 devant le Comité d'experts indépendants. Les noms de toutes les personnes présentes à cette audition figurent sur le procès-verbal d'audition qui doit nous être adressé par la voie diplomatique. Le Procureur de la République NSENGIMANA RWAGASANA a souhaité que les questions soient posées en français par son intermédiaire et nous lui avons donc remis notre questionnaire juste avant l'audition. Au cours de celle-ci, nous avons néanmoins pu poser directement des questions complémentaires, sous le contrôle du Procureur.

Lundi 13 septembre 2010

Matin : Nous nous sommes rendus à l'ancienne tour de contrôle afin que le géomètre et son assistant puissent relever cette position et afin que des photographies puissent être prises depuis l'endroit occupé par le témoin Matthieu GERLACHE le 6 avril 1994 à 20h30 (D2575 et D2709). Cette démarche a d'ailleurs été identique tout au long de la semaine pour les autres témoins dans la mesure où nous voulions nous assurer de ce qu'ils pouvaient réellement voir depuis leur emplacement. La capacité, en particulier, à pouvoir estimer la provenance des tirs dépend étroitement de la position du témoin par rapport à la trajectoire de ceux-ci.

Trois autres témoins, le soldat Fabrice CANFIJN (D2755), le Sergent Philippe LEIDING (D2717) et le Caporal Pascal VOITURON (D4967) se trouvaient à ou à proximité de la position TOP GUN. Selon le Colonel DEWEZ, contacté téléphoniquement par Maître Maingain, cette position des militaires était située à proximité de l'ancienne tour de contrôle, et l'expert géomètre a donc effectué avec son assistant des relevés de bâtiments pouvant correspondre à la position TOP GUN.

Au cours de la seconde partie de la matinée, nous nous sommes rendus dans l'ancienne résidence présidentielle transformée en musée. Les débris de l'avion avaient été transportés en dehors de l'enceinte de la résidence. Les experts ont procédé à toutes les constatations utiles sur les débris. De nombreuses photographies ont été prises.

Après-midi : Nous avons fait la route jusqu'à Massaka, localisé le lieu d'implantation de l'ancienne société Guttanit, ainsi que la ferme CEBOL. Nous sommes ensuite retournés à l'ancienne tour de contrôle pour des prises de clichés sans la brume du matin et avec le soleil couchant. En fin de journée, nous avons indiqué aux autorités rwandaises le nom des témoins figurant sur leur liste que nous souhaiterions entendre. Notre choix s'est en majeure partie porté sur des témoins dont les auditions écrites avaient été utilisées par les experts britanniques. En l'absence des témoins, les experts britanniques n'avaient en effet pas été en capacité de situer leur emplacement précisément.

Mardi 14 septembre 2010

Matin: Exceptés les géomètres qui ont poursuivi leurs relevés sur le site de l'ancienne tour de contrôle et de la position Top Gun, nous nous sommes rendus dans l'enceinte militaire de KANOMBE et avons tenté de localiser les maisons du docteur Pasuch et du Lieutenant Colonel Grégoire de Saint-Quentin. En effet, ces témoins, ainsi d'ailleurs que le médecin militaire Daniel DAUBRESSE, auraient entendu le bruit ou le "souffle" du départ des missiles (D353, D2569, D2577). A défaut de certitude sur l'emplacement des maisons en question, nous avons pu cerner la zone où ces maisons devaient se trouver.

Le reste de la matinée a été consacré à l'exploitation du témoignage écrit du témoin Tharcisse NSENGIYUMVA tel que repris par les experts britanniques. Nous avions sollicité la présence physique de ce témoin mais il s'est avéré que celui-ci était absent en raison d'un déplacement au Burundi. Le témoignage écrit de ce témoin était cependant suffisamment précis pour que l'on puisse le localiser devant l'entrée ou à l'avant du bâtiment abritant le service de pédiatrie de l'hôpital. Comme ce témoin avait indiqué que les tirs provenaient selon lui de l'ancienne porcherie situé le long du chemin bordant l'enceinte de l'ancienne résidence présidentielle, nous avons également localisé ce lieu de tir potentiel.

Après-midi : en raison du nombre de témoins à auditionner sur les lieux où ils se trouvaient le soir des faits poursuivis, nous avons obtenu l'autorisation de procéder à des auditions filmées, en présence d'un interprète en kinyarwanda fourni par l'Ambassade de France. L'audition filmée est d'ailleurs un mode procédural habituel au Rwanda. De ce fait, aucune retranscription n'a été effectuée sur place. Elles seront diligentées en France. Au cours de l'après-midi, 6 témoins ont ainsi pu être entendus tandis que leur position exacte étaient relevées, en tant que de besoin, par les géomètres. Il s'agit de Silas SIBORUREMA, Pascal NGIRUMPATSE, Jean-Bosco MUTWARANGABO, Isodore BWANAKWERI, Théogène NSENGIYUMBA et Anastase NTWARANE.

Mercredi 15 septembre 2010

Matin : nous nous sommes rendus sur les sites de Ndera et de Rusororo pour faire les relevés topographiques.

Concernant le site de Ndera, il s'agissait également d'apprécier la possibilité pour un tireur d'atteindre la résidence présidentielle.

Nous avons pu ensuite localiser la maison communale de Kanombe afin d'exploiter la déposition de Jacques GASHOKE (D7156)

Après-midi : Nous nous sommes rendus au couvent de RUTONGO afin que les experts puissent effectuer tous les relevés nécessaires en vue de l'exploitation de la déposition du soldat Nicolas MOREAU (D2780).

Soirée : Madame Claudine OOSTERLINCK ayant pu obtenir de la tour de contrôle les heures d'atterrissage de nuit des avions sur Kigali, et en particulier des bi-réacteurs CRJ, sur une trajectoire identique à celle du Falcon 50 le soir des faits, nous avons pu débuter nos observations de nuit en nous positionnant à l'emplacement occupé par le témoin GASHOKE. Pour l'avion de 22h30, nous nous sommes rendus à hauteur de l'ancienne porcherie (cf témoin Tharcisse NSENGIYUMVA). L'objectif était de calculer le "temps d'acquisition", depuis cet endroit, d'un éventuel tireur, c'est à dire le moment à partir duquel, de nuit, l'avion peut être visuellement repéré et le temps dont dispose le tireur pour accrocher la cible et tirer.

jeudi 16 septembre 2010

Matin: Nous nous sommes divisés en trois groupes. Les géomètres se sont rendus à l'aéroport pour effectuer leurs relevés de la piste, tandis que les autres experts (y compris britanniques) sont retournés analyser les débris de l'avion. Le reste de la délégation s'est rendu au Parlement (ex CND). Nous avons visité le parlement en compagnie de Madame Rose KABUYE puis nous avons pris la route de Masaka avec un témoin, Monsieur Etienne SIBOMANA, qui nous a indiqué (audition filmée avec interprète) les emplacements des barrages présents, selon lui, le 6 avril 1994, outre le contrôle commun effectué par la minuar et le FAR aux deux entrées/sorties du CND. Nous avons noté la distance entre le CND et chacun de ces barrages sur la route menant à Masaka, à savoir: 1er barrage à 3,4 km du CND, 2ème barrage à 5,2 km, 3ème barrage à 8,3 km, 4ème barrage à 10 km, 5ème barrage à 12,3 km du CND qui correspond au km 19 de la route venant de Kigali. Une certaine logique est apparue dans l'emplacement des barrages, tous situés à proximité d'intersections de routes secondaires avec la route principale.

Après-midi : L'ensemble de la délégation s'est rendu à GUTTANIT puis MASAKA. L'emplacement des anciens entrepôts de la société GUTTANIT s'est avéré être très proche de la bifurcation vers Masaka, juste avant le barrage dit du "KM 19". Peu avant MASAKA, nous avons découvert la Ferme CEBOL . Si le devant de la Ferme est parfaitement dégagée, la vallée aurait à l'époque des faits été recouverte de papyrus, ce qui correspond à la photographie figurant en procédure et qui parait surtout logique en considération de l'activité de la société GUTTANIT (fabrication de toles de papyrus).

Nous nous sommes rendus dans un champ de papyrus à quelques kilomètres de là afin de se rendre compte de la hauteur et de l'aspect de cette végétation.

Nous sommes revenus ensuite à l'emplacement de la ferme CEBOL pour assister à l'atterrissage de nuit d'un CRJ et calculer le temps d'acquisition.

Nous avons fini la soirée dans le cimetière de KANOMBE, à l'extrémité de l'enceinte militaire, pour assister à l'atterrissage d'un bi-réacteur de nuit depuis une position éventuelle de tir pouvant découler des déclarations du témoin Silas SIBORUREMA. A l'époque des faits, le cimetière n'existait pas. L'état exact de la végétation n'est pas connu avec précision. Le témoin Samson TURATSINGE, entendu le vendredi, ne mentionnera pas la présence d'arbres mais d'une végétation s'élevant à mi-hauteur d'homme. Des photographies des arbres présents autour du cimetière ont été prises pour pouvoir déterminer, le cas échéant, par rapport à leur espèce et leur taille, s'ils pouvaient être déjà existants en 1994.

Vendredi 17 septembre 2010

Matin: Plusieurs réunions ont eu lieu. Nous avons tout d'abord eu une discussion avec les experts britanniques sur les régles régissant les expertises judiciaires pénales en France. Les experts britanniques souhaitaient en effet savoir de quelle façon ils pourraient intervenir par la suite, dans le cours de l'expertise. Nous leur avons expliqué que le rapport d'expertise serait communiqué aux conseils de Madame Rose KABUYE et que ceux-ci, dans le cadre d'une éventuelle demande ou de simples observations, avaient tout le loisir de s'entourer de conseil techniques et faire appel à eux. Nous leur avons de même expliqué que les éventuelles observations formulées pouvaient, à notre demande, faire l'objet de questions complémentaires posées aux experts français.

Les experts britanniques se sont ensuite réunis avec les experts français et les avocats pour une discussion informelle.

A midi, nous nous sommes tous rendus au Ministère de la Justice où nous avons rencontré le Ministre de la Justice rwandais. L'ambassadeur de France était présent car c'est à lui que les pièces de procédure rwandaises devaient être remises officiellement puisqu'aucune convention judiciaire prévoyant une remise directe aux autorités judiciaires requérantes n'existe entre le Rwanda et la France.

Après-midi: Les avocats de Madame Rose KABUYE ont sollicité l'audition de deux autres personnes. Il s'agit du contrôleur aérien présent dans la tour de contrôle au moment des faits, Monsieur Patrice MUNYANEZA, ainsi que du témoin Samson TURATSINZE, présent dans le camp militaire de KANOMBE le 6 avril 1994 à 20h30. Ces deux dépositions, comme les autres, ont été filmées. Nous sommes ensuite retournés à MASAKA car, outre la ferme CEBOL en dessous du village, existe une ferme en haut de la colline de MASAKA. Cette ferme se trouve aujourd'hui à proximité immédiate d'une position militaire. Les experts voulaient apprécier, comme pour la ferme CEBOL, les possibilités de tir depuis cette position.

Enfin, nous nous sommes rendus au quartier REMERA 3 en raison du témoignage de Madame Joséphine MUKAZITONI (D7280) qui aurait entendu un départ de missile. Il s'agit cependant d'un quartier étendu et peuplé, sans la moindre indication pour localiser plus précisément le témoin. Le géomètre et son assistant ont donc relevé plusieurs points pour avoir un périmètre possible.

Samedi 18 septembre 2010:

Rendez-vous avec l'Ambassadeur pour divers problèmes logistiques (les documents d'exécution doivent nous parvenir avec la prochaine valise diplomatique); Il s'agit en très grande partie d'auditions enregistrée (audio et parfois vidéo) en kinyarwanda; Toutefois, les autorités judiciaires rwandaises ont indiqué qu'elles remettraient à l'Ambassadeur de France quelques auditions traduites en français.

Départ pour Bruxelles

Dimanche 19 septembre 2010: D

14

Arrivée Bruxelles et avion pour Paris.

Conclusion: : l'exécution de la commission rogatoire internationale s'est déroulée sans problème particulier. Nous avons pu nous rendre dans tous les endroits utiles et les experts ont pu récolter toutes les données nécessaires à leur expertise

Annexes :
-Témoignage de Richard MUGENZI donné le 29 décembre 2008 devant le Comité d'experts indépendants

- Auditions de Richard MUGENZI devant le TPIR (15 et 19 mai 1998, 15 au 20 juin 1998)

- Liste des témoins disponibles remis par les autorités judiciaires rwandaises et les conseils de Madame Rose KABUYE

le Vice Président Chargé de l'Instruction

le Vice Président Chargé de l'Instruction

M. Marc TREVIDIC ,.-

POUX

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