Citation
Plus largement, entre le rapport Duclert et la visite d'E. Macron au Rwanda
le 27 mai dernier, les annonces de restitutions d'objets d'art au Bénin pendant
le sommet Afrique-France, ou la présence du chef de l'Etat français lors de
la commémoration du massacre du 17
octobre 1961 à Paris, comment analysez-vous la politique mémorielle d'E.
Macron, qui a prôné lors du sommet
une "politique de reconnaissance" plutôt que de "demande de pardon" ?
Boris Boubacar Diop : Ici, pour être honnête, j'ai du mal à me faire une religion. Parfois je me dis que tous ces gestes qui se
veulent autant de mea culpa, sont le signe
d'une certaine fragilité psychologique de Macron, la preuve qu'il ne maitrise pas ses émotions. Mais il m'arrive de me dire qu'il faut lui
faire crédit d'une certaine bonne volonté au
lieu de verser dans le nihilisme. Il se peut
aussi qu'au-delà de ses sentiments personnels, il en soit arrivé à penser qu'il est temps
pour la France d'oser faire face aux démons
de son passé, de reconsidérer le rapport typiquement négationniste qu'elle entretient
avec sa propre histoire coloniale. Après tout
il y a juste seize ans le parlement français faisait voter une loi sur "les aspects positifs de
la colonisation". Tout ce que dit Macron
nous éloigne de cette mystérieuse logique et
je trouve cela très bien.
Cela dit, personne n'aura la naïveté d'attendre de lui qu'il saborde les intérêts français. Ces gestes, qui d'ailleurs portent tous
sur un passé plus ou moins récent, visent à
renforcer la Françafrique, pas à la mettre en
péril. Mais le fait que le président français ait
assez de marge pour se permettre ces petites coquetteries en dit beaucoup sur notre
faible combativité. Ne se sentant obligé à
rien, il peut bien faire des concessions qui ne
coûtent rien à son pays. Le rapport Duclert
se présente sous un jour différent, il a été
contraint de le commanditer par la pression
de l'Etat rwandais, de la société civile française et de femmes et d'hommes épris
d'équité à travers le monde. Ce rapport, on
ne peut pas s'en débarrasser d'un haussement d'épaules, c'est un pas en avant même
s'il faut maintenir la pression pour des aveux
complets, le jugement de ceux qui ont matérialisé la complicité de génocide de l'Etat
français et "last but not least", des excuses au
peuple rwandais.