Fiche du document numéro 2297

Num
2297
Date
Samedi 9 avril 1994
Amj
Auteur
Taille
149487
Surtitre
Rwanda
Titre
Kigali bascule dans la guerre civile
Soustitre
Assassinats et pillages se multiplient dans les rues de la capitale. La garde présidentielle répand la terreur.
Nom cité
Cote
no 15443
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
KIGALI, la capitale du Rwanda, a sombré dans la guerre
civile. Mercredi soir, l'avion transportant les présidents rwandais,
le général Juvénal Habyarimana, et burundais, Cyprien NtaryaminaCyprien Ntaryamira,
s'écrasait sur l'aéroport, touché, semble-t-il, par une ou plusieurs
roquettes. Depuis, la violence se déchaîne, à l'initiative le plus
souvent de la garde présidentielle, dont il faut souligner qu'elle a
interdit l'approche de l'épave aux experts de l'ONU qui avaient voulu
s'en approcher.

Les dépêches d'agence égrènent leurs cortèges d'horreurs, non
dépourvus de contradictions entre les sources comme d'une heure à
l'autre. En voici quelques points saillants, qui ne sauraient suffire
pour dresser un tableau complet de la situation sur place.

Assassinat de Mme Agathe UwilingiyamanaAgathe Uwilingiyimana, premier ministre, enlevée par des militaires « réguliers ». Agée de quarante et un ans, elle était
issue du principal parti d'opposition au président Habyarimana, le
Mouvement démocratique républicain (MDR) ; nommée premier ministre en
juillet dernier, dans le cadre d'un compromis entre le président et
son opposition légale, elle avait aussitôt été victime d'une agression
à son domicile et d'un passage à tabac en règle. Peu de temps après,
son parti éclatait en deux, certains de ses « opposants » (au sein du
MDR lui-même) la séquestraient pendant une nuit pour lui soutirer une
lettre de démission, qu'elle dénonçait dès qu'elle avait pu retrouver
sa liberté de mouvement.

Simultanément on apprenait que dix casques bleus belges (certaines
dépêches hasardant des chiffres plus élevés) avaient été tués par des
militaires rwandais jeudi à Kigali. Et puis, les chiffres s'affolent :
dix-neuf Rwandais assassinés par des militaires, jeudi, dans un centre
jésuite à Kigali... Plusieurs dizaines de Rwandais travaillant pour
des organisations humanitaires internationales ont été
massacrés... D'autres ministres (combien ?) auraient trouvé la
mort... Chaque fois, les indications restent floues mais tendent à
converger en une même accusation : la « garde présidentielle », issue
de la frange hutue la plus violemment anti-tutsi, serait à l'origine
de ces tueries. Vengeance aveugle ou poursuite d'un coup d'Etat dont
l'assassinat du président n'aurait été que la première étape ?

Des incendies font rage dans la capitale et soldats et « mutins »
s'affrontent aux abords du Parlement. Des corps à corps opposeraient
la garde présidentielle hutue et des membres de la minorité tutsie. « Ils combattent, puis se reposent, puis recommencent. C'est calme
pendant un moment, puis soudain on entend de nouvelles explosions », a
déclaré un habitant, dans une formule rapportée par l'agence Reuter.

Dans un rapport rendu public à Genève, le représentant du HCR
(Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) à Kigali,
Carlos Rodriguez, fait état de « pogroms et de purification (ethnique)
dans la ville ». Le bilan des affrontements serait « particulièrement
élevé ».

Rappelons qu'un peu plus de 2.500 soldats, originaires de 23 pays, ont
été ces derniers mois envoyés au Rwanda. Objectif déclaré : aider à
mettre fin à la guerre civile entre les ethnies hutue et tutsie. Les
principaux contingents proviennent du Bangladesh (937 hommes), du
Ghana (841 hommes), de Belgique (428 hommes).

JEAN CHATAIN

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