Fiche du document numéro 22177

Num
22177
Date
Vendredi 26 septembre 1997
Amj
Taille
1278170
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 14 [La fuite du GIR à Gitarama - Rapports des préfets - Distribution d'armes]
Tres
La fuite du GIR à Gitarama
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
Face A de la cassette 14.

PD -On va commencer. Alors, toujours le 26 septembre 97, 11 heures 49, on reprend les
enregistrements, suite à une pause qui s’est prolongée un petit peu. Due à certains appels
téléphoniques qu’on a eu à faire.

MD -Onadit 11 c’est 50.

PD -On a dit 49 je crois, 11 et 49. Pendant la pause, Monsieur Kambanda nous avons scellé le

ruban numéro 13 A dans une enveloppe, vous avez signé votre enveloppe à 10 heures OS, on voit dans

le dos.

JK -Oui.

PD -Marcel va poursuivre le scellé. De son côté. On en était à...

JK -Je ne sais pas si on a terminé la partie que j’ai exposée sur la mise en place du gouvernement
intérimaire.

PD -On en était vraiment au rôle qu’avait pu avoir des gens comme Karemera, des gens comme

Bagosora sur la nomination de votre gouvernement. C'était vraiment ça là qui était le point d’intérêt
pour nous dans ce paragraphe là. C’était le, la force de ces gens-là. Je sais pas si vous avez d’autres

choses que vous voulez ajouter ?

JK -Non.

PD -Que vous pouvez ajouter.

JK -Non j'ai rien à ajouter.

PD -Là-dessus vous avez rien. Ok. Moi, il y avait juste une chose aussi, dans ce, le paragraphe

précédent, vous nous parliez d’une convocation des préfets.

TK -Oui.

PD -Ok. Moi j'aimerai avoir des précisions concernant ça. Concernant la, la convocation des
préfets. Exactement comment ça a été décidé, pourquoi il a été décidé de convoquer les préfets, qui
a suggéré de convoquer les préfets, comment ça c’est passé ?

TK -Je ne peux pas préciser qui a suggéré mais, comme je l’ai dit, nous avons eu une réunion,
comme gouvernement, le 10, c’était un dimanche. Et, déjà le samedi 9, on avait eu une première
réunion après l’assermentation, et dans cette réunion tout le monde était intéressé à savoir la situation

dans les préfectures, dans la mesure où, personne, du moins au niveau du gouvernement, ne nous



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affirmait connaître ce qui se passe dans les préfectures.

PD -Je veux pas vous interrompre pendant votre exposé, mais lorsque vous dites “tout le monde”
là, lorsque vous nous dites “tout le monde” ?

TK - Au niveau du gouvernement.

PD -Ce qui veut dire ?

JK -Les ministres.

PD -Les ministres.

JK -Parce que le gouvernement c’était les ministres.
PD -Parfait. Continuez s’il vous plaît.
JK -Et donc, à ce niveau, chacun de nous a manifesté un certain intérêt d’avoir de l’information

sur la situation dans l’ensemble des préfectures. Et il fut décidé, là c’est là où je dis que je ne peux
pas dire c’est untel ou untel, qui aurait émis l’idée, il fut décidé que pour mieux savoir ce qui se passe
dans les préfectures, la meilleure façon de le faire c’était de convoquer les préfets. C’est à cette

occasion là que nous avons décidé de convoquer une réunion de tous les préfets.

PD -Les préfets c’étaient vos interlocuteurs dans les préfectures ça ?

JK -Oui.

PD -Si le gouvernement émet une directive, il l’émet au nom des préfets ?

JK -Oui.

PD -Ce sont eux qui sont responsables de l’application du gouvern.… d’une directive

gouvernementale ?
JK -Oui,
PD -OK. Alors là, si on résume, c’est que vous avez, le gouvernement en son ensemble, sans

exception, a manifesté le désir de rencontrer les préfets.

JK -Oui, oui.

PD -Un, la première raison c’était pour obtenir des.

JK -Des informations sur la situation qui prévalait dans les préfectures.

PD -Ok. Est-ce qu’il y avait d’autres buts secondaires, comme, je sais pas moi, vous présenter ?

Vous savez, est-ce que vous étiez tous connus par tous les préfets de toutes les préfectures comme

gouvernement ou si... ?

-



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JK -Non on n’était pas tous connus, je crois que cette raison là, ne prévalait pas pour la

convocation de cette réunion aussi urgemment. Ce qui prévalait c'était d’en savoir plus sur la

situation.

PD -Ok. Là, le, vraiment le but c'était ça ?

JK -Oui.

PD -Est-ce qu'il y a eu des buts secondaires qui se sont développés lors de la réunion ?

JK -Le but secondaire ça a été la présentation.

PD -Votre présentation.

JK -Comme le gouvernement n’était pas connu, effectivement on ne pouvait pas s’introduire

devant les préfets sans leur dire qui on était et pourquoi on était là.

PD -OKk. Est-ce que les préfets savaient qui composait le gouvernement à ce moment-là, à cette
date-là et, si oui, comment avaient-ils pu le savoir ? Est-ce que, disons le, votre, votre nomination au
gouvernement a été diffusée de façon radiophonique, est-ce que les gens ont pu assister à ça de façon
radiophonique ou est-ce que la mise en place du gouvernement a été publicisée, a été, comment a-t-
elle été publicisée ?

JK -Comme je l’ai déjà indiqué, déjà, dès le 8, cette information est passée sur les ondes de la
radio nationale. Donc tous les noms étaient connus.

PD -Les noms étaient connus.

JK -Je ne suis pas sûr que tous les préfets connaissaient le visage de tous les ministres, donc non,
ça je ne peux pas affirmer, mais les noms étaient connus. Et chacun était mis à son poste.

PD -Chacun était mis à son poste. Le, je sous-tends donc là, j'entends donc vos propos que votre
mise en place a pas été radiodiffusée ou filmée ou publicisée ou quelque chose comme ça ? Quand
vous êtes allé à l'Ecole Supérieure Militaire, c’est pas quelque chose qui était comme public, là dans
le sens, il y avait pas de radio sur les lieux, il y avait pas.

JK -Non là c'était encore des, des réunions que je qualifierai de secrètes, puisque ce n’était pas
connu du grand public, donc il y avait que les gens qui étaient invités ou qui a participé, qui
participaient à la réunion qui savaient de quoi on traitait.

PD -Ok. Pour notre connaissance personnelle, pouvez-vous nous expliquer physiquement

comment c’est déroulé votre nomination au gouvernement par le comité militaire de crise, quand vous



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êtes arrivé à l’école supérieure militaire là, est-ce que c'était gardée par plein de gardes, vous entrez
à l’intérieur, juste c’est ça que j'aimerai savoir. Qui, comment étaient disposés les gens, comment
étaient assis les gens, c’était un panel sur lequel, auquel vous deviez vous présenter, c’est ça j'aimerai
savoir s’il vous plaît ?

JK -Moi je ne me souviens pas de, de la situation physique de, des gens qui étaient présents sur
place. Ce que je me souviens c’est que les gens étaient assis, en ce qui concerne, en ce qui me
concerne, tout près des responsables de leurs partis politiques. Moi je me suis assis à côté de
Karemera et de, du docteur Murego.

PD -Ok.

JK -Et je ne connaissais pas tout le monde, à cette époque, maïs je présume que les autres ont dû

faire la même chose pour s’asseoir à côté de responsables de leurs partis politiques respectifs.

PD -Est-ce que vous étiez assis dans une salle ?

JK -Nous étions assis dans une salle.

PD -Etiez-vous assis face aux gens qui vous avaient convoqué ?

JK -Non. On n’était pas assis face aux gens qui nous convoquaient. Je n’ai, je ne me souviens pas

les avoir vus devant et nous face à eux, je crois que c’était, [à je peux me tromper, de façon circulaire.
Je ne me souviens pas, je n’ai pas en mémoire la façon exacte dont nous étions assis. Mais ce que je

sais c’est que nous n’étions pas face aux gens qui nous avaient convoqué.

PD -Ok. C'était pas un panel assis, c'était, ça, tout au plus ça pourrait...

TK -Oui.

PD -..être un cercle auquel était assis différentes personnes ?

JK -Oui.

PD -Ok. Les gens qui vous ont convoqué, est-ce que vous avez, pour certains des gens qui vous

ont convoqué, il y avait les.

JK -Le comité militaire de crise, et les partis politiques.

PD -Il y avait le comité militaire de crise, ok. Au niveau du, des partis politiques, est-ce que vous
avez en mémoire si les gens, les partis politiques, étaient revêtus de treillis militaires ou si ils étaient
revêtus d’habits civils ?

JK -Les, qui ?



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PD -Les gens du, des partis politiques.

JK -Je ne les ai pas vu en treillis militaires.

PD -C’était des gens.

JK -Ça m'aurait, ça m'aurait un peu marqué, je ne les ai pas vu en treillis militaires.

PD -Ok, c’est ça. Est-ce que vous avez vu des gens, là, du comité militaire de crise en treillis
militaires ?

JK -Je n’ai pas en mémoire la, la, disons la tenue qu’ils portaient, mais je me souviens n’avoir
jamais vu un militaire pendant cette période, en tenue civile. Ce qui me laisse croire que ils devaient
être en tenues militaires.

PD -Ok. Même un militaire retraité, à cette époque, portait la tenue militaire ?

JK -Même les militaires retraités portaient la tenue militaire, je n’en est pas, je me souviens pas
avoir vu un militaire, même retraité, en tenue civile.

PD -Ok. Est-ce que d’office ils sont redevenus militaires actifs ?

JK -Je ne peux pas affirmer ça dans la mesure où, où ils l’ont demandé plus tard et qu’ils ne l’ont
pas nécessairement obtenu. Donc je ne peux pas dire ils sont d’office redevenus actifs, ils l’ont

publiquement demandé au gouvernement.

PD -Oui.
JK -Certains l’ont obtenu, d’autres ne l’ont pas obtenu.

PD -Monsieur, le président, Monsieur Bagosora, est-ce qu’il, est-ce qu’il était actif, il était inactif lui depuis sa retraite, 93, 92, quelque chose comme ça ?

JK -C’est difficile à qualifier dans la mesure où politiquement il était actif. Il était quelqu'un qui était très haut placé au niveau du ministère de la défense, est-ce qu’on peut le considérer comme actif ou comme inactif ? Ça c’est une question à laquelle je ne sais pas répondre.

PD -OK. Ndindiliyimana [phonétique] est-ce qu'il était toujours actif lui ?

JK -Ndindiliyimana était toujours actif.

PD -Toujours actif.

JK -Oui.
PD -C'était un membre actif des forces armées.
JK -C’était un membre actif des forces armées.



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PD -Rusatira [phonétique] était un membre actif des forces armées ?

JK -Oui.

PD -Bagosora était un membre, retraité officiellement des forces armées ?

JK -Oui.

PD -Occupant un poste de direction au cabinet. Directeur de cabinet.

JK -Oui.

PD -Est-ce qu'il y en d’autres là, je m'excuse j’ai pas les noms en mémoire.

JK -Moi non plus je ne les ai pas en mémoire, moi je l’ai dit [inaudible]...

PD -Tous ces gens-là que vous voyez retraités ou non retraités ou actifs ou non actifs sont toujours

en uniforme militaire ?

JK -J’ai dit, je n’ai pas en mémoire la photo que j’aurai pu garder en tête, maïs je tire ma, disons
ma conclusion sur le fait que je n’ai jamais vu un militaire pendant toute cette période en tenue civile.
Je ne vois pas pourquoi à cette épo.. à ce moment-là ils auraient été en tenue civile et pas à d’autres
occasions.

PD -Ok. Parfait.

MD -Est-ce que Bagosora n’est pas un de ceux qui ont fait la demande d’être réactivé militaire ?
TK -C’était, oui, il est l’un de ceux qui ont fait, c’est pas lui qui a fait la demande, c’est le
ministère.

MD -Le ministère a fait la demande.

JK -Qui a fait la proposition.

MD -Le ministère de la défense ?

JK -Oui.

MD -A fait la demande auprès du gouvernement ?

TK -Oui.

MD -Etest-ce qu’ils ont soumis une liste de noms des personnes qu’on voulait.

TK -Non.

MD -.réinstaller ?

JK -Non on n’a pas soumis une liste de noms, c’est, c'était une, un accord de principe, que les

militaires retraités puissent.



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PD -Est-ce que c'était des militaires généralement ou si c'était des personnes particulières ? Est-ce
qu’on avait une liste particulière ?

JK -On n’a pas mené une, on n’a pas amené une liste particulière, on a posé une question de
principe, de remettre en activité les militaires retraités.

PD -Mais tout à l’heure vous nous avez dit que, que quelques uns ça avait été accepté, ça avait été
accepté pour quelques uns et refusé pour d’autres. Alors, il fallait, si on acceptait quelques uns, si on
en réactivait quelques uns, il fallait qu’on ait liste ?

TK -C’est ça, c’est ça qu’on a voulu éviter, on a dit que si, au niveau du gouvernement, si on en
avait besoin, on les prendrait. Que si on n’en, mais que on n’accepte pas le principe de ramener tout

le monde en activité.

PD -OKk, alors ça a été, en principe ça a été refusé.

TK -Ça a été refusé. Mais avec le, le gouvernement se donnait le droit de rappeler qui il souhaitait.
PD -Ok, pouvez-vous nous nommer certains des militaires qui ont été acceptés ?

JK -Je ne, dans la partie que je suis en train de développer je ne peux pas le dire puisque je ne l'ai
préparé.

PD -Ok, mais vous avez, vous serez en mesure de nous en parler ?

JK -Oui.

MD -Vous allez d’ailleurs nous parler, j'imagine, de la demande que, de la façon dont Bagosora
vous a fait sa demande ?

JK -Oui.

PD -OKk. On, as-tu d’autres choses Marcel, que tu vois à ce chapitre-Ià que t’aimerais, qui, qui...
MD -Il y avait, j'avais noté une, une partie des figures, ah ça c’est quand ils ont déménagé, quand
le gouvernement a déménagé, c’est plus loin ça. Vous avez été, “le convoi s’arrête [inaudible] la
maison du préfet Fidèle”.

JK -Cela je ne l’ai pas encore.

PD -On ne l’a pas encore présenté.

MD -OKk. Ok, mais je sais qu’on en parle là, on en parle plus loin de ça. Mais ça c’est...

JK -Ça j'ai pas développé.

MD -Ok. Non moi c’est, ça... ces deux pages ont été.



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PD -On peut poursuivre avec un nouveau chapitre s’il vous plaît.

JK -Le nouveau chapitre concerne le déménagement et les activités qu’on a faites à Gitarama. Le
12 avril 94, le gouvernement déménage vers Gitarama, suite à la décision prise par le général
Ndindiliyimana, due à des raisons de sécurité. Au réveil, le matin de ce 12 avril 94, ma femme m’a
avisé que la plupart des familles avaient déjà quitté l'hôtel. C’est à ce moment que j’ai rencontré le
général Ndindiliyimana, qui m'a informé que Kigali devait bientôt être pris, et que nous devions
quitter par convoi avant 10 heures. Escorté par des gendarmes, mis à ma disposition ce matin même,
je me joins avec mon auto conduite par Marc Twagiramukiza [phonétique], au convoi qui nous
amènera jusqu’à Gitarama. Le convoi s’arrête à cet endroit. Des membres du gouvernement se
réunissent à la maison du préfet Fidèle Rwizeye [phonétique], qui nous a accueilli. Nous y prenons
trois grandes décisions. Soit la première, de demeurer à Gitarama, la deuxième, de choisir l’école de
formation du ministère de la jeunesse à Murambi comme site du gouvernement, troisièmement,
l'envoi de missions à l’extérieur du pays. Une première mission se rendra en Afrique du centre et de
l’ouest, une deuxième en Afrique de l’est et du nord, et une troisième en Europe et en Amérique, où
respectivement la Belgique et les Etats-Unis refuseront le visa d’entrée à nos émissaires. Cette journée
du 12 avril 94 il était possible de voir à Kigali les troupes de paras français qui évacuaient les
expatriés. Plus tard j’ai appris que si la plupart des familles des ministres n’étaient plus à l’hôtel le
matin du 12 avril 94, c’était dû au fait que la quasi-totalité des anciens ministres avaient par relations,
par leurs relations des privilèges avec les français que moi je n’avais pas. Ils avaient donc pu, via
l'ambassade française, faire évacuer leurs familles contrairement à moi et à certains autres membres

du gouvernement, surtout les nouveaux.

PD -OKk. Ça ça touche votre déménagement.
JK -Mon déménagement.
PD -Votre déménagement. On va...

MD -On a touché quand même la partie là du, de l’évacuation des familles, tout à l’heure je pense
qu’on va discuter ça.

PD -Je pense le point qui a pas été touché là-dedans, c’est vraiment la façon dont s’est prise la
décision pour le déménagement. Parce qu’on a pas discuté à date, là ensemble...

MD -Suite à la décision du, suite à la décision prise par le général Ndindiliyimana, due à des



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raisons de sécurité, est-ce qu’il a parlé sur les raisons de sécurité, qu'est-ce qu’il en était ?

JK -Donc, il ne fut jamais question de discuter sur le déménagement ou pas. Comme je le dis, le
matin ma femme m'a avisé qu’elle trouve que il n’y a plus de gens dans l’hôtel. Très peu de gens dans
l'hôtel, qu'il y a, les gens sont partis. Je me suis levé et je suis descendu, en bas de l’hôtel, j’ai
rencontré le général Ndindiliyimana, il m'a demandé si j'étais prêt, je lui ai dit “prêt à faire quoi ?”,
il dit “nous allons déménager, avant 10 heures nous devons être sortis de Kigali, parce que la ville de
Kigali sera encerclée à 10 heures, avant, vers 10 heures nous devons avoir quitté Kigali”. Alors je
n’avais pas question à poser, c'était.

MD -C'était vraiment là, critique.

JK -Critique, je suis retourné dans ma chambre, j'ai pris quelques affaires, je n’ai même pas pu
tout prendre, j'ai pris quelques effets, et puis je suis descendu. J’ai attendu qu’on me donne l’ordre
de quitter l’hôtel.

MD -Est-ce que vous trouviez pas ça un peu, un peu curieux, qu’on, qu’on vous ait, qu’on n'ait
pas été vous avertir, qu’on vous ait pas fait part de la situation la veille par exemple ? Parce que c’est

pas arrivé durant la nuit, là, l’encerclement de la ville, là, ça c’est pas fait dans l’espace de quelques

heures.
JK -Curieux oui, mais ce n’était pas la première situation curieuse que je rencontrai.
PD -Tout au moins le matin on aurait pu aller vous informer, la rencontre c’est faite, vous vous

êtes levé, vous avez rencontré le général, et c’est là qu’il vous a mis au courant de cette situation là

?

JK -Oui.

PD -Quelle heure était-il à ce moment ?

JK -Je ne peux pas préciser l’heure mais, je crois qu’on a attendu à peu près une heure avant de

quitter l’hôtel, donc ça devait être entre 8 heures et 9 heures.

MD -Vous aviez à peu près une heure pour vous préparer pour quitter ?

JK -Oui.

MD -Tout de suite, c'était vraiment la situation d’urgence à ce moment-là. Est-ce que, qui d’autre
est là, à part vous, qui restait du gouvernement ?

TK -Je n’ai pas tous les noms en tête mais je me souviens que Jérôme était là. Jérôme



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Bicyanumbaka [phonétique], je me souviens que un nommé Habineza Jean de Dieu était là et les
autres, mais Je n’ai pas tous les noms en mémoire, pour dire untel était là...

MD -Est-ce qu'il y en avait beaucoup encore là, est-ce qu’il y avait plusieurs membres du
gouvernement qui étaient là ?

TK -Non. Il y en avait peu.

MD :-Il yen avait peu.

JK -Oui.
PD -Il y avait peu de membres du gouvernement qui étaient restés à l’hôtel ?
JK -Oui.

MD -Les autres avaient déjà quitté ?

JK -Non ils n’avaient pas quitté, mais ils étaient en train de, de, d’amener leurs familles à
l'ambassade de France ou de faire des déplacements pour se rendre à l’ambassade de France ou
dans.., puisque les gens ils allaient à l’ambassade de France et ils revenaient, mais nous on ne savait
pas exactement ce qui se passait, on n’était pas informé.

MD -Donc les, la, les familles, les familles des, des autres membres du gouvernement c’est ce
matin- là que, que l’évacuation s’est faite aussi, avec l'assistance des français ? C’est à ce moment-là
qu’elles sont allées.

JK -Je ne peux pas savoir quand ça a eu lieu. On m’a dit...

MD -Mais ça, on vous a dit qu’ils sont allés à l’ambassade de France pour...

JK -On m'a dit que c’était plutôt de nuit qu’ils sont partis. La nuit, qu’ils sont partis. Mais, moi
Je n’ai pas su. Je dormais.

MD -Ouais.

PD -Est-ce qu’il y avait des gens qui ont semblé informés vous vous sembliez pas informé, vous
me dites que vous ne l’étiez pas informé du, des raisons de votre déménagement, les raisons exactes
de votre déménagement. Est-ce qu’il y a des gens qui eux ont semblé informés de ça, qui ont semblé
savoir de quoi il était question là, pourquoi vous déménagiez ?

JK -Ce qu’on m’a dit c’est que c’était pour des raisons de sécurité.

PD -Ouais mais ce que je vous demande c’est par la suite là, vous vivez avec les gens du

gouvernement, vous déménagez à Gitarama, ben la promiscuité, vous allez vivre beaucoup plus à



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l’étroit encore à Gitarama, vous allez toujours être ensemble pratiquement, est-ce que, si vous avez
appris qu’il y avait des gens qui étaient mieux informés que vous, ou des gens qui ont eu d’autres
raisons pour lesquelles vous deviez déménager ou. ?

JK -J’ai pas eu d’information sur d’autres raisons que des raisons de sécurité qui ont fait que nous
déménagions. Mais par contre, qu’il y ait des gens qui avaient un peu plus d’information que nous,
oui. Puisque, dans la mesure où eux avaient déjà évacué leurs familles ou avaient déjà fait, fait partir
leurs familles.

PD -ÇCa nous amène à poser toujours la même question, les gens qui ont évacué leurs familles,

c’est toujours le même groupe de personne, c’est des gens du MRND ?

JK -Je ne peux pas les catégoriser…
PD -Monsieur Mugenzi, et Monsieur Mugenzi ?
JK -Je ne peux pas les catézoriser en disant ce sont des gens du MRND dans la mesure où il y a

une ou deux personnes du MRND qui n'étaient pas parties.

PD -Qui étaient qui ces personnes-là qui n’étaient pas parties ?

JK -Moi j'ai, je me souviens d’avoir vu Pauline à l’hôtel, elle ne semblait pas être plus informée
que moi. Pauline Nyaramasuhuko. Elle ne semblait plus informée que moi. Je ne peux, je n'ai pas
en mémoire d’autres, une autre personne que j'aurai vue, donc je ne peux pas dire, les gens du MRND
eux étaient partis, le fait est que, parmi les gens qui sont partis, la majorité était effectivement du
MRND comme ils étaient de toute façon majoritaires au gouvernement.

PD -C’est ça. Puis il y en avait pas du MDR ?

JK -Il n’y en avait pas.

PD -OKk.I! y en avait un du PL qui était Justin ?

JK -C’est la personne dont je me souviens, oui.

PD -OKk. As-tu autre chose Marcel ?

MD -Mais alors, après, ensuite de ça, donc le convoi s’arrête à cet endroit, mais le premier arrêt,
là tout le monde, est-ce que le gouvernement a voyagé, dans le convoi, et qu’après, quand vous vous
êtes réunis en convoi, est-ce que la majorité des membres du gouvernement était dans le convoi ?
JK -La majorité des membres du gouvernement était dans le convoi.

MD -Est-ce qu’il en manquait beaucoup ?



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JK -Je n'ai pas fait attention. Parce que c’était le convoi, donc, chacun prenait sa ligne, il était à
sa place.

MD -D’accord, par contre, vous vous êtes réunis à la maison du préfet Fidèle.

JK -Oui.

MD -Est-ce que tout le monde était à la, à cette réunion, est-ce que tous les membres du
gouvernement étaient à cette réunion ?

TK -Je n’ai pas fait le décompte exact pour savoir si tout le monde était là, mais je peux vous dire
que la majorité était là.

MD -La majorité était là.

PD -Est-ce que vous avez en mémoire des absents ?
JK -Je n’ai pas en mémoire des absents.
PD -Vous avez pas en mémoire des absents.

MD -Mais vous avez fait une réunion.

JK -Oui.
MD -A cet endroit.
JK -Oui.

MD -Est-ce que vous connaissiez vous-même, vous personnellement Fidèle, personnellement ?
JK -Oui je le connaissais.

MD -Vous le connaissiez déjà.

TK -Oui.

PD -Il était de quelle tendance politique lui Fidèle ?

JK -Il était du MDR.

PD -Du MDR, de votre parti ?

JK -Oui.
PD -Qui a pris la décision de s’arrêter chez lui ? Ou de conduire le convoi chez lui ?
JK -Je ne me rappelle plus de qui, mais quand nous avons quitté Kigali, aucune destination ne

nous avait été assignée. On ne savait où on allait.
MD -Vous ne saviez pas où vous alliez ?

JK -Nonr.



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MD -Est-ce qu'il avait jamais été question de vous installer, d'installer le gouvernement à
Gitarama, en situation de crise ?

JK -Il n’était jamais question de l’installer là-bas. Moi je n’étais pas informé, puisque, la preuve
étant que certains ont même dépassé Gitarama pour aller je ne sais pas où. Certains disaient qu’ils
allaient jusqu’à Cyangugu. Mais, nous, nous nous sommes arrêtés là-bas. Je présume que c’est, ça doit
être la personne qui nous guidait qui a convoyé.….

PD -Qui vous guidait ?

JK -C’est Ndindiliyimana.

MD -Ndindiliyimana lui-même ?

JK -Oui.

MD -Alors le gouvernement comme tel n’avait pas pris de, de, n’avait pas planifié de, d’endroit?
JK -Non, non. Parce que...

MD -Mais on peut supposer que les militaires l’avaient fait ?

JK -Ça je ne peux pas, en tout cas, quand je suis arrivé là-bas, et quand j'ai discuté, quand j’ai
assisté à la réunion chez le préfet, ça ne me donnait pas l’air d’avoir été planifié avant, dans la mesure
où il a fallut qu’on prenne une décision là-dessus. Est-ce qu’on reste [inaudible].

MD -Vous êtes arrivés chez le préfet, là, sans, sans, sans annonce ?

JK -Je n’ai pas eu l’impression que c’était une...

MD -Quelque chose de planifié ?

JK quelque chose de planifié, de bien préparé.

MD -C'est assez. c’est quand même, c’est quand même une mesure assez importante.

PD -Alors on pourrait dire il était parti sur un Nowhere.

MD -C'est ça. Ça a l’air de quelqu'un qui dit là, on va voir notre ami Fidèle. Et vous avez décidé
à ce moment-là comme ça, la réunion que vous avez tenue n’était pas plus planifiée que d’aller à cet
endroit ?

JK -Non. Non ce n’était pas planifié.

MD -Vous avez décidé de, comment se fait-il que vous avez décidé déjà de vous réunir et de
prendre des décisions, à cet endroit, est-ce que ça se prêtait à ça ? Est-ce que ça se prêtait à discuter

de la situation ? Est-ce que ça a été fait de façon officielle ?



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JK -Je n’ai pas eu la sensation que c’était une réunion officielle. C’est plutôt une réunion de
famille, puisque.

MD -Est-ce que le président était-là ?

JK -Le président était Jà.

MD -C'était plus une réunion de famille.

JK -Pour se poser des questions sur on va où, et qu’est ce qu’on fait.

PD -Qu'’est ce qui vous a fait dire, bon ok, on va s’arrêter à Gitarama.

JK -C’est ce que je ne sais pas puisque je vous ai dit que j’ai vu que les...

PD -Ah non, non, non, ah non, vous êtes du gouvernement, dans sa réunion de famille a pris une
décision.

JK -Oui.

PD -Ok. On s’immobilise à Gitarama, on ouvre le gouvernement à Gitarama, on va tenir nos

sessions à Gitarama.

JK -Oui.

PD -Comment s’est produit cette décision-[à ? Quelles informations vous ont permis de prendre
cette décision-là ?

JK -C’est que, nous nous sommes posés la question, où est-ce que nous allions ? Effectivement
on nous avait dit qu’il y avait de l’insécurité à Kigali et nous étions là, nous le voyions effectivement,
mais rendus sur Gitarama, il y avait pas de combat à Gitarama. On a dit, on continue pour aller où ?
MD -Vous avez dit ça à qui ? Est-ce que les militaires étaient là ?

JK -On se l’est dit, on discutait.

MD -Est-ce que le général était là ?

JK -Oui il était là.

MD -Il était dans votre réunion ?

JK -Oui, il était là.

MD -Est-ce qu'il y avait d’autres militaires que lui ?

JK -Je n’ai pas vu d’autres militaires que lui.

MD -Il était seul. De toute façon c'était le plus haut gradé, puis qui était là.

JK -Il était Ià invité, c'était lui qui était, qui avait dans ses attributions notre sécurité, lui il était



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 14
O0

Pne
Les

s

là.
MD -Parce que j'imagine que lui a, a dû, a dû intervenir. Il vous a sûrement sensibilisé sur la
situation ?

JK -Oui.

MD -A cet endroit ?

JK -]l nous à dit que il y avait de l’insécurité. Non, pas à cet endroit. À cet endroit je crois que ça
a été des, sur base des discussions que nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait rester à
Gitarama et non pas continuer à aller plus loin.

MD -Alors vous avez pris trois grandes décisions, la première demeurer à Gitarama, la deuxième
choisir l’école de formation, ça ça se prêtait aussi, vous aviez un, vous aviez un local qui se prêtait
pour vos réunions ?

JK -C’est pas un local, c’était un centre où il y avait, peut-être qu’on pouvait loger le plus de
monde, un centre qui pouvait facilement offrir une certaine sécurité.

MD -Mais l'envoi de missions à l’extérieur du pays, c’est quand même, ça commence à être des.
ça commence à être des décisions assez officielles ça là.

JK -Mais cette décision, si elle a été prise, elle n’a pas été officialisée sur le champ. On a dit que
c'était plutôt sous forme de calendrier, des choses que nous nous devions faire. Donc on restait à
Gitarama, et puis nous nous dirigeaient [sic] vers le centre de Murambi, et maintenant pensaient à des
missions à l’extérieur. Oui.

MD -Les paras français, vous avez dit que, vous nous dites que cette journée là il était possible de
voir à Kigali les troupes de paras français qui évacuaient les expatriés. Est-ce que c’était les même
groupes de militaires que vous nous parliez tout à l’heure, que vous avez vu à... ?

JK -C’est de ça qu’il s’agit.

MD -C'était, c'était cette situation là dont vous parliez.

PD -Oui, c'était ça qu’on a discuté.

MD -Ok.

PD -Votre voyage entre Kigali et Gitarama, à partir du moment où vous avez fini de franchir les
carrefours-là où la voie vous est ouverte par des militaires du FAR et accompagnés de militaires

français, vous arrivez comme à la sortie de Kigali, est-ce que ça se fait de façon continuelle ou si vous



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 15
avez été intercepté et vérifié ?

JK -Non on n’a pas eu, été intercepté ou vérifié, mais on a vu que il y avait des barrages, des
barrières à la sortie de Kigali.

PD -Quelle sorte de barrières ?

JK -Il y avait deux sortes de barrières, il y avait des barrières où on sentait qu’elles n’étaient pas
contrôlées, où il y avait des civils et des militaires mélangés, on ne savait pas qui contrôlait quoi, et

des barrières militaires où on voyait qu’elles étaient contrôlées par les militaires.

PD -Vous aviez eu, vous avez vu vous, déjà le 12, vous avez constaté ça ?
JK Oui.
PD -Les barrières anarchiques, ou des barrières que vous avez qualifiées plus tard dans la

déclaration, que vous qualifiez d’anarchiques, étaient contrôlées par qui ?

JK -Je ne sais pas par qui, c’est ce que j’ai dit, j’ai vu qu’il y avait des gens qui portaient des
treillis militaires, des civils qui ne portaient pas de treillis militaires, des gens qui étaient armés,
d’autres qui n’étaient pas armés, je ne peux pas qualifier qui contrôlait qui, sur ces barrières.

MD -Est-ce que ces barrières étaient à l’intérieur de Kigali ou plutôt à l’extérieur ?

JK -Non, je m’en souviens les avoir vues surtout à l’extérieur de Kigali, je n’ai pas en mémoire
des barrières que j’aurai vues de cette manière dans Kigali même à cette époque.

PD -A cette époque-là là c’était des barrières qui étaient tenues, on va parler précisément, comme
sur le pont de la Nyabarongo, Nyabarongo ? C’est à cet endroit que vous en avez vu des barrières ?
TK -Oui.

PD -Ou dans ces environs là ? Ok.

MD -Est-ce que vous avez vu des barrières qui étaient exclusivement militaires ?

TK -Oui, j’en ai vues.

MD -Qui étaient exclusivement militaires ?

JK -Oui.

MD -Dans ces barrières, que ce soit des barrières anarchiques ou barrières militaires, est-ce que
VOUS avez pas, vous avez pas dû vous arrêter, vous avez pu traverser en tout temps ou s’il y a eu des
contrôles?

TK -Nous nous n'avons pas été contrôlés, nous n’avons pas dû nous arrêter, peut-être on a dû



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 16
TT

te
EX)
TD
+
)

ralentir. J'étais. les gens qui étaient en tête du convoi ont dû expliquer qui nous étions et puis nous
sommes passés.
MD -Ok.

PD -On va tourner le ruban, [inaudiblel].

Fin de la face A de la cassette 14.



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 17
©
en)
>

+}

Face B de la cassette 14.
PD -Alors on reprend à 12 heures 19, je me suis levé juste le temps de tourner les rubans, ça a

peut-être pris 15 secondes à peu près Monsieur Kambanda ?

JK -Oui.
PD - Alors on reprend avec un nouveau chapitre.
JK -Ce chapitre concerne les rapports des préfets au ministre de l’intérieur. Le gouvernement a,

au moins une fois par mois tenu une réunion consacrée aux rapports que les préfets transmettaient au
ministre de l’intérieur. La première réunion, comme je l’ai dit, avec les préfets, a eu lieu le 11 avril
94 à Kigali. Tous les préfets y étaient, sauf ceux de Butare, Jean-Baptiste Habyarimana, de
Cyangugu, Bagambiki, de Ruhengeri, Bariyanga [phonétique], mort à Remera, Kigali, dans la nuit
du 6 au 7 avril 94. Lors de cette première réunion certaines préfectures seront déjà classées comme
étant inactives, en l’occurrence Butare et Gitarama, ceci explique sans doute pourquoi leurs préfets
seront limogés dans la suite. La préfecture de Ruhengeri ayant été confiée à quelqu’un du MDR, suite
au décès du préfet Bariyanga, elle sera le théâtre non des affrontements entre Hutu et Tutsi mais entre
les partisans des partis MRND et MDR notamment dans les communes de Ruhondo [phonétique],
Mukingwe [phonétique], Muhuri [phonétique], etc.

PD - À quel endroit ça, pardon ?

JK -Ruhondo..

PD -Non, mais dans quelle commune ? Dans quelle préfecture ?

JK -Ruhengeri. Ruhondo, Mukingwe, Muhuri etc. Dans ces deux dernières communes, les
bourgmestres évincés par le gouvernement de coalition des partis politiques, reprendront même leurs
fonctions, sans aucune autorisation et mon gouvernement sera amené à avaliser une situation de fait.
Au niveau de la préfecture de Kibuye, le préfet transmettait un rapport assez détaillé, commune par
commune. Il allait jusqu’à accuser les forces de l’ordre présentes sur place, qui étaient les gendarmes,
de ne pas assez appuyer les autorités communales dans leurs activités. Entendez par là dans les
massacres. Pour Kibungo, à part le rapport verbal fait par le préfet dans la première réunion du 11
avril 94, aucun autre rapport ne sera transmis. Ce préfet sera plus tard lui-même assassiné et son
remplaçant n’aura pas le temps de gouverner sa préfecture, ayant été contraint de s’exiler en Tanzanie

dès les premiers jours de son installation. Le préfet qui sera nommé à Byumba n’aura jamais



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 18
014

co

l’occasion de s’y rendre, la préfecture ayant été occupée par le FPR dans son entièreté, dès les
premières heures de la reprise de la guerre en avril 94. Pour la préfecture de Gisenyi, le préfet qui sera
nommé, membre du parti libéral, fera des rapports également assez détaillés sur l’état des massacres,
raison pour laquelle j’ai été surpris de sa reconduction après la prise du pouvoir par le FPR. Le préfet
de Gikongoro ne transmettait pas de rapports sur sa préfecture. Les préfectures de Kigali-ville et de
Kigali-rural, fonctionnaient pratiquement ensemble. Karera François, ancien bourgmestre de
Nyarugenge, qui correspondait à l’époque à la ville de Kigali, opérait sur Kigali-rural tandis que le
colonel Tharcisse Renzaho était à la tête de la PVK, la préfecture de la ville de Kigali. Concernant
la ville, le colonel Renzaho agissait plus comme un ministre de l’intérieur que comme un bourgmestre.
Son rapport était sous forme de directives, exemple, genre “éviter de déclarer où il y avait des
massacres”, “les ministres doivent présenter à la radio le pays sous sa bonne image plutôt que ce qu’ils
voyaient réellement”. Lui, de son côté, parlait à la radio comme il le voulait, comme s’il était le porte-
parole du gouvernement sans jamais recevoir de directives. C’était comme s’il avait abrogé les
pouvoirs du ministre de l’intérieur, du à la vacance trop longue de ce poste. Ne nous faisait pas rapport
dans le plan criminel, il était plus subtil. Les bourgmestres et les conseillers vivaient avec Renzaho
dans le même immeuble, je l’ai rencontré, je les ai rencontrés avec eux. Il n’a jamais avoué, il disait
qu’il détruisait l’ennemi. Je savais qu’il faisait le tour des barrières, il s’en vantait à la radio. Il avait
pris les meilleurs magasins comme Ali-Rwanda. I] s'était constitué une brigade anti-pillage, mais avec
l’aval du gouvernement.

Concernant le Petit Kigali, je sais que la propriétaire était une italienne, J'avais déjà été là avant les hostilités d’avril 94, on m’a dit que c’était un centre nerveux des Interahamwe. Je n’ai jamais mis les pieds là-bas après avril 94. C'est une dame qui s’appelle Chantal Wasse [phonétique] qui m'a montré une cassette vidéo prise là-bas entre avril et juillet 1994. Je n’ai jamais eu de rapport de renseignement sur ce coin. Personne ne pouvait vivre comme ça à Kigali, sans l’accord de Renzaho qui agissait comme coordinateur des Interahamwe dans Kigali.

Il est le seul responsable politique à être resté à Kigali. Il était militaire, et il était en même temps politicien. Il n’y avait pas d'administration, pas de fonctionnaires à Kigali. Pour la guerre c'était l’affaire de l’armée, pour la défense civile c'était son affaire. C’est donc quelqu'un, c'était donc quelqu'un à féliciter dans notre milieu, c'était un actif. C’était aussi un subtil. Renzaho se portait comme, se comportait comme le chef de tous. Colonel. Ce n’est pas un hasard que ce soit des militaires de son rang et de son age



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 19


qui étaient choisis pour assurer la défense civile, même ailleurs. Ils ont la respectabilité, ayant fait la guerre dans le passé, ils sont expérimentés et versés à la guerre, ils connaissaient leur région. Avec l’aide de ces rapports des préfets, le ministre de l’intérieur Karemera, lors des conseils des ministres que nous tenions à Gitarama et à Gisenyi, soumettait le rapport qui nous parvenait de façon irrégulière, mais on peut dire au moins une fois par mois à compter d’avril jusqu’à la fin juin 94. Nous discutions de l’évolution des massacres dans chaque préfecture. On peut diviser ces conseils en deux périodes.

La première d’avril à la fin mai : les ministres, tous, sans exception, réclamaient pour leur préfecture d’origine, le maximum d’armes possible à distribuer à leur population dans le but inavoué d’éliminer le maximum de Tutsi rwandais. Pendant cette première période l’armée détenait toujours son monopole sur les armes. Il y avait peu de distribution concernant le gouvernement, les gens obtenaient des armes en fonction des contacts qu’ils avaient avec les militaires. Les discussions pendant le conseil des ministres étaient toujours à l’effet que chacun des ministres se plaignait de ne pas avoir eu suffisamment d’armes à distribuer dans sa préfecture d’origine. À Kigali, il n’y avait pas ce genre de demande, les gens s’étant déjà vus attribuer des armes.

Pendant la deuxième période, du mois de juin 94, nous avons obtenus 10 000 armes à distribuer spécifiquement à la défense civile. Compte-tenu de la pression de la guerre, les FAR s’approprièrent 7 500 de ces armes. Les 2 500 restantes étant la responsabilité de Karemera, ministre de l’intérieur pour la défense civile. J’ignore comment elles ont été distribuées. Mais je peux dire que 250 de ces armes étaient destinées à Butare, via le général de brigade Gatsinzi, et qu’elles n’y sont jamais parvenues.

Au conseil des ministres, le point pour réclamer les armes était de défendre sa préfecture face au FPR. Il faut préciser que même au cours de la première phase, il ne fut jamais question d’acquérir des armes pour sa préfecture pour officiellement aller éliminer les Tutsi. C’était toujours pour combattre le FPR, c'est à dire l'ennemi armé. Même si aujourd’hui le constat est que ces armes ont servi à éliminer des civils tutsis, aucune demande dans ce sens n’a jamais été officiellement formulée par aucun ministre au cours des conseils des ministres, au cours des conseils du gouvernement. Voilà donc en ce qui concerne les réunions avec les préfets.

PD -Version que vous avez revue, vous avez apporté des ajouts, des modifications.

MD -Il y a quand même beaucoup de.

PD -Beaucoup beaucoup de modifications.

MD -De nouveau matériel.



T2K7-]4 -17 novembre 1997 (20h39) 20
VÉEMNASZ
4 ‘ Ê C L hi
PD -Beaucoup de nouveau matériel. Ok. Vous nous amenez à ce chapitre là en disant, au tout

début du chapitre, en disant que les préfets font des rapports mensuels. Moi j'aimerai savoir d’où
origine le besoin de ce rapport mensuel là, comment, comment les préfets en sont-ils venus à vous
faire des rapports mensuels ?

JK -C’est que dans les conseils des ministres on souhaitait être informé par les préfets eux-même

de ce qu’ils font, de la situation dans leurs préfectures respectives.

PD -A quelle date avez vous demandé ça ?

JK -Je n’ai pas en mémoire la date où on a demandé des rapports des préfets.

PD -Est-ce que c’est avant, lors de mission de rétablir la sécurité ou si c’est après ?

JK -Je n’ai pas en mémoire cette date.

PD -Vous avez pas en mémoire cette date ?

JK -Non.

PD -Vous avez pas en mémoire quand votre gouvernement a fait des demandes dans ce sens ?
JK -Non, je n’ai pas en mémoire.

MD -Parce que vous commencez ici en disant que le gouvernement a au moins une fois tenu une
réunion consacrée aux rapports des, aux rapports sur les préfets ?

JK -Oui. Rapports des, que les préfets transmettaient.

MD -Que les préfets transmettaient au ministère de l’intérieur. Donc il y a sûrement eu une
demande aux préfets pour que ce soit fait ?

JK -Oui mais je ne me souviens pas, il y a eu une demande mais je ne me souviens pas de la date
ou de la période où cette demande a été faite. |

MD -Est-ce que ça aurait pu être lors de la première réunion, le 11 ?

JK -Je n’ai pas en mémoire cette.

MD -Vous savez pas vraiment.

PD -Si je prends le paragr... la page 391, au paragraphe 3.92, Ia quatrième ligne, quatrième oui,
heu, “mais on peut dire qu’au moins une fois par mois, à compter d’avril jusqu’à la fin juin 94. Nous
parvenaient de façon irrégulière”, est-ce que ça vous ravive votre mémoire ça ?

JK -Non.

PD -Non?



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 21
L. 48017

14 3

JK -Non.

MD -Mais on parle d’avril là en tout cas, même dedans on situe avril...

PD -D'où vient cette date-là ?

TK -Non, c’est que je sais que au moins une fois par mois, effectivement on a fait une réunion sur
les rapports des préfets.

MD -Ok.

PD -D'avril à.

JK -D'’avril à la fin juin.

PD -Donc, faut donc, que si vous avez tenu une réunion en avril, que vous en ayez fait la demande
en avril.
JK -Mais je ne peux pas préciser puisque je n’ai pas en mémoire la date ou le, le. quand

effectivement cette demande de rapports des ministres a pu être adressée.

PD -Mais là vous comprendrez que si vous obtenez un rapport en avril, que vous discutez en avril,
vous avez donc dû faire la demande en avril.

JK -Pas nécessairement parce que Je, je ne peux pas dire c’est le rapport qui a été fait en avril,
dans la mesure où je n’ai pas fait de liaison de savoir si même d’habitude les préfets ne faisaient pas

de rapports au gouvernement, donc là je ne peux pas dire c’est en avril, c’est en mai, c’est en juin.

PD -Est-ce que les préfets faisaient des rapports au gouvernement ?
JK -Je ne suis pas informé.
PD -Vous n'êtes pas informé.

MD -Lors de la réunion du 11, il y avait, on parlait de, il y a trois, tout le monde y était, tous les
préfets y étaient, excepté trois.

JK -Oui, oui.

MD -Lors de cette première réunion, certains préfets seront déjà classés comme étant inactifs, en
l’occurrence Butare, Gitarama. Ceci explique sans doute pourquoi leurs préfets seront limogés par la
suite. Quand vous dites inactifs, inactifs à quel niveau ?

JK -C’était mon premier contact avec les préfets, je ne les connaissais pas. Je, à part peut-être
celui de Gitarama, qui était de mon parti, les autres je ne les connaissais pas. Dans la réunion chacun

a donné la situation.



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 22
MD -Dans sa préfecture.

JK dans sa préfecture. Au niveau de la préfecture de Butare il n’y a même pas eu de rapport
dans la mesure où le préfet.

MD -N'y était pas.

JK -..n’y était pas.

MD -Pourquoi n’y était-il pas ? Est-ce que vous savez pourquoi il n’était pas présent à ce moment?
JK -Non. Mais par contre il y avait quelqu’un, un cadre du ministère de l’intérieur qui, lui, a parlé
de, d’inactivité au niveau de la préfecture de Butare.

MD -Inactivité c’était quoi ? Quand on parlait d’inactivité on voulait dire quoi ?

JK -Pour moi, aujourd’hui, je peux dire que c’était les massacres, mais à l’époque je ne pouvais
pas associer le mot inactivité aux massacres.

MD -Pourquoi ça, pour vous c'était quoi à ce moment-là inactif ?

JK -Je ne pouvais pas le dire. Je, je...

MD -Oui, mais ça... ça devait avoir une signification, quand on dit, à Butare ils sont inactifs, ils
sont inactifs dans quoi ?

JK -Moi, je... comment voulez vous que je le dise alors que je n’ai pas été à Butare ? Donc, il a
dit à Butare c’est inactif. Bon.

MD -Mais vous avez pas posé la question : inactif dans quel domaine inactif, est-ce que c’est là
pour réparer les routes ou bien alors pour faire des ponts ou …

JK -Le préfet n’était même pas là pour que il puisse répondre à cette question.

MD -Ok. Aujourd’hui vous pouvez dire que c’était inactif, c'était.

JK -Aujourd’hui j'étais, je peux dire que c’était inactif dans le sens des massacres.

MD -Dans le sens des massacres.

PD -Parce que faut voir que les autres rapports de préfets ils vous font mention de massacres.
MD -Réellement.

JK -Oui, oui.

PD -Ils vous parlent pas, il y a, à ce moment-là là, lorsque vous faites l’analyse de ces rapports-là,

il est pas parlé des situations financières du.

JK -Non.



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 23
3

+

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_—
©

PD -..des préfectures parce que vous êtes pas passés, vous avez fait ramasser l’argent. L'argent
des préfectures est ramassé, donc …

JK -C’est après. Dans la réunion dont il parle, ce que vous dites, ça c’est passé après, ce n’est pas
à cette réunion du 11 avril.

PD -OKk. Mais, là on parle des rapports là. Parce que là on parle pas de la réunion du 11 avril, vous
avez amené ça comme rapport, votre chapitre c’est “les rapports soumis”, on parle pas de la réunion
du 11 avril, on parle des “rapports soumis mensuellement”, on va parler aussi par le fait même, mais
moi je suis au point des “rapports soumis mensuellement” parce que le chapitre c’est ça, alors
j'imagine que vous devez sûrement nous entretenir d’un autre chapitre, des, de la rencontre que vous
avez eu avec les préfets le 11 avril, parce qu’il est d'importance primordiale pour votre gouvernement.
Le, les rapports que vous avez ne peuvent pas toucher la finance. Parce que vous avez fait ramasser
l'argent. C’est bon ? Je suis, est-ce que je suis correct avec ça ?

JK -Oui.

PD -Oui, bon. L’entretien des routes à ce moment-là, la seule route qui est entretenue elle est sous
la supervision d’un ministre.

JK -Oui.

PD -Alors, on peut pas vous parler de ça. Bon. Les autres min... les autres préfets vous font rapport
de la situation des massacres ethniques dans leurs communes ou leur préfecture.

JK -Oui.

PD -C’est ça ?

JK -Oui.

PD -Alors quand vous entendez parler que c’est inactif à Butare, est-ce que vous pouvez avoir
d’autre interprétation que celle que les gens n’ont pas commencé à tuer des Tutsi à Butare ?

JK -Ce que vous dites est vrai, à partir du paragraphe 2, mais la question qu’il pose, qu’il m’a
posé, et qui m’a amené à répondre c'était : [inaudible] sur ça ?

MD -Parce que là ici là, il commençait à dire, en parlant de...

JK -J’ai parlé d’abord de la première réunion, et puis après je suis effectivement descendu sur les
rapports sur les massacres cette fois-ci au niveau des autres réunions.

MD -On parlait d'activités à ce moment-là, on a commencé à parler d’activités depuis le début.



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 24
4. AGIT N

JK -Déjà à cette date, c’est ce que j'essaye d’expliquer pour amener à comprendre, pour vous
amener à comprendre ce qu’on entendait par actif et inactif, donc à cette époque-là, la réunion, j’ai
dit, au niveau de Butare le préfet n’était pas là, mais nous avons eu un rapport verbal d’un, de
quelqu'un qui n’était même pas préfet, mais qui avait, en tant que directeur de cabinet au ministère
de l’intérieur, disons des observations à faire sur une préfecture donnée, et qui nous disait que, il
trouvait que à Butare les gens sont inactifs. Et à Gitarama le rapport du préfet lui il disait “A Gitarama
il y à des incursions, des jeunes gens de Kigali sur la préfecture mais nous parvenons à maîtriser la
situation”, mais dans les débats, ça a été compté comme inactivité. A cette date-là.

PD -Oui, oui, continuons.

MD -Alors c’est établi là, quand on a parlé de, d’actif, inactif, là on a quand même établi là qu’est
ce qu’on voulait dire.

JK -Plus tard oui.

MD -Oui. Plus tard ?

JK -Oui.

PD -Ça a pas dû être vraiment beaucoup plus tard Monsieur Kambanda.

MD -Parce que là...

JK -Non, ça a pas été beaucoup plus tard mais.

PD -Parce que, écoutez, à cette date-là à peu près, il y a des gens qui viennent vous demander de

ramasser des cadavres parce que il y a une...

JK -Non, je savais, Je savais que les massacres étaient là.
PD -Ok.
JK -Mais je ne pouvais pas dire : “voilà, puisqu'on me dit ça je tire la conclusion sans en avoir

la certitude”, parce que ça pouvait effectivement être autre chose.

MD -C’est quand même assez difficile là.

PD -C'est assez difficile pour moi, je dois vous dire, d’arriver à une autre conclusion que celle-là,
je vous ai expliqué pourquoi là, les trois points pourquoi moi j’arrive à cette conclusion là. Vous si
vous... je me demande à quelle conclusion autre vous pouvez arriver ?

MD -Vous avez des préfets qui sont en train de vous faire des rapports...

JK -Oui.



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 25
MD -.… chacun leur tour...

JK -Oui.

MD et tous ces préfets là vous parlent de massacres chez eux.
JK -Oui.

MD -Tout à coup vous arrivez à un préfet qui n’est pas là, il y a un remplaçant qui vous dit “chez
nous c’est pas très actif”, là on parle de massacres ou on parle d’élimination de Tutsi, là tout à coup,
lui rendu à son tour il vient dire “chez nous c’est pas actif” puis là vous vous êtes questionné sur ce
qu’il voulait dire par actif, il me semble que on parlait pas d’autre chose que de massacres et de. vous
deviez quand même, pu percevoir là que ça pouvait être relié à ça ?

JK -Oui j'ai pu le percevoir, mais je n’avais pas, disons, je ne pouvais pas dire “voilà, il veut dire
ça”, mais plus tard j’ai été sûr que c’était ça qu’il voulait dire.

MD -Je pense qu’on tourne un petit peu autour du pot, parce que...

JK -Non.

MD -..c'était … en tout cas, pour moi, il me semble que si on parle, si il y a des gens là, ça fait
quelques heures qu’on discute de massacres dans chacun, là dans chacune des préfectures et puis tout
à coup rendu à celui-là, quand 1l dit qu’il est pas actif, je vois pas ce que ça peut être autre chose que
ça. En tout cas. Pour moi ça pouvait sembler plutôt clair. Mais les rapports qui ont suivi, les rapports
mensuels qui ont suivi, est-ce que c'était toujours dans la même, dans le même sens, les rapports que
vous demandiez c'était quoi ?

JK -Je n’ai pas en mémoire si on a demandé...

MD -Ok, les rapports.

JK -Ou si on a fait une formule, pour dire nous voulons de tels rapports. Ce que j’ai constaté c’est
que dans cette réunion du 11 avril les préfets ont dit la situation telle que ils l’avaient vécu. Donc ils
ont été directs, ils ont été, 1ls ont tout dit, après, j’ai fait le constat qu’ils n’avaient plus disons la même
ouverture, la même franchise sur les événements réels qui se passaient dans leur préfecture.

MD -C'était moins clair.

JK -C’était moins clair, on pouvait, on pouvait savoir ce qu'ils voulaient dire mais c'était
beaucoup moins ouvert, beaucoup moins clair.

MD -Oui. Mais c'était quand même, donnez-nous une idée de ce que ça peut représenter un



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 26
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1)

rapport, qu'est ce qu’on pouvait donner comme rapport ?

JK -Dans le premier rapport, donc dans le rapport verbal que les préfets ont fait le 11 avril, un préfet, je me rappelle de celui de Gikongoro, nous a dit “dans la commune de Muguga c’est le feu, il y a, les, les, les Tutsi sont en train de se faire massacrer par des Hutu”, il l’a dit comme tel.

MD -C'était clair comme ça ?

JK -C’était clair comme ça. Par contre, dans d’autres rapports qui ont suivi, je ne parle pas de ce
gars, parce que je n’ai pas en mémoire un rapport précis, mais on disait “il y a des troubles dans telle
commune”, c’est quand même différent de dire untel est en train de tuer untel, et de dire il y a des
troubles dans la commune.

MD -Oui. Mais des troubles à cette période-là là, est-ce que ça pouvait être autre chose que ça ?
JK -Non c'était ça. Mais il fallait le savoir pour dire c’est, les troubles ça veut dire que les Hutu
sont en train de massacrer les Tutsi.

MD -Quand on vous disait, quand vous voyiez un rapport où c'était marqué qu'il y avait des
troubles dans une préfecture, on savait ce que ça voulait dire.

JK -Moi je savais.

PD -On va parler disons, moi ce que j’ai ici, qu’on avait pris en note là, à la page 386, c’est “liste
des personnes, les préfets donnaient la situation des massacres dans leurs communes”, on pouvait, on
marque entre parenthèses, ça semblait là, c’était, le rapport pouvait contenir la liste des personnes
déplacées, le nombre, la liste des personnalités Tutsi déjà éliminées, sous cette forme. On disait qu’il
y avait une crainte d'infiltration du FPR via des noms d’individus qui étaient identifiés, aussi on
parlait des gens qui cachaient, puis ça ça a toujours été fait en vertu de, de l’élaboration de
l'instruction relative à la pacification. C’était un peu ça qu’on pouvait retrouver dans les rapports qui
vous étaient soumis, qu’on identifiait que il y a, les préfets craignaient l’infiltration du FPR via des

noms d'individus qui étaient identifiés ?

JK -Oui.

PD -On parlait aussi de gens qui cachaïent l’ennemi.

JK -Oui.

PD -C'est ça ? En identifiant les gens. Après ça on pouvait identifier les personnes qui étaient, qui

étaient éliminées en disant que ces gens-là avaient été éliminés. Parce qu’ils collaboraient avec



T2K7-14 -17 novembre 1997 (20h39) 27
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l’ennemi. C’est ça ?

TK -Oui.

PD -C'est un peu ce que je, ce que je résume là.

MD -O, alors on dit, ici on dit "ceci explique, heu, ceci explique sans doute pourquoi leurs préfets
seront limogés par la suite”, on parle de Butare et de Gitarama.

JK -Oui, oui.

MD -De quelle façon les limogeages se faisaient ?

JK -C’est que le ministère de l’intérieur faisait un rapport en accord avec les partis politiques, qui
avaient, dont était issu le préfet. Parce que les préfets étaient du ressort des partis politiques. Le
ministère faisait un rapport au gouvernement, en accord avec le parti politique concerné, et faisait la
proposition de remplacement du préfet.

MD -Le parti politique faisait la proposition de remplacement au ministre de l’intérieur.

JK -Oui. C’est le ministre de l’intérieur qui devait présenter le rapport au gouvernement. Mais ça
ne pouvait pas se faire sans l’accord du parti politique puisque le préfet devait être nommé par le parti
politique, c’est lui qui devait également donner le candidat qui remplaçait.

MD -Alors on peut imaginer que le parti politique devait justifier sa recommandation.

JK -Oui.

MD -Eït quelles étaient dans ces cas-là, quelles avaient été les justifications ?

JK -Bon pour le préfet de Butare, comme Je l’ai dit, lui, dans le rapport qu’on nous a soumis, on
nous disait que le préfet de Butare avait mis un couvre-feu à, à partir de 14 heures dans sa préfecture,
qu’il avait, en ce qui le concerne fait une incursion dans la commune de Kigiende [phonétique], qu’il
avait blessé le bourgmestre de cette commune, et que il ramenaïit des soldats du FPR du Burundi dans
sa préfecture.

MD -Est-ce que vous savez si c’était vrai ces affirmations là ?

JK -Non ce n’était pas vrai.

MD -Ce n'était pas vrai. Ok. La procédure suivante c'était que, c'était le conseil des ministres qui
se réunissait ?

JK -Le conseil des ministres se réunissait, entendait le rapport, et s’il avait des objections sur la

proposition, ou des informations qui contredisaient les informations qu’il recevait, il pouvait les



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émettre, s’il n en avait pas il acceptait le remplacement. Le principe de remplacement. Si, il avait des
objections contre la personne qui était proposée pour le remplacement, il les émettait, s’il n’en avait
pas, il acceptait également la personne qui devait remplacer le préfet à remplacer.

MD -Dans les deux cas qui nous touchent, est-ce qu’il y a eu des objections ?

JK -Non, il n’y en a pas eu.

MD -Il n'y a pas eu d’objection. Est-ce que vous saviez à ce moment-là que l’information, la
justification était fausse ?

TK -C’est. disons, sur le champ je n’avais pas la certitude que les informations étaient fausses.
MD -Mais vous aviez un sérieux doute ?

JK -J'avais un doute. Maïs je n’avais pas d’argument pour dire : “j’ai des objections ou je peux
m'opposer à tel”, parce que là il fallait avoir des arguments sûrs.

MD -Est-ce que. de toutes façons on peut dire que c’était pas fréquent que des gens pouvaient
s'opposer à une recommandation du MRND.

JK -Je l’ai expliqué, la façon dont nous nous réunissions, la façon dont le gouvernement était composé, la façon dont les réunions étaient conduites, il était difficile de s’opposer à une décision où à une proposition faite par la majorité des membres du gouvernement qui étaient du MRND.

MD -Est-ce que la proposition vous était soumise avant la réunion, pour que vous puissiez en
prendre connaissance et apporter des arguments, des arguments pour ou contre ou bien alors si vous
preniez connaissance sur le fait que vous deviez approuver immédiatement ?

JK -Je n’ai pas en mémoire comment les propositions étaient faites mais je me souviens que c’est
moi qui lisais les propositions. |

MD -C'est vous qui lisiez la proposition.

JK -La proposition.

MD -Au conseil

JK -Au conseil des ministres.
MD -Ok.
JK -Mais, je ne crois pas qu’on nous, ces propositions m’étaient soumises deux jours ou trois

Jours avant. Mais je, je ne peux pas dire c'était soumis le matin, c'était soumis à la même heure, mais

je sais que c’est, je me souviens que c’est moi qui lisais les propositions. En tant que la personne qui



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dirigeait les réunions.

MD -D'accord. Mais si il y avait pas d'opposition, si personne ne s’opposait, c’est vous qui
entériniez le, qui entérinait la, la, la décision ?

JK -Non c’est à dire que les, la façon dont j’ai dirigé les réunions que j’ai exposée c’est que je ne
prenais pas la décision. Je ne me prononçais pas avant que il y ait eu un consensus sur le, la
proposition qui était faite.

MD -Ok.S'il y avait eu consensus, vous vous aviez le loisir de vous opposez...

JK -J’annonçais qu'il y a eu un consensus sur une telle proposition.

MD -Oui, puis là à ce moment-là vous aviez pas besoin personnellement de vous prononcer ?

JK -Non. Parce que, s’il y avait un consensus, j’annonçais que il y a eu un consensus sur la
réunion.
PD -J’aimerai juste, là avant qu’on termine, parce que le ruban est rendu à 27 minutes, sur le

document, les notes que vous avez signées, juste prendre connaissance du, des deux derniers, la
dernière ligne du, concernant la réunion des préfets. Ici, dans laquelle il est inscrit “il est décidé de

ne pas faire rapport écrit de cette réunion, de façon à taire l’information”.

JK -Oui.

PD -Ça, on parle d’information de cette réunion-là qui était sortie le 11 ?

JK -Oui.

PD -Qui vous a, vous a dit de ne pas faire de rapport écrit, qui vous a conseillé ?

JK -C’est le ministre de la défense.

PD -Le ministre de la défense vous à conseillé ça ?

TK -Oui.

PD -J’aimerai qu’on y réfléchisse, mais présentement, 12 heures 47, j'imagine que le repas doit

être très bientôt servi, alors on va aller prendre notre repas, puis en revenant j'aimerai ça qu’on débute

par ça.
JK -Oui.
PD -Comment il vous a dit ça puis comment il s’est justifié lui en vous disant qu’il était pas

nécessaire de faire un rapport écrit, que c’était mieux de taire ces informations-là, s’il vous plaît.

Fin de la face B de la cassette 14.



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