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Comme la crise zaïroise sonne le glas d'une certaine politique
   africaine de la France, beaucoup de nos responsables politiques et de
   nos commentateurs ont tendance à y voir un malheur pour l'Afrique. Mais
   le contraire est sans doute vrai: le drame du Zaïre peut annoncer un
   renouveau qui donnera au continent noir de meilleures chances d'être
   autre chose qu'un continent maudit.
   Le premier indice tient à l'émergence de l'Afrique du Sud. A l'époque
   de l'apartheid, son influence restait faible malgré son poids
   économique. Les chefs d'Etat africains l'avaient mise en quarantaine,
   l'Europe la boudait et les Etats-Unis, où 30 millions de citoyens sont
   noirs, étaient obligés de faire preuve d'hostilité.
   Maintenant, l'Afrique du Sud jouit d'une véritable cote d'amour aux
   Etats-Unis, des entreprises américaines s'y implantent et, surtout, les
   entreprises sud-africaines se sentent suffisamment sûres d'elles-mêmes
   pour étendre, désormais, leur emprise dans des pays voisins.
   Nul doute qu'elles exerceront une forte attraction sur les compagnies
   minières qui, actuellement, végètent au Zaïre, si bien qu'une fois la
   paix revenue on peut supposer que les investissements afflueront. Un
   autre indice tient à la reconversion d'anciens leaders révolutionnaires
   devenus chefs d'Etat.
   M. Kabila, qui mène la rébellion zaïroise, est proche d'eux. Il les a
   connus à Dar es-Salaam, en Tanzanie, où les actuels présidents du
   Burundi, de l'Erythrée, de l'Ouganda, du Rwanda et de la Tanzanie
   fréquentaient l'université. Le chef de la guérilla du Sud-Soudan, le
   fameux colonel John Garang, est également l'un de leurs condisciples.
   Les hommes ont en commun d'avoir été maoïstes, puis d'avoir dirigé des
   rébellions. Maintenant, la plupart d'entre eux sont au pouvoir. Ils ne
   comptent plus sur la Chine et sur la Russie. Comme ils rejettent les
   anciennes puissances coloniales, c'est plutôt vers les Etats-Unis
   qu'ils ont tendance à se tourner.
   La France connaît ainsi une sorte de purgatoire. Mais les rancoeurs
   n'ont qu'un temps. Ce qui sera bon pour l'Afrique sera, tôt ou tard,
   bon pour nous.