Fiche du document numéro 1391

Num
1391
Date
Samedi 16 avril 1994
Amj
Taille
128286
Titre
Rwanda - Les rebelles tutsis gagnent du terrain à Kigali
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le boulevard de l'Umuganda, qui serpente sur les hauteurs nord-est de la
capitale, marque désormais la ligne de front entre les Forces armées
rwandaises (FAR) et les unités du FPR. Les tirs d'armes de tout calibre
éclatent à proximité, leur écho roule de colline en colline. Le passage
d'un convoi de véhicules blancs des Nations unies n'empêche pas les
balles de siffler. Ici et là, monte l'odeur pestilentielle de corps en
décomposition.

Le siège de l'ancien parlement est devenu le cantonnement du FPR. Autour
du bâtiment, les combattants tutsis ont étendu leur poche de résistance
durant l'offensive déclenchée le 7 avril, au lendemain de la mort du
président Habyarimana. Quant à l'hôtel Méridien, il abrite les
observateurs militaires de l'ONU et une cinquantaine de Rwandais
déplacés. Ses jardins et ses courts de tennis sont intacts. Pas le
moindre impact d'obus. Mais il n'y a plus d'électricité. Un générateur
fournit du courant, quelques heures durant la journée.

A trois cents mètres de l'aéroport, contrôlé par les FAR, se trouve le
premier barrage du FPR. A partir de là, sur le côté droit du boulevard,
courent de longues tranchées au fond desquelles s'abritent les
maquisards, des hommes et des adolescents, en uniforme kaki. Des
mitrailleuses lourdes ont été installées, à intervalles réguliers,
pointées vers le sud. Au bas de la colline, s'étend un vaste no man's
land de quartiers abandonnés, dans lesquels les commandos FPR mènent des
incursions.

Le FPR contrôle quelques kilomètres du boulevard de l'Umuganda, depuis
les environs de l'aéroport jusqu'à l'entrée du camp de gendarmerie de
Kacyiru, sur lequel il a lancé, en vain, une offensive. Le nord de ce
boulevard à quatre voies est « zone FPR », soit un quart de la ville et
quelques faubourgs du nord-est. Après ses succès éclairs des 7 et 8
avril, le FPR semble maintenant avoir du mal à progresser.

Résistance inattendue



Jeudi, il a tenté de s'emparer d'un dépôt de carburant, à trois
kilomètres au nord-ouest de Kigali. A l'état-major des FAR, on affirme
que « l'endroit a été dégagé ». La jonction entre les troupes du FPR à
Kigali et leurs renforts, venus de leur quartier général, près de la
frontière ougandaise, ne semble pas avoir encore eu lieu, à l'exception
de quelques groupes de maquisards infiltrés. Cette tactique de
l'infiltration est particulièrement difficile pour le mouvement à
majorité tutsie : la population de Kigali, hutue à 85 %, lui est
foncièrement hostile.

Les déplacements des maquisards tutsis deviennent hasardeux. A Kigali,
et vraisemblablement dans d'autres localités du nord, les FAR, dont le
FPR ne cesse de répéter qu'elles sont en pleine débandade, opposent une
résistance inattendue. A l'hôpital du Roi-Fayçal, derrière l'Hôtel
Méridien, près de cinq mille personnes déplacées survivent dans des
conditions de plus en plus précaires, sous la menace permanente des
bombardements. Il y a trois jours, un obus y a tué 21 personnes et en a
blessé 68 autres.

La « zone FPR » n'est pas exempte d'exactions ethniques. Juste devant
l'hôtel, cinq cadavres gisent dans un pré. Des témoins de la scène
affirment qu'un jeune combattant du FPR les a abattus de sang-froid.
« Cela s'est passé sous nos yeux, dit l'un d'eux. Il s'agit probablement
de hutus, c'est-à-dire des espions pour le FPR.
 » Au Rwanda, plus
personne n'est désormais innocent : on est pour ou contre l'un ou
l'autre camp et toujours soupçonné, selon son ethnie ou ses tendances
politiques, d'espionner pour le compte de l'adversaire.

Jeudi, des miliciens ont arrêté un véhicule de la Croix-Rouge rwandaise,
à l'un de ces innombrables barrages qui coupent les artères de la
capitale, dans la « zone gouvernementale ». Les six blessés, qui se
trouvaient à l'intérieur du véhicule, ont été froidement assassinés. A
la suite de cet incident meurtrier, la Croix-Rouge rwandaise et le
Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont stoppé leurs
opérations de ramassage des blessés, concentrant désormais leurs efforts
sur les seuls hôpitaux.

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