Fiche du document numéro 13151

Num
13151
Date
Mardi 12 avril 1994
Amj
Taille
115285
Titre
Un dirigeant du Front patriotique parle
Page
11
Cote
no 15445
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
FRANÇOIS RUTAYISIRE est le représentant en France du Front patriotique rwandais (FPR). Il répond aux questions de «l'Humanité».

Après cinq jours d'affrontements, quelle est la situation à Kigali?

Les massacres se poursuivent. Ils sont perpétrés par une partie de l'armée, la garde présidentielle et la milice du parti unique au pouvoir depuis vingt ans, le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND). Il y aurait des dizaines de milliers de victimes.

Comment expliquez-vous la mort du président Habyarimana?

Il a été assassiné par des militaires. Avec la garde présidentielle, ils se sont ensuite répandus dans les rues de Kigali pour massacrer les membres de la communauté tutsie et tous les opposants: militants du Parti libéral, du FPR et du Mouvement démocrate républicain (MDR) du premier ministre également assassiné. C'est-à-dire tous ceux qui voulaient l'application des accords d'Arusha. (Conclus en Tanzanie, le 4 août dernier, ces accords avaient permis la mise en place d'un gouvernement de transition dans lequel le MRND était minoritaire. Le président Habyarimana semblait avoir, en fin de compte, accepté ce processus de démocratisation de son régime - NDLR.)

La guerre civile au Rwanda est souvent présentée dans les médias occidentaux comme un conflit «interethnique»...

Il s'agit de clichés simplistes. Au pouvoir à Kigali, une dictature a pendant vingt ans organisé un système fondé sur la toute-puissance du MRND. Un système réprimant toute opposition, qu'elle soit tutsie ou hutue. C'est le régime qui a présenté cela comme une affaire ethnique pour rechercher le soutien d'une partie de la population hutue.

Paris affirme que l'envoi de ses soldats est destiné au seul rapatriement de ses ressortissants. Quel est votre avis?

La France est intervenue militairement en 1990 aux côtés du dictateur en place. Ses troupes se sont battues contre les forces du FPR. Plusieurs hypothèses ont été évoquées à l'époque sur les raisons de cette intervention. Toujours est-il que d'autres pays ont très vite compris la nature du conflit et du régime. Ainsi, la Belgique a rapatrié ses troupes car elle a compris qu'il ne s'agissait pas d'un problème de rebelles venant renverser un gouvernement démocratique: il existait un problème politique et ceux qui avaient pris les armes y avaient été contraints, après avoir épuisé tous les moyens de négociation. La France, elle, est restée pendant trois ans. Les accords d'Arusha avaient spécifié que la France devait retirer ses troupes avant que les nouvelles institutions soient mises en place. Lundi soir, le rapatriement devait être achevé. On nous a assuré que les troupes françaises devraient avoir quitté l'aéroport au même moment.

Que va-t-il se passer dans les prochains jours?

L'objectif du FPR est d'arriver à Kigali et d'arrêter ces massacres. Il faut mettre hors d'état de nuire les responsables de ces horreurs. Je souligne qu'il ne faut en aucun cas que des troupes étrangères s'immiscent dans ce conflit. Ceux qui l'ont fait par le passé doivent se rendre compte où cela nous a menés...

Propos recueillis par M.M.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024