Fiche du document numéro 9711

Num
9711
Date
Samedi 7 avril 2007
Amj
Auteur
Fichier
Taille
249950
Urlorg
Titre
Le rôle de l’Église au Rwanda
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Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
Le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda est un génocide au sens premier du terme selon des critères qui s’appliquent à l’extermination des Arméniens et des Juifs. Pour leurs assassins, les Tutsi, les Juifs ou les Arméniens ne pouvaient abjurer. Les massacres des Protestants par les Catholiques (et vice versa), l’extermination de musulmans par les croisés, n’étaient pas des génocides parce qu’un croyant peut se convertir, abjurer sa foi. Les Tutsi, les Juifs et les Arméniens étaient condamnés à mourir pour ce qu’ils sont. C’est-à-dire, dans l’esprit de leurs bourreaux, pour le crime d’être né. C’est ce qui fait l’immense singularité de ce crime. Un crime qui a ses racines dans la mise en place par les missionnaires et les autorités belges d’une république chrétienne et ethnique au Rwanda en 1961, sous la coupe du parti unique Parmehutu (Parti du mouvement d’émancipation des Hutu). Pour la Belgique et l’Église catholique c’était, face à la volonté d’indépendance de l’élite tutsi, un moyen politique astucieux de préserver leur tutelle. Cette compromission avec un État ethnique, aux dérives racistes acceptées, voire contrôlées et amplifiées, a abouti à un génocide en 1994. Le rôle de l’Église dans ce génocide est incroyable et l’Église bénéficie de l’impossibilité pour les fidèles de concevoir une telle complicité. Mais est-ce si difficile à concevoir ? Le Dieu de l’Ancien Testament a bien exterminé par familles entières, outre les populations « non élues » de Palestine, celles sexuellement dissolues de Sodome et Gomorrhe, et tant qu’à faire, toute l’humanité à l’exception de la famille de Noé, en déclenchant un déluge éradicateur. Ces mythes génocidaires se trouvent dans le livre le plus lu et le plus diffusé au monde, dans ce qui est le pilier central des trois religions monothéistes. Y a-t-il un lien avec le rôle de l’Église au Rwanda ? Quand on est conditionné par une religion qui vénère un Dieu génocidaire et récidiviste, tout est possible.

Les racines historiques



En 1957, Grégoire Kayibanda fait publier les Notes sur l’aspect social du problème racial indigène au Rwanda connu sous le nom de Manifeste des Bahutu [2]. Ce texte fondateur des deux premières Républiques rwandaises a été rédigé en 1957 par deux Pères Blancs belges, les Pères Ernotte et Dejemeppe, sous la supervision de Mgr Perraudin. Ce texte traduit bien le racisme « biologique » de leurs auteurs occidentaux : « Quant aux “métissages” ou “mutations” (sic) de Bahutu en hamites, la statistique, une généalogie bien établie et peut-être aussi les médecins, peuvent seuls donner des précisions objectives ». Tous les africanistes savent que ce type de raisonnement issu de la raciologie est totalement étranger à la mentalité africaine traditionnelle. Dans une déclaration solennelle de mai 1960, le Parmehutu dénonçait les Tutsi comme « étrangers » dans leur propre pays et les amalgamait aux « Européens » : « Le Rwanda est le pays des Bahutu (Bantu) et de tous ceux, blancs ou noirs, Tutsi, Européens ou d’autres provenances, qui se débarrasseront des visées féodo-colonialistes » [3]. Au final, ce parti qui se prétendait celui de la « révolution sociale » invitait les Tutsi « à se réinstaller chez leurs pères en Abyssinie ». Dans le texte fondateur de la république hutu, le choix politique fondamental du maintien des mentions raciales (hutu, tutsi, twa) sur les cartes d’identité est entériné. L’ethnicité devient un élément constitutif du pouvoir, utilisé dans une rhétorique de légitimation. Outil politique trivial et pervers, son fonctionnement exige l’entretien et l’institutionnalisation de la haine raciale. À partir de ce moment le « Tutsi » joue dans cet espace politique le rôle que jouait le Juif en Europe : celui d’un bouc émissaire.

Les Pères blancs, installés depuis 1900 au Rwanda, verrouillèrent cette interprétation raciale de la réalité sociologique rwandaise. Une réalité infiniment plus complexe et plus nuancée que ce schéma réducteur. Ils la répandirent fermement à travers leurs écrits, notamment dans le livre célèbre du Père Pagès : Un royaume hamite au centre de l’Afrique. Un opuscule intitulé : Ruanda, rédigé par le Chanoine Louis de Lacger est une version simplifiée de cette même théorie, destinée aux Européens venant au Rwanda. Commandé par Mgr Classe, cet opuscule sera largement diffusé auprès des colons et des missionnaires, il sera distribué dans toutes les procures et réimprimé de nombreuses fois. La théorie affirme comme un dogme incontestable la conquête il y a 300 ou 350 ans par les Tutsi de race hamite et originaires d’Égypte (sic), de la région où vivaient depuis toujours les Bantou hutu. Ce discours a pénétré, a imprégné même, l’imaginaire social rwandais, via les manuels scolaires, les discours des prêtres et des intellectuels.

Les Pères blancs et l’administration coloniale, d’abord protutsi, commencèrent une volte-face dans les années cinquante, au moment où l’élite tutsi formée en Europe était acquise aux idéaux tiers-mondistes et manifestait sa volonté d’indépendance, allant même jusqu’à contester l’omnipotence de l’Église. Dans ce pays devenu une théocratie catholique, un royaume dédié au « Christ-Roi », c’était littéralement insupportable pour l’Église qui faisait du Rwanda-Urundi son fief et sa base d’implantation en Afrique centrale. Elle inversera donc ses critères de valeurs, idéalisant les Hutu comme « un peuple de Bantou très croyants, simples mais honnêtes et travailleurs », assujettis par « de cruels féodaux hamites ». On retrouvera presque mot pour mot toute la propagande antisémite des années trente. Dans un célèbre message de carême de 1959, Mgr Perraudin, le représentant de l’autorité catholique au Rwanda, désigne « la race tutsi » à la vindicte publique : « Il y a réellement au Rwanda plusieurs races assez nettement caractérisées [...]. Dans notre Rwanda [...] les richesses d’une part et le pouvoir politique et même judiciaire d’autre part, sont en réalité en proportion considérable entre les mains des gens d’une même race. » [4]

Ordre fut donné aux prêtres et aux enseignants du vicariat de le lire dans les Églises, les salles de catéchisme et les écoles. Ce texte sera la référence principale pour l’élaboration des leçons spéciales sur l’enseignement social de l’Église [5]. Mais c’est à travers la rédaction des célèbres Notes sur l’aspect social du problème racial indigène au Rwanda que l’Église catholique prend une part déterminante à l’établissement d’une doctrine raciale institutionnelle. L’engagement dans l’ethnisme a été pour l’Église catholique une ligne de conduite qu’elle a tenu jusqu’au bout. Théorisé depuis la fin des années cinquante, ce credo culmine dans les années soixante-dix, notamment dans les ouvrages du pieux conseiller de Grégoire Kayibanda, Baudoin Pasternostre de la Mairieu [6]. Différents mouvements catholiques de gauche y participeront, — notamment le Mouvement ouvrier chrétien belge —, alliés pour la circonstance avec les très réactionnaires Pères blancs. À cette union sacrée s’ajoutent des nationalistes flamands qui identifièrent « l’arrogance tutsi » à « l’arrogance wallonne » et devinrent les partisans les plus fanatiques et les plus inconditionnels du nouveau pouvoir hutu. Chez certains prêtres flamands comme le Père Desouter, à l’époque président des Instituts missionnaires belges, la haine des Tutsi « qui présentent bien » [7] s’alimente de clichés sur les Hutu terriens et paysans laborieux. Lors des massacres de 1959, ils exultaient. En 1994, le Père Walter Aelvoet se souvient de ces bons moments : « Pour nous l’histoire a commencé en 1959. Tout ce qui a précédé, c’était la culture des Tutsi (sic). La révolte des Hutu, je l’ai vécue de manière très douloureuse, car il y avait des cadavres. Mais dans le fond j’étais heureux. [Annonçant la nouvelle de la mort du Mwami :] Je leur ai dit que le lendemain nous allions célébrer une messe de Requiem. Mais j’ai ajouté qu’en réalité c’est un Te Deum que nous devrions chanter. » Il ajoute : « J’ai enterré les premiers chefs tutsi à Gitarama. Les Hutu trépignaient avec des machettes et criaient : "Ils doivent retourner en Abyssinie". Ils ne nous en voulaient pas d’enterrer ces gens, ils nous disaient seulement : "Père, revenez demain, nous en aurons d’autres" » [8].

Après avoir inversé son soutien, l’Église catholique continue donc le jeu d’une ethnie contre l’autre. Cette alliance coloniale, puis néocoloniale avec l’élite hutu se scelle dans le sang des pogromes antitutsi, que la nouvelle élite hutu utilise systématiquement dans sa stratégie de pouvoir. Les missionnaires flamands retrouvent là leur combat contre la bourgeoisie wallonne. L’idéologie associée, avec ses accents populistes et son allure de « Révolution de 1789 » contre « l’aristocratie tutsi », est diffusée et vulgarisée par les membres belges de l’Internationale Démocrate Chrétienne (IDC) dont le secrétariat est basé à Bruxelles. Avec les Pères blancs, ils en seront de virulents propagandistes. Le rôle de l’IDC comme soutien obstiné aux leaders ethnistes et à leur idéologie a fait l’objet d’un excellent livre de Léon Saur, secrétaire général du parti Social Chrétien, membre de l’IDC [9]. En résumé, disons qu’il a été considérable. Par exemple l’IDC remerciait le 5 mars 1992 l’Office rwandais d’information (ORINFOR), alors même que cet organe de propagande ethniste venait d’inciter aux massacres du Bugesera ! En août de cette même année, l’IDC se félicitait du ralliement du parti MDR à la ligne dite Parmehutu « dans la tradition du grand mouvement populaire lancé par Grégoire Kayibanda » [10]. En mars 1993, l’ex-parti unique rwandais MRND, qui alors planifiait le génocide des Tutsi, était invité à Bruxelles en tant que parti affilié à l’IDC, au Xe Congrès de cette organisation. En juin 1995, après le génocide, ce parti était toujours sur la liste des membres invités au XIe Congrès de l’IDC à Bruxelles [11]. Étonnant ? Non, quand on sait qu’après le génocide réalisé au nom de cette idéologie hutuiste, le député belge Jan Van Erps du CVP (parti chrétien flamand) peut se dire encore « Hutu flamand et fier de l’être » [12]. Il y aurait à dire sur la composante idéologique sous-jacente. Comme l’antisémitisme, l’antitutsisme se nourrit de fantasmes racistes variés et parfois concordants. Ce sont les mêmes clichés qui déterminent les convictions du Suisse Mgr Perraudin, fantasmes où les Hutu sont assimilés aux paysans montagnards de son Jura natal en lutte contre les « bourgeois de Sion », incarnés par les Tutsi [13]. On encense le « peuple de la glèbe » hutu contre les Tutsi accusés d’être commerçants et citadins. La mystique « de la terre et de la race », qui nourrit l’antisémitisme, n’est pas loin.

L’implication idéologique et politique de l’Église
de 1990 à 1994



En 1997, devant la Commission parlementaire du Sénat belge, le père Guy Theunis, ancien professeur au Grand Séminaire du Rwanda et très proche de l’ancien régime génocidaire rwandais, affirma que « le génocide était inimaginable ». André Louis, ancien secrétaire général de l’Internationale démocratie chrétienne (IDC) fit de même. Or, ces deux personnages étaient étroitement liés aux génocidaires et en connaissaient parfaitement le programme. Le père Theunis avouera plus tard qu’il savait, trois semaines avant le 7 avril, le but des extrémistes de la CDR : « recommencer les massacres de 1959 ». Il ne dit pas s’il approuvait ce projet, mais tout dans l’histoire de ce personnage le laisse supposer. En 1994, « la révolution sociale » devait donner au « problème tutsi » sa « solution finale ». C’était terrible, mais terriblement logique. D’où les mots d’ordre impératifs, lancinants, réitérés, de la RTLM et de Radio Rwanda : « N’épargnez pas les enfants ! ». D’où les précautions prises par l’État pour empêcher les Tutsi de s’échapper hors des frontières. Cette idée ne parasitait pas seulement la tête des extrémistes hutu. Selon l’enquête du journal catholique Golias, le Père blanc italien Bérôme Carlisquia, présent au Rwanda depuis 1941 et participant actif des massacres précédents de 1959, 1961, 1963, 1965, sera à nouveau en 1994 à la tête des tueurs [14]. « Il aurait participé aux tueries de Rusumo, notamment ceux de sa paroisse […] Non seulement pendant ses homélies, il prêchait avec virulence la haine et la chasse aux Tutsi, mais tout au long des mois d’avril à mai 1994, il stationnait à différentes barrières avec son fusil […] accompagné de tueurs qu’il aurait lui-même formés au maniement des armes ».

Un consensus s’était fait sur la nécessité d’agir cette fois définitivement, « sans refaire l’erreur de 1959 », sans épargner les femmes et les enfants



De 1990 à 1993, les anciens réfugiés tutsis d’Ouganda se heurtaient à l’intransigeance d’Habyarimana et de son akazu ou « maisonnée ». Celle-ci, essentiellement composée de sa belle-famille issue de la noblesse hutu était la principale bénéficiaire de la corruption, des trafics et des détournements de l’aide internationale. Pilier de l’idéologie ethniste, elle craignait la concurrence de l’élite tutsi et refusait radicalement d’envisager tout partage de pouvoir. Les réfugiés avaient donc repris les armes pour rentrer au pays. Guy Theunis envoyait alors régulièrement à sa hiérarchie des télécopies co-signées de son supérieur, le père Jef Vleugels, dénonçant « les exactions du FPR » et qui, dispatchées dans les Agences, servaient à alimenter la presse. Les deux compères y dissimulaient la réalité des massacres des civils tutsi qui se déroulaient à l’intérieur du pays, loin de la ligne de front. Ils se contentaient de criminaliser le FPR alors qu’en réalité les exactions et crimes de guerre étaient moins le fait du FPR que de l’armée rwandaise et de son allié zaïrois. Le FPR, qualifié « d’agresseur », avait surtout le tort de remettre en question l’ordre racial de la République hutu en professant le panafricanisme, le refus de l’ethnisme et de ses discriminations. Au même moment se déroulait l’extermination du groupe des Tutsi Bagogwe dans le nord-ouest du Rwanda. Minorité dans la minorité, les Bagogwe étaient surtout composés d’éleveurs pauvres, avec très peu de bétail voire aucun. Marginalisés depuis toujours, y compris du temps de l’ancien royaume du Rwanda, ils formaient une population sans défense et surtout sans défenseurs. Ils ont été tués dans l’indifférence. Les Bagogwe, serviteurs et bergers des riches Hutu bakiga (sous-groupe hutu du nord-ouest auquel appartiennent Habyarimana et son akazu), n’ont pas été épargnés. Désignés par la propagande comme « peuplades Nilo-hamitiques de la région » [15], ils ont été exterminés avec les Bahima (autre sous-groupe tutsi) en représailles à l’attaque du FPR, uniquement parce qu’ils étaient Tutsi, pour le crime d’être nés. Cela n’intéressait apparemment pas les Pères Theunis et Vleugels. Pensaient-ils, comme leurs collègues abbés hutu extrémistes, qu’il s’agissait de « légitimes représailles » du « peuple hutu » ?

Le témoignage d’un rescapé Bagogwe montre que les massacres de 1990 anticipaient bien ce qu’allait être le génocide :

« M. Hitimana a vu mourir ses six enfants et sa femme. Il s’était caché, car il pensait que comme en 1959 ou 1973, on pillerait seulement les maisons et les biens. À la rigueur, on tuerait les hommes. Il ne se doutait pas que la cruauté serait poussée au point de tuer des nourrissons. Son voisin a tranché la tête de sa femme d’un coup de machette, devant ses enfants, tandis que la femme de ce voisin tuait l’enfant qui était sur le dos de la victime. D’un coup de machette, cette femme a tué cet enfant, alors qu’elle-même en portait un du même âge sur son propre dos ! » [16].

Quand l’extermination n’a pas été totale, comme à Kibilira, le viol des filles Bagogwe et Bahima par les militaires « est devenu une habitude, tolérée et même encouragée par les chefs » [17]. Les méthodes d’élimination, qui seront froidement appliquées, révèlent déjà l’organisation étatique de la machine à tuer :

« Le vieux bourgmestre M. Mathias Mpiranya, ancien député pendant la première République, trouva un moyen plus efficace pour liquider les indésirables. Il invitait tous les hommes du secteur y compris les Bagogwe dans un rassemblement politique. Arrivés à l’endroit indiqué, les victimes étaient désignées aux tueurs par le bourgmestre qui invitait ces derniers à exécuter immédiatement leur besogne » [18].

Le groupe des tutsi Bagogwe et Bahima a toujours été historiquement indépendant du pouvoir central et d’ailleurs hors de tout circuit de pouvoir. Son élimination s’est faite au vu et au su de tous. Sans problème. Comme l’explique un commerçant hutu de Ruhengeri : « Il n’y a jamais eu beaucoup de Tutsi dans ce coin et nous les avons tués très vite, dès le début de la guerre, sans histoire. Nous avions l’impression d’être invulnérables » [19].

L’extermination de ce groupe humain marginal a été le coup d’essai du génocide : c’était, en 1990, un test en grandeur réelle, une mise au point des méthodes qui seront utilisées en 1994. La question des dirigeants hutu était celle-ci : si nous recommençons ce que nous avons fait en 1959 et 1963, aurons-nous le même soutien de nos amis ? Aux yeux des stratèges hutu, la réponse fut claire : ni les militaires français, nouveaux tuteurs politiques, ni les autorités religieuses, ne protestèrent. « La solution finale au problème tutsi » était avalisée par le silence et l’indifférence des ecclésiastiques. Du côté français, l’accord était acquis : les massacres avaient lieu près du principal camp d’entraînement français au Rwanda, le camp de Bigogwe, sur la commune de Mutura [20]. Ce test a permis d’évaluer la faisabilité et l’acceptabilité de la solution finale. En 1990 il y avait déjà des barrières et des fossés remplis de cadavres dans le Nord-Ouest du Rwanda (dans les communes de Mutura, Kanama et Rwerere). Citons le témoignage d’une rescapée [21]. En avril 1991, elle fuit les massacres ethnistes du Nord-Est du Rwanda dans le minibus de religieux canadiens. Le minibus arrive à Ruhengeri, au croisement de la route de Kigali et de la montée vers les volcans :

« Là il y avait une queue de véhicules qui attendait un contrôle. La tension était à vous couper le souffle. De loin j’ai aperçu les autos blindées [...] avec comme chauffeurs des militaires blancs. Mes amis canadiens ont chuchoté : “les Français”… Nous avons vu les militaires qui contrôlaient, les miliciens qui tenaient les barrières en agitant les machettes dans tous les sens. [...]

Les prières ne venaient plus en moi, je me croyais déjà morte. On avançait d’un ou deux mètres après le départ d’une voiture. Je me suis rendu compte que parmi les militaires il y avait aussi des Français qui demandaient aussi les cartes d’identité des Rwandais où figurait la mention “Hutu, Tutsi, Twa”. Les Tutsi se faisaient sortir de la voiture et les militaires français les remettaient aux mains des miliciens agacés qui les coupaient à coups de machettes et les jetaient [...] au bord de la grande route [...].

Malgré les consignes des frères de faire semblant de ne rien craindre, j’ai tout de même jeté un coup d’œil dans le rétroviseur de notre Hiace-minibus pour voir ce qui se passait dans d’autres voitures et j’ai vu un Tutsi qui se faisait sortir d’une voiture un peu plus loin de la nôtre et après la vérification de sa carte d’identité, un militaire français et un autre officier rwandais l’ont donné aux miliciens qui ont commencé tout de suite devant ces voitures à le frapper de leurs machettes et avec les Ntampongano (gourdins) [...].

Quand j’ai vu cela j’ai regardé autour de nous dans la rigole où j’ai aperçu quelques corps [...]. J’ai fermé mes yeux, notre moteur a tourné longtemps sans s’arrêter, et j’ai compris que nous avions eu l’autorisation de partir [...]. Personne de notre voiture n’a commenté ce qui s’est passé, juste le frère directeur qui a demandé une petite prière dans nos cœurs pour ces gens qui se faisaient tuer. »

Ni les responsables internationaux, ni les dirigeants français ne s’en sont émus. Ces crimes étaient organisés par l’État : « Tous les tueurs et organisateurs des tueries, maintenant identifiés, ont été nommés représentants du MRND dans leurs collines, comme s’ils avaient été récompensés pour leurs actes »[22]. Militaires et autorités n’ont eu aucun compte à rendre. L’impunité a été totale. La commission d’enquête de la FIDH a découvert des fosses communes en janvier-février 1993 dans la commune de Kigombe-Ruhengeri, parmi celles-ci probablement celle utilisée pour les victimes des exécutions auxquelles Immaculée a assisté. L’évêque de Nyundo a bien essayé d’arrêter les massacres, sans y parvenir. Au contraire, l’abbé Gabriel Maindron, un prêtre français arrivé au Rwanda en 1959, justifie et couvre le bourgmestre de Rutsiro, responsable de l’élimination de plusieurs centaines de Bagogwe [23]. En 1992, lors d’une messe à Murama, Gabriel Maindron laissera son ami l’abbé Urbain expliquer dans son homélie et devant lui, sa propre logique : « Le FPR a attaqué et les Tutsi ont commencé à se réjouir. Les Hutu se sont fâchés et ils ont tué des Tutsi. C’est la colère légitime des Hutu qui s’est manifestée… » [24].

Après la lettre de carême de Mgr Perraudin de 1959 dénonçant la « race » tutsi, après le génocide qui en est la conséquence, la hiérarchie catholique continue trente cinq ans après, dans la voie de ce racisme. Ainsi, Mgr Phocas Nikwigize, évêque de Ruhengeri de 1968 à 1996, déclare à un journal flamand : « Un Hutu est simple et droit mais un Tutsi est rusé et hypocrite. Il se montre bien, poli et charmant, mais quand le moment est venu, il fonce sur toi. Un Tutsi est foncièrement mauvais, pas par l’éducation mais de par sa nature » [25]. Promoteurs du fratricide rwandais depuis l’origine, les Pères blancs ont continué à faire de la surenchère raciste dans leur bulletin, y compris pendant le génocide : « En Europe on se passionne pour la défense des minorités et l’on passe l’éponge sur l’extermination de la majorité [...] Les Tutsi ont réussi à inféoder, noyauter toutes les organisations internationales. Même la presse et la radio Vatican [...] où ils ont su placer des Abbés rwandais tutsi [...] qui faussent toutes les informations avec une habileté extraordinaire, orfèvres de la supercherie, fourbes et maîtres en intrigues. De jolies filles tutsi rwandaises ont infiltré les organisations humanitaires et conquis le terrain par leurs charmes inégalables » [26]. On trouve donc, dans un bulletin de prêtres missionnaires, l’idéologie raciale hutu qui s’exprimait à satiété dans les journaux comme Kangura, y compris avec la composante sexuelle sur le fantasme des « femmes tutsi ». L’auteur de ce texte est le Père Walter Aelvoet, exemple type du militantisme chrétien flamand pour la « cause hutu », celui même qui disait se réjouir des massacres de 1959 à l’encontre de ces Tutsi qui présentent bien, qui parlent bien, comme les Wallons exécrés. Ainsi, en 1994, une certaine presse catholique missionnaire véhicule une propagande qui évoque l’antisémitisme des années trente.

Les Pères blancs sont à l’origine de la revue Dialogue, l’un des principaux organes d’expression des membres de l’Église catholique au Rwanda. Son fondateur, l’Abbé Massion, était un prêtre proche des leaders du Parmehutu. Après le génocide, Dialogue a été relancée à Bruxelles par le Père Theunis et un groupe d’exilés hutu rwandais. La revue se caractérise par des écrits ethnistes et révisionnistes, notamment sous la plume de François Nzabahimana, ex-ministre de Habyarimana. Celui-ci est également le président du très négationniste RDR (Rassemblement pour le retour des « réfugiés » et la démocratie au Rwanda) qui rassemble quelques-uns des génocidaires notoires. Le révisionnisme de Dialogue est bien résumé par l’explication du génocide selon le Père blanc Desouter, président du Comité des Instituts Missionnaires. Pour lui, le FPR est à l’origine du génocide : « C’est un acte suicidaire que le FPR a commis vis-à-vis de ses congénères (sic) », explique-t-il [27]. Par son offensive, le FPR a « incité aux massacres tant de Hutu désespérés ». Et puis, conclut-il, « il n’y a jamais eu autant de Tutsi au Rwanda qu’après les massacres » [28].

Le génocide accompli, une trentaine de prêtres exilés au Zaïre (actuellement Congo Kinshasa) écrivent une lettre au Pape Jean-Paul II pour expliquer la situation : « Les massacres qui ont eu lieu au Rwanda sont le résultat de la provocation et du harcèlement du peuple rwandais par le FPR. [...] Nous osons même affirmer que le nombre de Hutu civils tués par l’armée du FPR dépasse de loin les Tutsi victimes des troubles ethniques (sic) » [29]. Après avoir déclaré devant les fosses communes que « le sang des martyrs est semence de chrétiens » [30], l’Église exprime la position du Vatican, à travers un article de L’Osservatore Romano :

« Au Rwanda, une véritable campagne de diffamation contre l’Église catholique est en cours, afin de la faire apparaître comme responsable du génocide de l’ethnie tutsi, qui a ravagé le pays en 1994. [...]. L’arrestation de Mgr Misago [évêque de Gikongoro, accusé de complicité dans le génocide des 150 000 Tutsi tués dans son diocèse], cinq années exactement après les massacres, doit être considérée comme le dernier acte d’une stratégie du gouvernement rwandais pour réduire ou éliminer le rôle conciliateur qu’a eu l’Église dans l’histoire du Rwanda, dans le passé et jusqu’à aujourd’hui, cherchant par tous les moyens à en salir l’image [...]. Actuellement, l’attention de la population est polarisée sur le génocide de 1994. Il faut en réalité continuer de préciser qu’il y a eu au Rwanda un double génocide : celui contre les Tutsi (et certains Hutu modérés), commis à partir du 6 avril 1994, qui a fait plus de 500 000 victimes, et celui contre les Hutu, à partir d’octobre 1990 jusqu’à la prise du pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR) tutsi, en juillet 1994. Ce génocide des Hutu s’est poursuivi dans la forêt zaïroise, où les Hutu en fuite ont été massacrés pendant des mois sans la moindre protection de la communauté internationale. Le nombre de victimes hutu s’élève à environ un million. Les deux génocides ont été horribles et les deux doivent être rappelés, si l’on veut éviter une propagande unilatérale. » [31]

Ce texte affirme donc l’existence d’un deuxième génocide, des Hutu par les Tutsi, qui aurait été mené d’octobre 1990 à juillet 1994. Cette assertion répétée et l’invocation d’un million de victimes hutu, n’ont aucune base historique. On retrouve donc ici mots pour mots la thèse des planificateurs du génocide des Tutsi : il ne serait que la réplique « du génocide des Hutu par les Tutsi », une autodéfense en quelque sorte. L’organe officieux de l’Église catholique, dans un article donné avec les trois astérisques, signe qui désigne les échelons les plus autorisés de la Curie romaine, rejoint donc l’idéologie génocidaire, et la réalimente [32].

L’Affaire des machettes de Caritas



En juin 1994, alors que le génocide s’achevait tout juste, Mgr Augustin Misago, évêque de Gikongoro, invitait le Cardinal Etchegaray de passage au Rwanda et devant les autres évêques présents, à « envisager sérieusement une solution au problème du clergé tutsi, dont la population rwandaise ne voulait plus » [33]. Pendant le génocide, il aurait refusé de protéger la population massacrée, estimant que « de toute façon les Tutsi sont condamnés… » [34]. Au Curé Joseph Niyomugabo de la paroisse de Cyanika qui lui demandait de l’aide, Mgr. Misago « lui signifiera une fin de non recevoir. Il [ce curé] sera tué dans les conditions les plus humiliantes et les plus atroces » [35]. Il était Tutsi.

Selon des témoins hutu et des rescapés tutsi, Misago a collaboré avec le préfet Laurent Bucyibaruta, son ami intime, et le Major Bizimungu commandant de la gendarmerie, qui organisaient l’extermination des 150 000 Tutsi parqués dans divers refuges autour de Gikongoro. Il envoya les Tutsi qui lui demandaient son aide à Murambi, où ils furent massacrés en grand nombre. Il savait que toutes les routes étaient surveillées par des miliciens qui traquaient les Tutsi pour les tuer, mais il expulsa malgré cela deux employés tutsi de la paroisse de Gikongoro qui se cachaient dans l’évêché. Il demanda à Madeleine Raffin, ressortissante française et directrice de Caritas Gikongoro, de les conduire à Murambi. Les miliciens les firent sortir de la voiture au barrage routier de Kabeza et les tuèrent sur le champ. Il n’y eut aucune réaction de la part de l’évêque. Ce dernier ne fit pas non plus le moindre effort pour sauver 90 écoliers isolés dans le collège de Kibeho qui imploraient son aide. Le 4 mai, l’évêque alla parler aux enfants, dans le cadre d’une délégation. Les enfants firent appel aux sentiments de Mgr Misago pour qu’il leur accorde sa protection. Trois jours plus tard, 82 d’entre eux furent massacrés. L’évêque ne manifesta aucune réaction, mais les quelques enfants qui ont survécu à ce massacre sont prêts à parler [36].

Mgr. Misago a été emprisonné en 1999 sous l’inculpation de participation au génocide. Lors du procès en février 2000, le Tribunal s’est penché sur l’affaire des machettes. Les parties civiles affirment que l’Église catholique du Rwanda a participé à leur achat et à leur distribution aux tueurs. L’avocat, Me Rwangampuhwe, citant les chiffres d’un chercheur belge, Pierre Galant, signale qu’au moins cinq cent mille machettes avaient été achetées par le Rwanda entre 1992 et 1994 pour une valeur de 725.669 dollars américains, provenant du détournement des aides extérieures. Parmi ces machettes, 816 auraient été achetées en commande spéciale par Caritas-Rwanda, le 5 août 1993, auprès d’une société locale de Kigali, Rwandex-Shillington. Ces machettes ont ensuite été distribuées dans tous les centres de santé et centres nutritionnels de l’Église catholique du Rwanda, partout dans le pays [37]. Caritas est une association vaticane à laquelle est affilée le Secours Catholique français. Caritas Internationalis regroupe 146 membres dans le monde, ce qui lui permet d’être représentée dans à peu près tous les pays où il existe une Église catholique.

L’avocat explique qu’il a apporté l’affaire de ces machettes dans le dossier, « parce qu’elles ont servi à découper les prêtres, parmi lesquels Joseph Niyomugabo, tué dans sa paroisse de Cyanika dont il était le curé, ainsi qu’Irénée Nyamwasa, Canisius Murinzi et Aloys Musoni, enlevés par des gendarmes à l’évêché de Gikongoro pour aller être tués, et des milliers de fidèles réfugiés aux paroisses ». Le tribunal a appelé comme témoin soeur Marie-Josée Mukabayire, de la congrégation des Sœurs Benebikira, qui était responsable du Centre nutritionnel de Cyanika. Se sentant très menacée parce qu’elle était tutsi, elle avait fui Cyanika le 14 avril 1994 pour aller se réfugier à l’évêché de Gikongoro. Elle a déclaré qu’aux environs du mois d’octobre 1993, tous les responsables des centres nutritionnels de Gikongoro avaient été appelés par l’abbé Fidèle Nyaminani, alors responsable de Caritas-Butare, leur disant de venir dans cette ville de Butare, à une trentaine de kilomètres au sud de Gikongoro, « prendre des outils de travail des champs que les femmes fréquentant leurs établissements respectifs allaient pouvoir utiliser ».

Un centre nutritionnel est un établissement sanitaire qui s’occupe des enfants mal nourris. Les mères viennent y apprendre notamment comment faire une cuisine appropriée dans ce genre de situation. « Il s’est avéré que ces outils étaient en fait des machettes. Or, les mamans avaient plutôt besoin de houes pour les travaux de labour des champs et non pas de machettes parce qu’il n’y avait rien à couper dans nos centres nutritionnels », a déclaré la religieuse. Quoi qu’il en soit, elle est allée à Butare. L’abbé Nyaminani était absent à son arrivée, il n’y avait que sa secrétaire et des cartons portant les noms des différents centres nutritionnels de destination, parmi lesquels celui de Cyanika. Sur ce carton, il y était également écrit que le contenu était de cent machettes, des machettes à double tranchant, alors que les machettes traditionnelles des paysans n’ont qu’un seul tranchant, a expliqué sœur Mukabayire.

La sœur a pris le carton qui était destiné à son centre nutritionnel et elle est rentrée. En chemin, son chauffeur hutu lui a fait remarquer que « c’est vous que ces machettes commenceront par découper ». La religieuse a pris peur, elle avait compris. À cette époque là en effet, la tension et l’insécurité subies par les Tutsi et les opposants hutus étaient telles que malgré le double langage des organisateurs du génocide, on comprenait immédiatement, même si « on n’avait pas le droit de comprendre ». Environ une semaine plus tard, le préfet de Butare, Jean-Baptiste Habyalimana, l’a appelée au téléphone. Le préfet Habyalimana, le seul préfet tutsi du Rwanda, réussira plus tard à empêcher le génocide dans sa préfecture de Butare jusqu’au 16 avril 1994, avant d’être déposé par le gouvernement et assassiné par l’armée. Il a demandé à sœur Mukabayire si elle avait reçu des machettes. Elle a répondu par l’affirmative. Le préfet lui a alors dit de les ramener immédiatement à Butare. Ce qu’elle a fait. « Il me parlait avec un tel ton que, sans chercher à poser de questions, j’ai senti qu’il y avait danger », a déclaré la nonne. La religieuse a affirmé qu’elle n’avait jamais vu ni connu le préfet Habyalimana. Le seul contact entre eux a été ce coup de téléphone.

La sœur allemande Milgitha Kösser, directrice du centre de santé de Kaduha, donna de l’argent à Caritas pour nourrir les réfugiés. Aucun vivre ne leur parvint jusqu’à leur massacre le 21 avril 1994. Celle-ci avait témoigné auparavant à huis clos sur les responsabilités de Mgr Misago en précisant qu’elle avait envoyé à l’évêque cinq « messages S.O.S » de suite en faveur des réfugiés menacés sans que l’évêque daigne répondre. Ayant constaté que les déplacés mouraient de faim depuis qu’on avait exigé qu’ils payent pour avoir à manger, la sœur Milgitha avait donné au diocèse un montant de 200.000 Francs rwandais (l’équivalent de 300 euros) pour que la Caritas diocésaine, dirigée à l’époque par la française Madeleine Raffin, puisse leur acheter à manger. Peu après, la même religieuse avait débloqué une autre somme de 10.000 Deutsche Marks pour les mêmes raisons. Aucune de ces sommes n’a jamais été utilisée par le diocèse pour acheter des vivres aux réfugiés Tutsi, jusqu’à leur massacre. Madeleine Raffin, sœur de l’abbé Raffin très lié avec les extrémistes hutu, a été expulsée du Rwanda après le génocide, en février 1998 pour raison de discrimination ethnique dans sa gestion de la Caritas diocésaine. Outre le fait d’avoir affamé volontairement les réfugiés Tutsi de Gikongoro, crime qu’elle partage avec son évêque, on lui reproche d’avoir également fait tuer deux employés Tutsi de l’évêché en les livrant à des miliciens sur une barrière. Rentrée en France sans avoir rendu de compte à la justice, elle a rejoint ses amis proches du Hutu Power avec lesquels elle propage la thèse du double-génocide [38].

Selon un avocat présent lors de sa déposition à huis clos, sœur Milgitha aurait déclaré avec indignation à Misago « Si j’étais à ta place, je me serais remis à la justice de mon propre chef beaucoup plus tôt ». Et pourtant, malgré l’évidence, malgré le racisme déclaré du personnage, Mgr Misago occupe encore aujourd’hui la position d’évêque de Gikongoro au Rwanda. Il a été acquitté après un procès qui a scandalisé les parties civiles le 15 juin 2000 et a repris ses activités.

On peut se demander quelles ont été les tractations entre le gouvernement rwandais, le Vatican et les responsables de l’Église catholique au Rwanda pour expliquer cet acquittement qui est un déni de justice de toute évidence politique. On sait seulement que le Pape est intervenu directement et personnellement lors du procès, en envoyant à Mgr Misago un message de soutien, « formulant ses vœux pour que la liberté lui soit rapidement redonnée », qu’il accompagnait de sa Bénédiction Apostolique. L’avocat des parties civiles, Maître Rwangampuhwe souligne une évidence qui aurait dû suffire à faire condamner l’évêque : « Ceux qui se sont réunis pour organiser le génocide ne peuvent être innocents. Misago participait à ces réunions au cours desquelles on exhibait les statistiques des Tutsi déjà tués, des Tutsi qui ont survécu et des Tutsi qui restent à abattre ». Maître Mutagwera, Président de l’association Ibuka, avance une explication : « Mgr. Misago était puissant ». Il a comparé sa libération avec celles des bourgmestres de Mushubati et Butare, libérés également à la suite de jeux d’influences. Cette remarque est à rapprocher du fait que l’on a signalé à plusieurs reprises que les dossiers de certains responsables riches et influents du génocide ont simplement disparu ou ont été modifiés par suppression des éléments de preuves et que ces personnes ont été libérées [39].

L’impunité pour Misago est-elle une décision politique pour obtenir en échange l’impunité des seigneurs de guerre de l’APR auteurs de crimes de guerre au Congo ? Ou, plus probablement, un message clair de soumission adressé au Vatican ? L’Église catholique est une puissance considérable au Rwanda et dans la situation très difficile de l’après génocide, l’État rwandais n’avait sans doute pas le choix, il ne pouvait se permettre d’entrer en conflit avec le Vatican. Une attitude autre que celle de la soumission aurait été suicidaire étant donné la puissance internationale de l’institution catholique et ses énormes moyens de pression sur le Rwanda. Quoi qu’il en soit et comme l’a déclaré à la fin du procès Maître Rwangampuhwe : « La justice rwandaise vient de rater là son rendez-vous avec l’histoire » [40].

Au nom de Jésus, je tue !



Le résultat d’un tel tutorat est la participation de nombreux religieux hutu, prêtres, sœurs, frères de toute congrégation, aux massacres. L’aide que de hauts dignitaires ecclésiastiques ont apportée à la réalisation de la solution finale montre la force incroyable de ce consensus ethnique. Deux sœurs bénédictines de Sovu, Gertrude et Maria Kizito sont accusées d’avoir envoyé à la mort 7000 personnes qui s’étaient réfugiées dans leur monastère et ses annexes. De nombreuses religieuses ont abandonné leurs consœurs tutsi aux Interahamwe, les livrant ainsi délibérément aux viols, aux mutilations, à la mort dans une longue agonie. Selon de très nombreux témoignages, le curé de la paroisse de Nyange, Athanase Seromba a fait enfouir vivants sous les décombres les 2 000 rescapés Tutsi réfugiés dans son église, en la faisant démolir par des bulldozers. Le père italien Bérôme Carlisquia est accusé d’être l’un des principaux instigateurs des massacres de la région de Rusumo.
L’enquête de Golias a révélé que l’abbé Emmanuel Rukundo parcourait la campagne pour inciter à la chasse aux Tutsi et qu’il pillait leurs biens ; l’abbé Daniel Nahimana, son homme de main, est l’un des leaders des prêtres génocidaires et serait impliqué avec Rukundo dans l’assassinat d’un abbé tutsi ; l’abbé Martin Kabalira s’est livré à la chasse aux Tutsi dans la procure de Butare ; Joseph Nduwamungu, frère mariste, participait au génocide à Save ; le père Boniface Bucyana s’occupait d’acheter et de distribuer les machettes. « À Butare, l’Abbé Étienne Kabera a activement participé aux massacres des élèves et professeurs tutsi du groupe scolaire. […] À Kibeho, comme à la paroisse de Karama, l’Abbé Thaddée Rusingizandekwe était l’un des principaux meneurs des massacres. L’Abbé Joseph Sagahutu, vicaire à Muganza, a livré son curé, Jean-Marie Vianney Rwanyabuto. À Kaduha, l’Abbé Nyandwi Athanase Robert a violé les filles et tué les Tutsi réfugiés à la paroisse. » [41], etc. La liste est très incomplète. Outre le travail de Jean-Damascène Bizimana et de l’équipe de Golias [42], la « Lettre ouverte à Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II » du 13 mai 1998 de l’association African Rights donne des précisions supplémentaires [43]. En voici quelques passages :

Le Père Thaddée Rusingizandekwe, ancien aumônier militaire, était enseignant au Grand Séminaire de Nyakibanda, à Butare, mais il était chez lui, à Gikongoro, au début du génocide. Il a été arrêté en septembre 1994. Le 14 avril, il était parmi les hommes qui dirigèrent un massacre d’envergure à la paroisse catholique de Kibeho à Gikongoro, il était accompagné de son père, Télésphore Mugara. Armé d’un fusil, il tira personnellement dans la foule et lança des grenades, après quoi les blessés et les survivants furent brûlés vifs à l’intérieur de l’église. Il partit ensuite pour Gishamvu, à Butare, où il enseigna à des miliciens, responsables du meurtre de milliers de Tutsi, à se servir d’armes à feu. Lorsque, en juin 1994, votre représentant, le cardinal Roger Etchegaray, se rendit à Butare, le Père Rusingizandekwe vint à sa rencontre en portant un fusil, ainsi qu’une croix.

Le Père Hormisdas Nsengimana, recteur du Collège Christ Roi à Nyanza, Butare, est, d’après les survivants et de nombreux résidents de Nyanza, l’un des trois hommes qui ont organisé et exécuté le génocide à Nyanza. Il a contribué à mobiliser les miliciens à Nyanza – parmi lesquels figurait son propre frère – en leur fournissant des armes et des moyens de transport et en les encourageant, les accompagnant durant leurs tueries frénétiques. Il était lui-même souvent armé. Nombre des Tutsis qui vivaient près du collège furent tués au barrage routier qu’il avait mis sur pied à l’entrée de l’établissement et dont s’occupaient ses miliciens. Il est accusé par bien des personnes d’avoir été à l’origine du meurtre de quatre prêtres Tutsi tués à Nyanza – le Père Innocent Nyangezi, le Père Mathieu Ngirumpatse, le Père Jean Bosco Yirirwahandi et le Père Callixte Uwitonze – et d’avoir informé les miliciens qu’ils se cachaient dans un orphelinat voisin. Il refusa de les faire enterrer et permit que leurs cadavres fussent dévorés par les chiens et les corbeaux. L’énorme paroisse voisine de Nyanza est l’un des rares endroits du Rwanda où les Tutsi ne se réfugièrent pas dans leur église locale, parce que, d’après les cinq survivants, ils craignaient que le Père Nsengimana ne tentât de les faire tuer. Ce dernier fut évacué vers l’Italie, et il travaille actuellement comme prêtre au Cameroun [44].

Le Père Anaclet Sebahinde, alias "Shikito", était aumônier militaire et opérait depuis Butare. Il est accusé d’avoir conduit des groupes de miliciens dans les hautes montagnes de la région de Huye, à la recherche de réfugiés se cachant dans les forêts et les fossés. Ceux qu’ils retrouvèrent furent tués. Il montra aux hommes jeunes comment lancer des grenades. Il est également accusé d’avoir joué un rôle important dans l’emprisonnement de six prêtres dans la prison de Karubanda, à Butare. Trois des prêtres – le Père Pierre Ngoga, le Père Justin Furaha et le Père Firmin Butera – furent tués à Karubanda à la fin du mois de mai. Les trois autres prêtres – le Père Irénée Nyamwasa, le Père Canisius Murinzi et le Père Aloys Musoni – furent transférés à Gikongoro et tués le 13 mai. Les miliciens qui sont revenus des camps identifient le Père Sebahinde comme étant l’homme qui a organisé le meurtre, à Gikongoro, au début du mois de juillet 1994, de deux prêtres et de huit religieuses bénédictines de Sovu, Butare. Nous ignorons dans quel pays il réside à l’heure actuelle.

Le Père Joseph Sagahutu servait à la paroisse de Muganza, à Gikongoro. Tout le long du génocide, il travailla ouvertement avec Damien Biniga, le sous-préfet qui orchestra les massacres dans cette région. Le 15 avril, il aurait aidé Biniga et ses miliciens à tuer des milliers de Tutsis s’étant réfugiés dans sa paroisse. Nous ignorons où il se trouve à présent. Le Frère Jean-Baptiste Rutihunza, des Frères de la Charité, est accusé d’avoir organisé le meurtre d’enfants handicapés et de membres du personnel, tous tutsi, d’un centre d’handicapés à Gatagara, Gitarama. Il vit à présent en Italie. De nombreuses personnes ont également donné des témoignages détaillés à l’encontre de deux autres prêtres vivant en Italie, le Père Emmanuel Rukundo et le Père Daniel Nahimana, pour leur rôle dans le génocide à Gitarama. Ces deux prêtres ont également été accusés de complicité dans le meurtre du Père Alphonse Mbuguie, tué à Cyangugu comme on le mentionne ci-dessus. Le Père Emmanuel Uwazeyu, lequel aurait joué un rôle de tout premier plan dans les tueries commises à Gikongoro, vit en Italie. Certains des membres du clergé qui vivent en Italie et sont recherchés pour des actes de génocide commis au Rwanda étudient dans des établissements catholiques prestigieux, soutenus par l’Église.

Deux des Bénédictines de Sovu, sœur Gertrude (Consolata Mukagango), supérieure du couvent et sœur Maria Kisito (Julienne Mukabutera), ont été jugées et condamnées à Bruxelles en mai-juin 2001 [45]. Les magistrats belges ont estimé que la loi de 1993, qui accorde à ses cours et tribunaux une « compétence universelle » en cas de crimes contre l’humanité, lui permettait de juger « des faits commis à l’étranger, par des étrangers, contre des étrangers ». Elles sont aujourd’hui emprisonnées respectivement pour 15 et 12 ans. À noter l’ingérence du Vatican dans ce procès, par son porte-parole, l’opusien Joaquin Navarro-Valls, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, qui se demande si « les inculpés avaient pu faire valoir leur propre version des faits dans un pays étranger si loin du Rwanda », pour conclure : « Dans l’attente de la sentence définitive [alors que le procès est terminé] le Saint-Siège ne peut qu’exprimer une certaine surprise […] » [46]. Maria Kisito a fourni, selon plusieurs témoignages, de l’essence pour incendier un garage près du couvent le 22 avril 1994 où des centaines de familles tutsi s’étaient réfugiées. Tous ses occupants sont morts brûlés vifs. Le chef des opérations de nettoyage ethnique à Sovu, Emmanuel Rekeraho, affirme que sœur Kisito a allumé elle-même le feu au garage. Soeur Gertrude a forcé 600 Tutsi à quitter le couvent en sachant parfaitement qu’ils seraient massacrés au dehors, ce qui fut fait. De nombreux témoignages font état du mépris de ces deux religieuses pour les Tutsi implorant du secours, y compris des enfants s’accrochant à leurs robes. Selon l’acte d’accusation, sœur Gertrude qui qualifiait les Tutsi de « saleté », aurait exigé que les milices viennent chercher les derniers survivants qui avaient échappé au massacre. À noter que les frères de ces religieuses faisaient partie des milices génocidaires interahamwe [47].

Les massacres organisés par l’Abbé Seromba et le Préfet Clément Kayishema dans la paroisse de Nyangwe donnent une idée de ce qu’a été la banalité de l’horreur. Ils ont fait l’objet d’une enquête très documentée d’African Rights [48]. Le chef de la police communale a témoigné de la manière dont ces deux responsables empêchèrent les survivants de s’échapper de l’église avant que les machines ne soient arrivées. Après la destruction de l’église par les bulldozers, le 13 avril 1994, Seromba a été vu en train de tuer lui-même les survivants dans les décombres. Voici le témoignage d’un jeune Hutu, Froduald Maniraguha. Il avait 14 ans au moment du génocide et vivait à la paroisse de Nyange avec les prêtres. Il espérait entrer dans les ordres. Son témoignage a été entièrement corroboré par d’autres témoins :

« Ceux qui respiraient dans les décombres de l’église étaient achevés par Kayishema et Seromba à coups de petites houes connues sous le nom de udufuni. Je les ai vus tuer les gens alors que j’étais allé récupérer les objets liturgiques restés dans les décombres. Je les voyais tuer les gens à coups de udufuni. Kayishema était vêtu de jeans et l’abbé Seromba d’un pantalon noir ; il avait laissé sa veste sur la fenêtre au moment où il tirait dans la tour. Ils étaient revenus dans le presbytère. Ils ont vu une jeune fille nommée Adrienne. Elle s’apprêtait à devenir religieuse dans la congrégation Abahire ba Nyinawajambo. Ils l’ont trouvée derrière l’étable des chèvres. Kayishema l’a amenée. Elle a supplié l’abbé Seromba de demander pardon pour elle. L’abbé Seromba lui a répondu “qu’elle ne valait pas mieux que les autres” Kayishema l’a aussitôt taillée en pièces dans le jardin du presbytère. Seromba était là, mais il n’a rien fait. Kayishema et Seromba ont pris le cadavre de cette fille et l’ont mis avec d’autres cadavres dans les décombres de l’église. Ce sont eux-mêmes qui l’ont transporté. Les habits de Seromba étaient maculés de sang. Je les ai vus en allant déposer les objets liturgiques que j’avais tirés des décombres. »

Depuis 1997 et jusqu’en 2002, l’Abbé Seromba a été en activité à la paroisse Santa Immacolata (Chiesa dell’Immacolata e San Martino) à Montughi (Florence, Italie) avant d’être enfin inculpé par le TPIR [49]. Sous le nom de Don Anastasio Sumba Bura, il a été exfiltré par les filières catholiques par l’entremise des Pères Xavériens, des Frères Maristes et de la Caritas italienne. De la zone de Tingi-Tingi dans l’ex-Zaïre, où il a été déplacé venant du camp de Bukavu, il a été conduit à Nairobi. De là, les Pères blancs ont pris le relais pour l’envoyer à Rome en 1997, où il a été pris à nouveau en charge par les Frères Maristes. Sous la pression probable du Vatican, l’Italie a refusé l’arrestation de l’Abbé Seromba, demandée en 2001 par le TIPR [50]. À la suite de pressions internationales de plus en plus fortes, le prêtre s’est finalement rendu à la justice en février 2002. Son procès au TPIR a commencé le 27 septembre 2004 [51].

L’abbé Seromba se plaisait à dire qu’il était le disciple, le « fils spirituel » de Gabriel Maindron, curé de la paroisse Crête Congo-Nil pendant le génocide, dont nous avons déjà parlé. Ce prêtre français était très proche des milieux extrémistes hutu, notamment de la CDR, qu’il soutenait farouchement auprès des autorités locales [52]. Il entretenait d’excellentes relations avec le lieutenant-colonel Chollet, le tout puissant conseiller militaire français du président Habyarimana. Était-il un « Honorable correspondant » des services français ? On est certain que Maindron échangea des documents secrets avec le responsable des DAMI [53]. On le désignait même au Rwanda comme « le blanc CDR ». Un témoin a décrit le comportement de Maindron après les massacres de Kibuye [54 ] :

« Je suis le seul survivant des massacres qui ont eu lieu à l’église de Kibuye. Nous avons beaucoup résisté, mais plus de quatre mille personnes ont été massacrées, déshabillées, les femmes violées… L’horreur absolue ! J’ai réussi à me réfugier dans le clocher de l’église où je suis resté plusieurs jours sans manger, avec juste un peu d’eau. Au même moment, au stade de Kibuye, il y avait encore plus de tueries. Une odeur pestilentielle régnait dans toute la ville. L’église a été complètement pillée et ils ont pris les vêtements des morts [tâche dévolue aux femmes et aux enfants hutu]. Juste après les massacres des 17 et 18 avril, il y a eu une grande assemblée pour fêter tout cela. »

« Deux ou trois jours ont passé et qu’est-ce que je vois du haut de ma cache dans le clocher ? Gabriel Maindron, accompagné d’un contingent de personnes, se dirige vers l’église. Avec eux il y avait une voiture de Radio Rwanda et une voiture des autorités. Le bourgmestre, le préfet Kayishema – grand organisateur du génocide dans la région – et d’autres personnes encore étaient présentes. Gabriel Maindron était au milieu d’eux en grande conversation, très décontracté. Je l’ai même entendu dire au préfet et au bourgmestre qu’il fallait nettoyer tout cela pour effacer les traces des massacres de manière à ce que les visiteurs extérieurs ne voient pas ce qui s’était passé. »

Après le génocide, l’abbé Maindron défendra encore la CDR dans la revue Dialogue, la qualifiant de « parti du peuple majoritaire ». Il expliquera sans vergogne le génocide des Tutsi dans cette revue par « l’intransigeance du FPR qui refusait à la CDR son droit à siéger à l’assemblée des députés » [55]. Totalement impliqué avec ses amis criminels de la CDR, il explique pour se disculper que le génocide est l’œuvre du « Prince des ténèbres ». Devant le zèle sanglant et l’extraordinaire cruauté de ses ouailles, il écrira : « Quel acharnement diabolique ! Ces jours-là, nous avons vu le visage hideux de la haine derrière lequel se cache l’adversaire, le Prince des ténèbres » [56].

Ce prêtre, au minimum solidaire des génocidaires, reprend et diffuse leur explication négationniste des « troubles interethniques » consécutifs à la mort du président. Maindron explique en effet que « la réaction de la population à sa mort montre, plus qu’un plébiscite, combien Habyarimana était populaire » [57]. Faut-il alors comprendre que, selon sa vision, le « Prince des ténèbres » était aussi derrière la popularité supposée d’Habyarimana ? Dans ce cas, Maindron, selon son propre point de vue est lui-même un collaborateur de Satan, du « Prince des Ténèbres », puisqu’il militait pour cette popularité ! Grand amateur de filles tutsi [58] qu’il a pourtant abandonnées à l’holocauste, Gabriel Maindron doit avoir une conscience passablement nauséabonde. Revenons sur cette assertion concernant « la réaction de la population » ; Jean-Pierre Chrétien s’étonne de sa reprise, si fréquente chez les supporters occidentaux du « pouvoir hutu » notamment chez des membres de l’association « Les amis du Rwanda », mais également présente chez des experts africanistes : « comme si chaque citoyen hutu rwandais avait ressenti une soif personnelle de meurtre, y compris contre des bébés, des malades ou des vieillards de son voisinage, à la nouvelle de la mort du président » [59].

Dieu le Père, Jésus et Marie comme guide
et justification des tueurs



Des prêtres rwandais ont réalisé une étude intéressante et critique de leur institution, sans remettre en question leur foi et le lien entre leur croyance et le génocide [60]. Néanmoins leur dénonciation de l’utilisation de la foi chrétienne par les génocidaires est sans ambiguïté : « La citation religieuse ou un discours sur Dieu est devenu un appareil idéologique du MRND [le parti du président Habyarimana, organisateur du génocide]. Entrant dans la logique de l’instrumentalité, le musulman Ngeze Hassam du journal Kangura fait recours à l’univers symbolique du christianisme pour évoquer l’unité des Bahutu. [...] » Le numéro 24 (novembre 1991) fait intervenir l’Évêque comme symbole de cette unité des Hutu. Le N° 3 de janvier 1992 fait participer la Sainte Famille à l’idéal hutu. Joseph demande à Jésus de dire “aux Hutu du monde entier de s’unir”. Ngeze posera “en Christ des Hutu”. Dans son discours incendiaire du 22 novembre 1992, Léon Mugesera [responsable MRND et conseiller du président Habyarimana] procède aux retouches du discours évangélique ou religieux pour appeler à la violence et aux meurtres à travers la citation. Il cite l’Évangile deux fois, mais qu’il transforme librement. [...] Agathe Habyarimana évoque un Dieu vengeur de l’assassinat de son mari [61] [vengeance effectivement utilisée comme prétexte et justification du génocide]. Le génocide porterait un sens théologique. En plein génocide, on pouvait entendre à la radio : “Ces gens-là sont vraiment une sale race ! Je ne sais pas comment Dieu pourra nous aider à les exterminer. Il faut s’en débarrasser. C’est la seule solution” [62] ; ou encore : “Aussi longtemps que nous resterons unis pour combattre cette vermine, Dieu sera à nos côtés et Jésus nous aidera à les vaincre. Vous qui êtes au front, tenez bon, la Vierge est avec nous” [63]. La musique de la RTLM pendant le génocide était souvent religieuse[64].

Le caractère biblique de l’extermination des Tutsi est manifeste, au moins dans l’esprit des propagandistes. La présentation de la lutte raciste est celle d’un combat du Bien contre le Mal, idée fréquemment reprise par les amis du Hutu Power : « Dieu et la Vierge Marie étaient du côté de l’idéologie hutu dans la presse du pouvoir, par contre, la caricature présentait le FPR avec des cornes et une queue. La diabolisation s’étendait sur l’ethnie tutsi identifiée au serpent, autre image biblique de Satan » [65]. On retrouve dans le discours officiel des Évêques du Rwanda cette insinuation de la nature démoniaque du FPR. Par exemple, ils expliquent que celui-ci donnait une désinformation « savamment et malicieusement organisée » [66]. Ici, le sens de « malicieusement » n’est pas celui d’espièglerie ou d’aimable plaisanterie, mais celui de « malin » signifiant diabolique, d’attribut du diable.

Apparitions mariales à Kibeho



En 1963, à Gikongoro, se sont déroulés les massacres des Tutsi les plus importants de la période 1959-1967 au Rwanda. C’est là qu’ils ont pris le caractère génocidaire qu’ils auront en 1990-1994, les Tutsi étant tués dès cette période par familles entières. Dans la seule préfecture de Gikongoro, où se trouvent Kibeho, Kaduha, Cyanika, de 8 000 à 14 000 Tutsi ont été tués sur l’ordre du préfet André Nkeramugaba. Il s’agit d’un plan organisé d’extermination. Comme pour exclure définitivement ces massacres de la mémoire collective, des religieux ont convaincu le pouvoir rwandais de faire de ce lieu une sorte de Grotte de Lourdes africaine. Kibeho devait devenir dans la représentation populaire une place d’apparition mariale et de miracle. Des récits de collégiennes faisant état d’apparitions de la Vierge sont diffusés par les médias catholiques et la radio d’État. Ces « apparitions » mêlaient un mysticisme religieux trivial et une propagande débridée pour le MRND. Apparitions et propagande se prolongèrent jusqu’en 1994, sans s’interrompre pendant le génocide. Douze ans après le signalement des premiers « phénomènes mariaux » selon l’expression utilisée par le Vatican, les Tutsi ont été à nouveau sauvagement massacrés sur les lieux des tueries précédentes. Dans les églises et les paroisses de Kibeho, Kaduha, Cyanika, cent cinquante mille civils ont été exterminés en avril 1994. Essentiellement des familles regroupées par les autorités « pour les protéger » et qui organisaient ensuite les massacres.

Interrogée par Radio Rwanda, alors que le génocide se déroulait sous ses yeux, l’une de ces collégiennes mystiques, présentée comme « un médium communiquant avec la Mère de Dieu », dira : « Le Christ n’aime pas qu’on tue bien sûr. Mais la Vierge Marie va intercéder auprès de son fils pour qu’il nous comprenne » [67]. Répercutée sur les ondes par Radio Rwanda, la radio nationale concurrente de la RTLM pour l’appel au meurtre, cette propagande dans un pays catholique à près de 90 % a été terriblement efficace. Malgré cela, cette nouvelle mystique mariale sera officiellement reconnue par les autorités catholiques autorisées du Vatican en 2001 [68]. L’Abbé Maindron fut, dès l’origine, l’un des principaux animateurs et organisateurs du projet de faire de Kibeho le « Lourdes du Rwanda ». Mais en même temps qu’il manageait les « apparitions » de la vierge, il s’employait aussi à canaliser la foi candide de la population dans le soutien inconditionnel au régime. Ceci est bien établi par le « livre pieux » qu’il a lui-même consacré à ces apparitions et où il fait également l’apologie du Président Habyarimana [69]. Son zèle pro-gouvernemental lui permet d’établir des liens étroits avec l’akazu. Il est d’ailleurs décoré de « l’Ordre national de la paix » avec le grade d’officier, le 5 juillet 1981. La Présidence offrit à Maindron la logistique nécessaire pour drainer les foules vers Kibeho [70]. L’Abbé Maindron, zélateur à la fois du parti raciste CDR et de la Vierge, aura su intégrer simultanément ces deux cultes chez ses ouailles. Il dit en effet avoir vu pendant le génocide des tueurs munis de chapelet « pour que la Vierge Marie les aide à débusquer les Tutsi survivants » [71]. Il rapportera également que d’autres se recueillaient devant la statue de la Vierge, avant de se livrer aux plus abominables tueries »[72].

Le Père Maindron a été témoin du massacre des Bagogwe. Après la campagne d’extermination de 1990 et 1991, quelques rescapés de cette communauté sont venus se réfugier dans sa région, vers la Crête Congo-Nil. Son ami le bourgmestre de Rutsiro, Raphaël Benimana prévoit alors pour eux un plan d’évacuation forcé : ils sont installés d’office dans un camion-benne qui les déchargera dans un précipice de la colline de Kabaya. Tous périront. En 1993, au moment de l’enquête sur la violation des Droits de l’Homme au Rwanda, Gabriel Maindron fait signer un texte de soutien à ce bourgmestre par quelques Bagogwe qui avaient échappé à d’autres massacres, en faisant un chantage à l’aide prévue pour les « déplacés » et en usant de son autorité. L’un d’eux, Boniface Niragira, un des très rares rescapés de toutes ces opérations de « nettoyage », a révélé l’incroyable cynisme de ce prêtre : « L’abbé Maindron vint nous faire signer de fausses déclarations selon lesquelles notre bourgmestre était innocent, victime de calomnies. [...] Contraints et forcés nous avons signés ». Puis, muni de ce papier, nous dit Golias, Maindron entreprit les démarches auprès de l’ambassade de France à Kigali où il a l’habitude de se rendre [73].

De nombreux autres témoignages accusent ce Père de non-assistance à personne en danger et de complicité criminelle avec les organisateurs des tueries [74]. Mais pensant à Maindron, je pense surtout aux jeunes filles Tutsi de Kibuye, à celles qu’il appréciait en homme et non en prêtre, et que ses amis ont suppliciées. Je pense aussi à ma jeune belle-sœur qui le connaissait bien. Très grande, fine et délicate, archétype de la « beauté tutsi », elle passerait en France pour un mannequin de haute couture. Elle a été tuée avec sa mère et ses sœurs à la mi-mai, pendant la « normalisation » du génocide, quand les responsables décidèrent que le moment était venu de tuer toutes les femmes et tous les enfants qui avaient survécu [75]. Ils l’ont laissée agoniser plusieurs jours, un bras coupé et les chevilles sectionnées. On rapporte qu’elle n’a pas cessé de crier et d’appeler pendant son calvaire. Dans cette angoisse sans nom, implorant une mort qui ne vient pas, a-t-elle pensé à Maindron ? L’idée qu’il était tout près, avec ses amis assassins, devait être une souffrance supplémentaire. En 1999, l’Abbé Gabriel Maindron coule des jours paisibles à Fontenay-le-Vicomte, dans le diocèse de Luçon en Vendée.

À l’aube de ce XXIe siècle, le prêtre Boniface Bucyana était en charge de la paroisse de Rue, près de Fribourg en Suisse. L’abbé Martin Kabalira était nommé dans la commune de Saint Béat près de Luchon en Haute Garonne [76]. Le Père Wenceslas Munyeshyaka, prêtre milicien et vicaire de l’église de la Sainte Famille à Kigali, a exercé son ministère en France, à la paroisse de Bourg-Saint-Andéol dans l’Ardèche. Arrêté en 1995, il a été relâché et pris sous la protection des Pères blancs dans la région parisienne, puis aux Andelys, près d’Évreux [77]. Bérôme Carlisquia a été exfiltré par les Pères blancs en Italie, ainsi qu’Emmanuel Rukindo, Joseph Nduwamungu, Daniel Nahimana. L’abbé Hormisdas Nsengimana est parti en exil après le génocide et servait comme « Père spirituel » à Bertoua, dans le Diocèse de Diang, au Cameroun, avant son arrestation par le TIPR. L’abbé Athanase Seromba était lui aussi en exil, exerçant comme prêtre paroissial à Florence, en Italie, avant de se rendre au TIPR. Tous sont des prêtres accusés d’avoir directement participé aux tueries. Alors qu’ils relèvent du tribunal pénal international pour le Rwanda, certains tendent toujours l’hostie aux paroissiens dans des villages de France ou de Belgique, de Suisse ou d’Italie. L’association African Rights qui a informé le pape Jean-Paul II des actes criminels commis par ses prêtres recyclés en Europe, n’a jamais reçu de réponse [78].

Un blindage idéologique



L’implication dans l’idéologie génocidaire et le soutien apporté à des religieux accusés de meurtres par les hiérarchies des différentes confessions chrétiennes présentes au Rwanda sont proprement incroyables. Cette compassion pour les bourreaux s’accompagne du mépris pour les rescapés du génocide, accusés de façon globale d’être organisés en « syndicat de délateurs » comme le met en avant la propagande du Vatican pour défendre Misago [79]. Revenons aux deux Bénédictines de Sovu au racisme incandescent, sœur Gertrude et sœur Maria Kisito. Christian Terras, directeur de la revue catholique contestataire Golias, donne les différentes étapes de leur accueil en France puis en Belgique, organisé par des autorités religieuses : « Elles sont arrivées par un circuit d’exfiltration, par des communautés religieuses, notamment en France, par les Pères blancs et les organismes de l’Église en place. Elles ont profité des camions de l’opération militaire française Turquoise (en juillet 1994), pour se réfugier au Zaïre. Elles y ont été accueillies notamment par des religieux des congrégations espagnoles. De là, elles ont été exfiltrées vers l’Est de l’Afrique, au Kenya. Ensuite, elles ont pu s’envoler, après avoir fait une étape en France, vers la Belgique » [80]. Depuis, elles ont vécu en Belgique où l’ordre des Bénédictins auquel elles appartiennent a continué de les protéger.

Les Pères blancs se distinguent par leur zèle à innocenter les prêtres et religieuses impliquées dans le génocide. Ainsi en 1995, le Père blanc belge André Comblin avait été dépêché à deux reprises au monastère de Sovu pour demander aux sœurs rwandaises qui témoignaient contre les deux Bénédictines de se rétracter. Il a voulu leur faire signer des documents selon lesquels elles reconnaissaient avoir donné de faux témoignages. Les sœurs ont heureusement eu le courage de refuser et de tenir tête à ce représentant de l’Église. Les documents du père Comblin saisis par la police rwandaise ont entraîné son expulsion. Ce prêtre était, de plus, bien connu par le racisme antitutsi virulent qu’il manifestait au Burundi. Évacuée en Belgique après le génocide, l’une des deux moniales qui a accepté de témoigner, Mukagira Scholastique, raconte comment elle a été soumise aux pressions de la part de Gertrude et de l’abbé de Maredsous [81]. Lors de leur procès à Bruxelles, le lobby chrétien s’est mobilisé pour défendre les deux sœurs de Sovu. Un certain Mgr Albertus Nicolaus, dans une lettre envoyée au président du Tribunal, a traité l’avocat de la partie civile, Maître Georges Henri Beauthier, « d’avocat véreux qui se distingue par son antipatriotisme et son gauchisme nihiliste » et qui « insulte l’Église toute entière et le Pape ». Il ajoute : « Nous pensons donc que ce procès est truqué, qu’il est une vaste comédie, mise en route par des francs-maçons et des ennemis notoires de l’Église » [82].

On a pu entendre sur les ondes la profession de foi du Père blanc Guy Theunis, animateur de la revue Dialogue en faveur de ces bourreaux : « Je ne crois pas à l’accusation de participation des prêtres au génocide. Ce qui est clair c’est que certains prêtres hutu ont exprimé des opinions qui ne plaisent pas au FPR. Ils ont droit d’avoir une opinion. Cela n’est pas un crime. » [83] En 1995, il avait fait diffuser dans toutes les communautés des Pères blancs un document faisant l’éloge de l’Abbé Wenceslas Munyeshyaka : « il n’a pu empêcher que certains soient tués. Mais soyons honnêtes, ce n’est pas lui qui les a tués ! [...] J’aime à répéter qu’accuser l’Abbé Wenceslas Munyeshyaka de “génocide” est inacceptable » [84]. Dans une lettre ouverte au Pape, l’association African Rights écrivait : « Depuis notre lettre précédente, de nombreux gouvernements et institutions ont lancé des enquêtes publiques sur leur réaction lors du génocide et ont, pour la plupart, admis leurs erreurs et présenté leurs excuses [85]. Nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi l’Église catholique n’a pas encore entrepris un examen de conscience et tenté d’identifier les membres du clergé qui ont manqué à leurs devoirs en tant que chrétiens. »[86]

L’ethnisme, chez ces défenseurs de l’indéfendable, semble être le seul horizon, tout aussi inavouable et indicible que les crimes de ceux qu’ils protègent : un Hutu est par définition innocent, un Tutsi fourbe et menteur. Cette foi ethnique obnubile tout raisonnement. On a vu que la sexualité n’est pas absente de cette diabolisation des Tutsi. Rappelons ici que les Pères blancs dénonçaient un complot international tutsi, utilisant comme agents « de jolies filles tutsi rwandaises [qui] ont infiltré les organisations humanitaires et conquis le terrain par leurs charmes inégalables », ceci dans le bulletin de cette congrégation [87]. La connotation sexuelle de ce racisme se retrouve en abondance dans la presse hutu extrémiste, telle que Kangura [88]. Si pour ces croyants c’est le Diable qui se cache derrière « le Tutsi », chez la Tutsi, c’est la « sorcière » et la « putain » qu’ils croient voir. Ce sont deux des « quatre femmes de Dieu » que l’Église a honnies et persécutées durant des siècles [89]. La beauté elle-même est ici suspecte. Comme le plaisir sexuel qu’elle évoque, elle est soupçonnée d’être au service du Mal [90].

Un ancien grand séminariste chez les Pères blancs, Jean-Damascène Bizimana, signale le racisme institutionnel qui règne dans son ex-congrégation, excluant systématiquement les Tutsi, mettant même à l’écart les prêtres européens qui ne partagent pas ces préjugés ethniques. Il cite le cas de feu le Père Robert Defalque, marginalisé et traité avec mépris de « Gatutsti » (pro-Tutsi) par ses confrères [91]. En France, cette congrégation pourrait être poursuivie pour discrimination raciale ! L’association Amour sans frontière (ASF) basée à Lyon et dirigée par le Père blanc Pierre Jault, désinforme en reprenant la propagande du Hutu Power. Dans ses bulletins, cette association ignore le génocide mais parle de « guerre civile » ou « d’événements de 1994 ». En revanche, elle fait l’apologie de Mgr Perraudin et de Gabriel Maindron. Pour expliquer un tel racisme, Jean-Damascène Bizimana fait intervenir une manipulation : « À la réflexion, il est possible que ces associations chrétiennes [comme ASF] véhiculent des messages ethnistes, non pas à cause de la mauvaise foi de leurs membres mais par manipulation de ceux-ci. Manipulation de braves gens [...] par des activistes impliqués soit indirectement dans les massacres, soit dans la foi et la connivence idéologique avec les organisateurs [...] du génocide. Une manipulation et une désinformation orchestrées par des missionnaires » [92].

Mais comment comprendre la force et l’ingénuité de ce racisme ? Comment expliquer la ferveur avec laquelle les fidèles européens continuent à accepter que l’Église, et en particulier les Pères blancs, aident, défendent et financent des criminels capables de telles atrocités ? Devant la négation de l’évidence rencontrée chez tant d’associations chrétiennes, on reste parfois pantois. Pour l’historien Jean-Pierre Chrétien, un élément de cette compréhension est l’imagerie d’Épinal qui entourait le régime rwandais. Le nazisme tropical du Hutu Power était invisible et reste imperceptible pour nombre d’acteurs chrétiens liés au Rwanda. Il décrit comment s’est mis en place une sorte de blindage idéologique, « compte tenu de la respectabilité qui auréolait le régime en cause et de la bonne conscience sans limite qui habitait ses dirigeants et ses propagandistes ». L’historien Lucien Febvre nous a appris qu’il était presque impossible d’être incroyant en France au XVe siècle, tant la vie collective baignait à cette époque dans un climat chrétien. Jusqu’au génocide de 1994, manifester quelque incroyance à l’égard du caractère exemplaire du régime rwandais, j’allais dire de sa sainteté, semblait relever d’un parti pris blasphématoire.

En 1985 encore, dans un opuscule de vulgarisation d’inspiration catholique en France (À la source du Nil, les mille collines du Rwanda, 1985), un ancien conseiller du président Grégoire Kayibanda, Baudoin Paternostre de la Mairieu, évoquait “les paroisses campagnardes du Rwanda, havres de paix, d’équilibre et de sérénité” ainsi que la “grande modération des principaux leaders, leur option démocratique et l’engagement chrétien de leur politique” [...] On oublie trop vite l’omniprésence de cette vision idyllique, cautionnée en de nombreux lieux politiques et associatifs, et pas seulement belges ni seulement chrétiens. Aveuglés par cette image, les connaisseurs et les partenaires du Rwanda depuis son indépendance, ne pouvaient que très difficilement imaginer l’innommable. [93] L’identification christique de la « cause hutu » chez les fidèles européens sincères pourrait expliquer bien des aveuglements, autrement incompréhensibles.

Le rôle du Vatican



À cette imagerie, utilisée surtout pour les fidèles, s’ajoutent de froids calculs politiques des autorités ecclésiastiques. On retrouve alors ici les mensonges de l’Église catholique. Le philosophe chrétien Jean Guitton avait déjà admis la nécessité religieuse du mensonge : « pour satisfaire une élite, on troublera huit cent millions de fidèles. Si les chercheurs ont le droit de chercher, les pasteurs ont le devoir sacré de préserver la foi. » [94] La puissance de la conviction religieuse, cette « force de croire » au mépris du bon sens, de la justice et de la raison, est sous-jacente à toutes ces complicités abominables [95]. Pour les Fidèles comme pour les prêtres, la prééminence de la foi sur la vérité est une « valeur » chrétienne acceptée et même revendiquée : « Je préfère être dans l’erreur avec le Pape que dans la vérité contre lui », écrivait Mgr. Eugenio Sales, Archevêque de Rio de Janeiro. « S’il était réellement établi que la vérité est en dehors du Christ, je préférerais rester au Christ plutôt qu’avec la vérité », écrivait Gilbert Cesbron [96]. L’Église catholique qui se veut la plus haute autorité morale, s’était déjà rendue coupable d’indifférence, voire de connivence raciste il y a plus de cinquante ans, lors de la Shoah [97]. C’était alors pour préserver son influence politique en Allemagne. Croyant protéger leur image et leur influence au Rwanda, les stratèges du Vatican mélangent cyniquement la foi en Dieu et la foi ethnique.

Si les fidèles manquent d’informations et pêchent par crédulité, ce n’est pas le cas du centre nerveux de l’Église catholique. Le Vatican ne se comporte pas autrement que toute autre grande puissance « temporelle », et est comme telle prête à tout pour sauvegarder un pouvoir sous son influence, génocide compris. Rien de ce qui est « moral » ne bride ses décisions, qui sont fondamentalement « amorales » au même titre que celles des autres États. Croire en une quelconque pureté de cette institution serait ignorer le machiavélisme associé à tout pouvoir temporel. Si le rôle de l’Église dans ce crime est effroyable, que dire de son refus de prendre acte de ses responsabilités et de faire « amende honorable » ? Le pire est ici atteint. Le Vatican est de toute évidence une puissance dangereuse, qui pourrait récidiver si besoin est, puisqu’elle refuse de reconnaître ses torts. D’ailleurs sa complicité dans le génocide des Tutsi est déjà une récidive. Le Vatican, à la fois par antisémitisme et par anticommunisme, s’est tu alors qu’il avait connaissance des camps d’extermination. Pire encore, il a refusé d’entendre l’appel au secours pour 8 000 orphelins juifs roumains, par refus de toute implantation juive dans les « Lieux Saints » [98]. Une puissance qui refuse même l’idée qu’elle pourrait changer ses façons de faire : une organisation criminelle, composée de gens ordinaires aux ordres de leur supérieur, comme le sont en général les commis des États…

On ne peut que reprendre ici pour les événements du Rwanda ce qu’un prêtre catholique historien disait pour la Shoah : « Le Vatican, avec son génie de la désinformation, a trop camouflé les faits, il a, par des alibis commodes, trop anesthésié les “bonnes consciences” pour qu’on ne s’acharne pas à rétablir la vérité : l’Holocauste n’aurait pas eu lieu sans la complicité tacite d’un Pie XII avec ceux en qui il n’a voulu voir qu’un rempart efficace contre le bolchevisme et qu’alors il a toujours ménagés. » [99] Peu importe le message qu’une institution met en avant, qu’elle dispose en « vitrine ». Celui que l’Église voudrait nous faire admettre est « aime ton prochain comme toi-même ». Ailleurs, il s’agit des « droits humains », du « respect de la dignité humaine », etc. Les États et les Églises peuvent être aussi bien intentionnés qu’on veut, ils n’empêcheront pas l’institution et ses fidèles ou ses citoyens d’être aussi criminels qu’on peut l’imaginer et même finalement bien au-delà. Dans des logiques propres, parfois parfaitement rationnelles dans leur absurdité ou leur monstruosité, c’est la « raison d’État » qui impose sa loi. Dans ces conditions, il n’y a plus d’individus. Tous doivent s’identifier à l’institution et obéir à ses mots d’ordres. Cette identification désindividualise, met l’individu au service d’une puissance idéologique qui le broie. Le Vatican, qui se définit comme puissance « temporelle et spirituelle », est par excellence une puissance idéologique, dont le « travail » est de transformer l’individu en outil à son service, au nom d’idées qui le dépassent, d’une autorité reconnue, d’une cause « sacrée », « juste » ou « légitime ». C’est à ce moment que tout devient possible : celui qui est prêt à abdiquer son individualité sera prêt aussi à tuer, ou à mourir lui-même, à sacrifier sa vie pour la « cause ».

Le rôle de l’Église dans ce génocide nous apporte un enseignement précieux. C’est en tant qu’organisation sociale que l’Église du Rwanda s’est montrée abominable. C’est parce qu’elle est dans ce pays une institution dont la puissance est au moins égale, sinon supérieure, à celle de l’État, qu’elle a pu atteindre ce degré de nuisance. Ce n’est pas pour rien qu’Hitler admirait et jalousait si fort cette vénérable institution : « L’Église catholique doit être citée en exemple en premier lieu pour sa tactique extraordinairement habile, pour sa connaissance des hommes, et pour son adroite adaptation des faiblesses humaines au gouvernement des croyants. [...] Je me suis inspiré de la forme que l’Église a donné à son credo et à ses articles de foi. » [100]

Notes



[1] Valérie Bemeriki est l’une des plus célèbres speakerines de la RTLM, pour ses appels aux meurtres et à l’extermination des Tutsi.

[2] Le texte intégral du Manifeste se trouve dans F. Nkundabagenzi, Le Rwanda politique (1958-1960), op.cit.

[3] Déclaration du Comité national du Parmehutu.

[4] Mgr Perraudin, vicaire apostolique de Kabgayi, lettre pastorale de carême du 11 février 1959.

[5] Circulaire du 11 février 1959 et du 15 avril 1959, publiée à la veille des massacres de novembre 1959.

[6] Un de ses livres, Le Rwanda, son effort de développement, éd. de Boeck (Bruxelles) – éd. Rwandaises (Kigali), 1972, 413 pages, est une sinistre caricature du genre où se mélangent racisme et foi chrétienne.

[7] LeVif/L’Express du 7 octobre 1994.

[8] De Morgen du 16 avril 1994, cité par Colette Braeckman, Rwanda – Histoire d’un génocide, Paris Fayard, 1994, p. 42.

[9] Influences parallèles. L’Internationale démocrate chrétienne au Rwanda. Luc Pire, Bruxelles, 1998.

[10] Note d’Alain de Brouwer, conseiller à l’IDC pour ces questions rwandaises, en date du 7 août 1992.

[11] Dont le Secrétaire général était alors l’Espagnol Javier Ruperez, du Parti Populaire.

[12] La Libre Belgique du 26 février 1997.

[13] Cf. par exemple dans Le Journal de Genève du 18 avril 1994.

[14] Ce prêtre qui avait une autorisation de port d’arme du gouvernement, est originaire de Brescia en Italie, où il coule aujourd’hui des jours paisibles. Christian Terras, Golias-Magazine n°48-49, été 1996, p.109.

[15] Document de l’État-major des Forces Armées Rwandaises, 21 septembre 1992, désignant « l’ennemi ».

[16] ADL, Rapport sur les Droits de l’homme au Rwanda. Septembre 1991 – Septembre 1992, Kigali, décembre 1992, 355 pages.

[17] Ibidem, p. 128.

[18] Ibidem, p. 123.

[19] Témoignage recueilli par Florence Aubenas, Libération du 11 juillet 1994.

[20] Ce n’est pas pour rien que le Tribunal pénal international pour le Rwanda ne prend pas en compte les crimes commis avant janvier 1994, sous présence française. Voir La justice internationale face au drame rwandais, sous la direction de Jean-François Dupaquier, Karthala, 1996.

[21] Immaculée Cattier, témoignage cité dans le Communiqué de presse du 22 mars 2004 de la « Commission d’enquête citoyenne sur le rôle de la France durant le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 », Paris du 22-26 mars 2004. Cf.

http://cec.rwanda.free.fr/com/com-2...

.

[22] Rapport sur les Droits de l’homme au Rwanda. Septembre 1991 – Septembre 1992, op.cit., p. 104.

[23] Nous reparlerons plus loin de ce prêtre, proche des extrémistes hutu de la CDR.

[24] Golias-Magazine n° 48/49, op. cit., p. 72.

[25] Mgr Phocas Nikwigize, De Volkskrant du 26 juin 1995.

[26] Bulletin d’information africaine ANB / BIA des Pères blancs n° 257 du 1er mai 1994.

[27] Gazette de Lausanne du 21 mai 1994.

[28] Interviewé par le journal belge Vif Express du 1er octobre 1994.

[29] Lettre du 4 août 1994 adressée au Pape par trente prêtres hutu, signée notamment par le prêtre Wenceslas Munyeshyaka, actuellement protégé par l’Église en France.

[30] La Croix du 4 août 1994. Le cardinal Etchegaray était en juin 1994 l’envoyé spécial du Pape au Rwanda, consulteur du Conseil pontifical « Justice et paix ».

[31] « Génocide rwandais : dernier acte », L’Osservatore Romano, du 19 mai 1999.

[32] Voir Billets d’Afrique, août 1999.

[33] Propos rapportés par de nombreux témoins et dont Jean-Damascène Bizimana, L’Église et le génocide au Rwanda : les Pères Blancs et le négationnisme, L’Harmattan, 2001, se fait également l’écho page 100.

[34] Selon l’enquête de Golias-Magazine, n°48-49, p. 122.

[35] Ibidem.

[36] Association African Rights : Lettre ouverte à Sa Sainteté le Pape Jean-Paul Il du 13 mai 1998, signée Rakyia Omaar, directrice.

[37] Cette facture exhibée par l’avocat est un exemplaire d’une commande de la Caritas-Rwanda. En réalité il y en a eu d’autres. Le Père Descombes, ex-Directeur de cette Caritas Rwanda, entendu au procès, déclare que ces 816 machettes étaient destinées à la réinstallation de rapatriés de la Tanzanie mais qu’en raison du climat de tension, fin 1993, cette distribution a été arrêtée. Dont acte. [JM]

[38] Jean-Damascène Bizimana, op.cit., p. 100.

[39] En octobre 1998 on dénombrait 538 dossiers volés ou trafiqués, notamment par le procureur Silas Munyagishali et l’ex-ministre de la justice Faustin Nteziryayo.

[40] Jean-Damascène Bizimana, op. cit., fait un tableau précis du procès Misago. Voir également le dossier de l’Agence Rwandaise d’Information, ARI/RNA n°199, du 15-21 juin 2000, dont sont tirées ces citations.

[41] Jean-Damascène Bizimana, ibidem, p. 64.

[42] Christian Terras (dir.), Rwanda : L’honneur perdu de l’Église, éd. Golias, 1999. On trouve dans ce livre les accusations portées contre ces prêtres par des rescapés dont les témoignages sont repris ici.

[43] Voir également le travail unique de cette association : African Rights, Témoin du génocide n°1, « Succès et déboires de la lutte pour la justice. Le Père Wenceslas Munyeshyaka arrêté en France puis relâché », Londres, octobre 1995 ; n°9, « Father Wenceslas Munyeshyaka : In the Eyes of the Survivors of Sainte Famille », avril 1999 ; n°11, « Entrave à la justice : Les religieuses de Sovu en Belgique », février 2000 ; n°14, « L’abbé Hormisdas Nsengimana ; Accusé de participation au génocide, protégé par l’Église », novembre 2001 et Bulletin d’accusation n° 2, « L’abbé Athanase Seromba : Prêtre de paroisse à Florence, en Italie », novembre 1999.

[44] Il servait comme « père spirituel » à Bertoua, dans le Diocèse de Diang, avant son arrestation par le TIPR.

[45] Dans un procès historique où comparaissent avec elles, Vincent Ntezimana, qui enseignait à l’université de Butare et qui serait l’auteur des fameux « 10 commandements du Hutu » et Alphonse Higaniro, ancien ministre. L’avocat général avait demandé pour les quatre la réclusion à perpétuité. Le Soir (Bruxelles) du 9 juin 2001.

[46] Le Soir (Bruxelles) du 11 juin 2001 : « Le Vatican s’étonne du procès de Bruxelles », par Christian Laporte.

[47] African Rights, Témoin du génocide n°11 et Moins innocentes qu’il n’y paraît : Lorsque des femmes deviennent des assassins. Cf.

http://web.peacelink.it/afrights/bo...

.

[48] African Rights, Bulletin d’accusation nº2, op. cit.

[49] African Rights, Témoin du génocide n°14, et Bulletin d’accusation nº2, op. cit.

[50] Conférence de presse de Carla del Ponte du 12 juillet 2001.

[51] Il a été condamné à 15 ans de prison en décembre 2006. La presse n’a pas une seule fois parlé ni du procès, ni de cette sentence étonnamment clémente. Cf. le communiqué de presse du 14 déc. 2006 de African Watch, A Denial of Justice (Un déni de justice). [JM]

[52] L’honneur perdu de l’Église, op. cit.

[53] Golias-Magazine, op. cit., pp. 74 et 85.

[54] Témoignage de Clément Mutuyemungu, grand séminariste originaire de Kibuye, recueilli dans Rwanda : L’honneur perdu de l’Église, op. cit.

[55] Dialogue, n° 177, août septembre 1994, p. 55.

[56] Pascal Krop, Le génocide franco-africain, op.cit. Journal du Père Maindron remis à Pascal Krop par Jean-François Dupaquier qui en avait publié quelques extraits dans L’Événement du Jeudi du 7 juillet 1994.

[57] Nicolas Poincaré, Rwanda. Gabriel Maindron, un prêtre dans la tragédie, éd. de l’atelier, 1995.

[58] Selon des témoignages rwandais, y compris féminin, de la région de Kibuye.

[59] « Le nœud du génocide rwandais », Esprit, juillet 1999.

[60] Rwanda, L’Église catholique à l’épreuve du génocide, sous la direction de Faustin Rutembesa, Jean-Pierre Karegeye et Paul Rutayisire, éd. Africana, Canada, 2000.

[61] Lors de son interview du 25 avril 1994 par la RTBF, reprise dans le film de Luc de Heush, Une République devenue folle. Rwanda 1894-1994. Voir également La Nuit Rwandaise (version illustrée) page 63 du document photos.

[62] Harangues de la RTLM reprises en extraits sonores dans le film de Eyal Sivan et Alexis Cordesse, Itsembatsemba. Rwanda un génocide plus tard, Momento, État d’urgence, avril 1996.

[63] Idem.

[64] Rwanda, L’Église catholique à l’épreuve du génocide, op. cit., pp. 177-178.

[65] Ibidem, p. 171.

[66] Évêques du Rwanda, Hahirwa abatera amahoro, kuko bazitwa abana b’Imana, Kigali, Palloti-Presse, 1990, p. 6.

[67] Rapporté par Monique Mas, Paris-Kigali, 1990-1994, L’Harmattan, 1999, p. 517.

[68] Déclaration définitive de Mgr Misago sur les apparitions de Kibého, rendue publique le 29 juin 2001. L’Église catholique reconnaît officiellement que la Sainte Vierge est apparue à trois filles de l’endroit : Alphonsine Mumureke, Nathalie Mukamazimpaka, et Marie-Claire Mukangango. Agence internationale Fides n°4170 du 6 juillet 2001.

[69] Gabriel Maindron, Des Apparitions à Kibeho, éd. Oeil (F.-X. Guibert), 1988, p. 26.

[70] Rwanda, l’honneur perdu de l’Église, op. cit., p. 104.

[71] Nicolas Poincaré, Rwanda. Gabriel Maindron, un prêtre dans la tragédie, op. cit.

[72] Ibidem.

[73] Golias-Magazine, op. cit., p. 74.

[74] Ibidem. L’enquête de Christian Terras est un document essentiel (pp. 71 à 87).

[75] Aucun témoin ne doit survivre, op. cit.

[76] Golias de mars-avril 1999 et Libération du 2 avril 1999.

[77] African Rights, Témoin du génocide n°1 et n°9, op. cit.

[78] African Rights, Bulletin d’accusation n°2, op. cit.

[79] Dossier Fides, sous le couvert d’Amnesty International. Agence Internationale Fides, n°4116 du 23 juin 2000.

[80] Interview à Radio France Internationale (RFI), le 21 avril 2001.

[81] Le Soir du 15 mai 2001.

[82] Cette lettre, adressée au Président de la Cour d’Assises à Bruxelles, a été lue par le Président en début de séance le 1er juin 2001. Elle a été intégralement publiée dans La Libre Belgique du même jour.

[83] Déclaration faite sur les ondes de Radio France Internationale, le 28 avril 1998 (Jean-Damascène Bizimana, op. cit., p. 63).

[84] Jean-Damascène Bizimana, ibidem, p. 66.

[85] Cf., entre autres, le Rapport de la Commission Indépendante d’Enquête sur les actions de l’Organisation des Nations Unies lors du Génocide de 1994 au Rwanda, 15 décembre 1999 ; le Sénat de Belgique, Session de 1997-1998, Commission d’enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda, Rapport ; le Groupe International d’Éminentes Personnalités pour mener une enquête sur le génocide de 1994 au Rwanda et sur les événements qui s’y rattachent, Organisation de l’unité africaine, juillet 2000.

[86] African Rights, Lettre ouverte à Sa Sainteté le pape Jean-Paul II, à l’occasion de la 10ème commémoration du génocide du Rwanda, 2 avril 2004.

[87] Bulletin d’information africaine ANB / BIA des Pères blancs n° 257 du 1er mai 1994.

[88] Voir l’ouvrage de référence sur ce sujet, sous la direction de Jean-Pierre Chrétien : Rwanda. Les médias du génocide, op.cit.

[89] Et a d’ailleurs souvent confondues. Cf. l’étude de Guy Bechtel, Les quatre femmes de Dieu. La putain, la sorcière, la sainte et Bécassine, Plon, 2000.

[90] Il se trouve que la « Miss France » 2000, Sonia Roland, est Tutsi par sa mère et Bourguignonne par son père. Ne doutons pas que cela sera utilisé pour étayer les préjugés racistes sur la dangereuse « beauté des filles tutsi » et alimenter encore leurs fantasmes.

[91] Jean-Damascène Bizimana, op. cit., pp. 76-77.

[92] Ibidem, pp. 93-95.

[93] Jean-Pierre Chrétien, dans Coopération Internationale pour la Démocratie, n°7, 1996.

[94] Le Figaro du 21 janvier 1980.

[95] Voir mon précédent ouvrage : En danger de croire, L’Harmattan, 1998.

[96] Cité par Henri Fabre, L’Église catholique face au fascisme et au nazisme. Les outrages à la vérité. EPO/Espaces de Liberté, 1995. Un travail d’historien méticuleux et exhaustif. À lire absolument.

[97] Ibidem. Voir aussi, Yves Ternon, L’État criminel, Seuil, 1995, p. 174.

[98] Henri Fabre, op. cit.

[99] Jean Mathieu-Rosay, cité dans Henri Fabre, op. cit.

[100] Hermann Rauschning, Hitler m’a dit, éd. France, 1939. Dans Mein Kampf, Hitler a aussi exprimé directement son admiration pour l’Église catholique, « l’incroyable vigueur dont est douée cette institution si ancienne, l’étonnante jeunesse de ce gigantesque organisme, sa souplesse intellectuelle et sa volonté d’acier. »

Illustration : En 1946, le roi Rudahigwa consacre son pays au Christ Roi. L’église catholique obtiendra une avalanche de conversions des masses paysannes hutu et tutsi : Le Rwanda va devenir le pays le plus catholique d’Afrique. (l’une des nombreuses illustrations du livre La nuit rwandaise)
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