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 COUR D'APPEL DE BAMAKO
 
 REPUBLIQUE DU MALI
 Un Peuple — Un But — Une Foi
 
 TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE
 DE LA COMMUNE III DE BAMAKO
 CABINET DE M. Seydou KANOUTE
 JUGE D'INSTRUCTION
 
 PROCES-VERBAL DE DEPOSITION DE TEMOIN
 N°:01
 
 SUR COMMISSION ROGATOIRE INTERNATIONALE
 
 Le vingt et un octobre Deux Mille trois;
 A 10 heures 51 minutes ;
 Devant Nous, Seydou KANOUTE, Juge d'instruction du
 6ème cabinet du Tribunal de Première Instance de la commune III du
 district de Bamako ;
 Assisté de Maître Diawara Maïmouna CAMARA, greffier;
 En présence de Monsieur Jean François Ricard, Premier
 juge d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Paris, Pierre
 Payebien, chargé de mission à la Direction Centrale de la Police
 Judiciaire Française ;
 Agissant en exécution de la Commission Rogatoire
 Internationale ( Parquet: n° 972952303/0 ; Cabinet: 1341 ) de
 Messieurs le Premier Vice-Président chargé de l'instruction au
 Tribunal de Grande Instance de Paris et le Premier Juge
 d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Paris, en date du 22
 septembre 2003,
 A comparu le témoin ci-après nommé;
 Après lui avoir fait prêter serment de dire toute la vérité, rien
 que la vérité, nous l'avons requis de déclarer ses nom, prénoms,
 âge, profession, demeure et s'il est domestique, parent ou allié des
 parties et à quel degré ;
 Le témoin a répondu :
 Je ne suis ni domestique, ni parent, ni allié des parties ;
 Je me nomme : Jean KAMBANDA,
 Agé de : 48 ans Profession : Ingénieur commercial.
 Demeurant à : Maison Centrale d'Arrêt de Bamako ;
 Nous avons reçu ainsi qu'il suit sa déposition:
 
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 S.I.R . : Je suis ingénieur commercial diplômé de l'Ecole des
 Hautes Etudes Commerciales de LIEGE en Belgique en 1984.
 Quand j'étais étudiant à LIEGE, j'étais membre d'une Association
 Générale des Etudiants Rwandais (AGER). Vers la fin de mon
 cycle, j'en suis devenu le vice président, début de ma carrière
 politique. Lorsque je suis rentré au Rwanda en 1984, j'ai continué à
 fréquenter les anciens camarades de cette association dans la
 clandestinité. Le 1" septembre 1990, trente trois (33) intellectuels
 Rwandais dont moi-même, avions adressé une lettre au Président de
 la Commission Nationale de Synthèse chargé de recueillir les avis
 sur le multipartisme et la démocratie en Rwanda.
 A partir de Novembre 1990, nous avons créé à partir de ce groupe
 de trente trois (33) intellectuels, une association appelée « Liberté »
 dont j'étais le trésorier c'est-à-dire la troisième personnalité. Cette
 association publiait un journal d'opinion politique « le démocrate »,
 qui est né en novembre 1990.
 Le 21 mars 1991, j'ai été chargé par le groupe d'amis c'est-à-dire
 l'association « Liberté », de rédiger une lettre intitulée « pour la
 relance et la rénovation du parti MDR-PARMEHUTU ». Il s'agit
 d'un ancien parti qui a dirigé le Pays jusqu'au coup d'Etat de 1973
 du Général HABYARIMANA. Etait annexée à cette
 correspondance une lettre pour les gens qui voulaient adhérer au
 futur parti.
 Au mois de mai 1991, il y eut un premier congrès provisoire pour la
 relance et la rénovation de ce parti. Ce congrès désigna un comité
 directeur de six (6) membres dont je faisais partie et dont les
 membres assuraient la direction du parti pendant un mois à tour de
 rôle. C'est à ce titre que je suis l'un des représentants légaux du
 parti au jour d'aujourd'hui.
 S.I.R . : Après l'attentat, j'ai mis en place en tant que Premier
 Ministre, une commission d'enquête, composée d'un représentant
 de la Présidence de la République, un représentant de la Primature,
 un représentant du Ministère des Affaires Etrangères, un
 représentant du Ministère des Transports et de la Communication,
 un représentant du Ministère de la Justice et un représentant du
 Ministère de la Défense.
 S.I.R. : Dès le 11 avril 1994, je me suis adressé au général
 Dallaire, chef de la Force de la MINUAR, pour former une
 commission d'enquête internationale. C'est sur ma demande que je
 l'ai reçu ce jour là. En fait il a été délégué par Roger Booh Booh le
 représentant spécial du Secrétaire Général de l'ONU. Par la suite à
 chaque rencontre avec le général Dallaire je lui faisais un rappel
 pour la constitution de cette commission.
 Par courrier du 2 mai 1994, il a enfin accepté que la MINUAR fasse
 une enquête sur l'attentat. Le 11 avril 1994, lorsque j'ai reçu le
 général Dallaire, était présent le Ministre des Affaires Etrangères,
 Jérôme BIKAMUPAKA. Je ne l'ai jamais reçu seul et mon
 secrétaire, mon directeur de cabinet ou un membre du
 gouvernement ont toujours été présents. J'avais une copie de la
 
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 lettre du 2 mai 1994 du général Dallaire, mais actuellement je ne
 l'ai plus.
 MENTION : Présentons au témoin une lettre du général Dallaire
 datée du 2 mai 1994 et côtée au dossier français sous le numéro D
 6591 et nous lui demandons s'il s'agit bien de la lettre qu'il a reçue.
 S.I.R : Il s'agit bien de la lettre que j'ai reçue et qui faisait suite à
 mes demandes verbales. Je précise d'ailleurs, que ces demandes
 verbales sont dues au fait que le 11 avril 1994, le général Dallaire
 nous a injurié le Ministre des Affaires Etrangères et moi, parce que
 ce dernier lui avait remis une note verbale datée du même jour sur
 les griefs du Gouvernement Rwandais envers la MINUAR.
 MENTION : Nous soumettons au témoin une note verbale en
 date du 11 avril 1994, côtée au dossier français sous le numéro D
 6596 (2 pages) et nous lui demandons s'il reconnaît ce document.
 S.I.R : Il s'agit bien de la note verbale que le Ministre des Affaires
 Etrangères a remis au général Dallaire dont je viens de faire cas.
 S.I.R. La mention manuscrite « il a pu se rendre sur les lieux »
 figurant en marge de la lettre du 2 mai 1994 (D 6591) n'émane pas
 de moi et j'ignore qui l'a faite. Cependant, entre le 2 et le 7 mai
 1994, j'ai appris que le général Dallaire ou ses services s'était rendu
 sur les lieux du crash de l'avion présidentiel.
 S.I.R. : C'est par mes propres services que j'ai appris que le
 général Dallaire s'était rendu sur les lieux du crash. En revanche je
 n'ai reçu aucune information montrant que je général Dallaire a pu
 découvrir quelque chose sur les lieux du crash.
 S.I.R Je confirme que dans ma lettre du 7 mai 1994, j'ai
 effectivement proposé que la commission d'enquête internationale
 soit composée des pays suivants : La France, le Rwanda, le
 Burundi, la Tanzanie ainsi que les Nations unies et L'OACI.
 MENTION: Nous présentons au témoin une lettre du 7 mai 1994
 côtée au dossier français sous le numéro D 6592 (2 pages), et
 recueillons comme suit ses observations :
 S.I.R. : Je reconnais cette lettre car il s'agit de celle que j'ai
 envoyée au général Dallaire.
 S.I.R. : A la fin de la lettre du 7 mai 1994, j'exprime effectivement
 ma satisfaction d'apprendre que la MINUAR a accédé aux lieux de
 l'accident.
 S.I.R. Entre le 7 mai 1994 et le 31 mai de la même année, nous
 avons gardé de bonnes relations avec le général Dallaire, pour
 preuve nous avons organisé une opération conjointe de transfert des
 déplacés de guerre et lors de chacun de ces contacts, la question de
 l'attentat était abordée.
 S.I.R. Le Gouvernement rwandais a toujours souhaité que la
 commission d'enquête internationale soit mise en place. J'ignore
 pour quelle raison cela n'a jamais été fait.
 S.I.R : Pendant que j'étais Premier Ministre, il n'y a pas eu
 d'autres initiatives pour mettre en place la commission, en dehors
 de la lettre du 2 mai 1994 précitée du général Dallaire. J'ai ap ris
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 que la France avait proposé ses services pour effectuer cette
 enquête, mais je l'ai su par mes services et la presse.
 S.I.R. : Je n'ai pas reçu d'informations sur l'existence ou non de
 quelconques boîtes noires équipant l'avion présidentiel. Mes
 services ont seulement reçu l'information selon laquelle la
 MINUAR aurait été empêchée d'accéder aux lieux du crash, de
 peur qu'elle ne s'empare des boîtes noires de l'appareil.
 QUESTION : Lors de sa déposition recueillie le 12 septembre
 2000, Madame Agathe HABYARIMANA a fait état, que lors d'une
 discussion avec elle au Kenya en 1995, vous auriez eu connaissance
 d'informations selon lesquelles un Rwandais et sa soeur auraient
 aperçu des auteurs au soir de l'attentat. S'agit-il du témoignage que
 vous avez fait figurer aux pages 96 et 97 de votre mémorandum
 transmis le 10 octobre 2003 au cabinet de Monsieur J. L.
 BRUGUIERE et pouvez vous identifier le survivant ?
 REPONSE : Il s'agit bien du témoignage qui figure aux pages 96
 et 97 de mon mémorandum. C'est un témoignage que j'ai recueilli
 au cours de mes investigations personnelles. Je ne peux pas
 identifier l'individu en question et je ne sais plus où il se trouve.
 C'est un témoignage qui a été fait par écrit et que je n'ai pas pu
 recouper avec d'autres témoignages.
 S.I.R. : Je n'ai pas été en contact direct avec la société ISTO.
 L'intermédiaire était Damien Bambanza MUHAMYANKAKA. Il
 s'agit d'un homme que je connaissais auparavant et qui m'a
 approché à Goma (ex Zaïre) en novembre 1994 pour me dire que
 les Américains voulaient me voir. Deux semaines après, il m'a
 envoyé quelqu'un avec des documents. Il s'agit de Callixthe
 MBARUSHIMANA. Ce dernier voulait que je le suive en Nairobi
 au Kenya, mais je ne suis pas parti avec lui. Je suis resté pour
 analyser les documents précités et demander conseils auprès de mes
 amis.
 S'agissant des documents, c'étaient deux dossiers que Callixthe
 MBARUSHIMANA m'a seulement montrés et dont l'un parlait des
 gens qui avaient assassiné le Président HABYARIMANA et l'autre
 de la vision des Américains par rapport aux problèmes Rwandais. Il
 s'agissait de dossiers sensibles, c'est ainsi que j'ai fait le
 déplacement en Nairobi avec le Ministre des Affaires Etrangères et
 le chef d'Etat Major Adjoint, général Gratien KABILIGI pour
 rencontrer Damien BAMBANZA et éventuellement préparer la
 mission aux Etats Unis. En ce qui concerne ISTO, je précise que
 cette société n'existait pas au Rwanda. Je ne connais donc pas ses
 activités.
 QUESTION : Présentons au témoin, un document intitulé
 « résultats de l'enquête sur l'assassinat des Présidents Cyprien
 N'TARYAMIRA du Burundi et Juvénal HABYARIMANA du
 Rwanda, le 6 avril 1994 » côté au dossier français sous le numéro D
 6595 (9 pages) et lui demandons s'il s'agit de l'un des deux
 documents que lui a montrés Calixte MBARUSHIMANANA ?
 REPONSE : Il s'agit bien de l'un des deux documents.
 
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 S.I.R : Je ne me rappelle plus si les deux documents étaient en
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 français ou en anglais.
 S.I.R. A Nairobi nous avons travaillé sur les deux documents
 dont celui relatif aux résultats de l'enquête sur l'assassinat des deux
 Présidents. Le 23 décembre 1994, nous avons envoyé nos
 passeports avec les demandes de visa pour les Etats-Unis à
 l'Ambassade américaine. Il fallait un minimum de trois semaines
 pour obtenir les visas. Damien BAMBANZA a décidé d'en parler à
 ses interlocuteurs, qui lui ont conseillé d'aller à l'Ambassade du
 Mexique pour obtenir les visas d'entrée au Mexique. Là aussi il
 fallait un délai d'une semaine. C'est ainsi que nous avons embarqué
 pour la Jamaïque sans visa via l'Angletaire La délégation était
 composée de cinq personnes, dont trois venant de l'ex Zaïre:
 Jérôme BICAMUMPAKA, le général de brigade Gratien
 KABILIGI, le docteur Damien BAMBANZA
 MUHAMYANKAKA, Samuel SINAYIGAYE,etmoi-même.
 S.I.R. A notre arrivé en Jamaïque, on nous a refoulé à Londres,
 d'où nous avons été de nouveau expulsés sur Nairobi.
 S.I.R Je ne me souviens plus si le rapport de ISTO était de neuf
 pages ou était plus volumineux. Je ne souviens plus si le document
 comportait une page de garde. La source du document n'était pas
 précisée non plus et il était rédigé sous forme de tract.
 S.I.R. : Le document de l'ISTO ne précisait pas sa source et j'en ai
 parlé à l'Ambassadeur du Rwanda au Canada Maximin
 SEGASEYO.
 S.I.R J'ai été pendant cinq ans, l'adjoint de l'Ambassadeur
 SEGASEYO dans une entreprise semi publique rwandaise (la
 Caisse Hypothécaire du Rwanda c'est-à-dire, chef du service crédit
 et du service financier. Quand je lui ai demandé de faire des
 recherches pour savoir si ISTO existait, il m'a déclaré que cette
 société existait bien et avait des contacts avec la CIA d'après les
 renseignements qu'il avait eu auprès de l'Ambassade de Russie au
 Canada. Il ne m'a toute fois pas précisé de quelle source ISTO avait
 tiré ses informations.
 S.I.R. Les relations entre ISTO et le groupe de Nairobi se
 faisaient par fax installé à Nairobi par Damien MBAMBANZA
 MUHAMYANKAKA dans un local et les fax arrivaient à des
 horaires convenues.
 S.I.R. Il est possible que d'autres personnes aient été rendues
 destinataires du document de l'ISTO. Pour ma part, j'ai tout mis en
 oeuvre pour que cela ne se produise pas, et j'ai même fait déposer
 tous les documents de travail utilisés par notre groupe dans une
 banque à Kinshasa.
 S.I.R. A ma connaissance le colonel LESECQ attaché militaire à
 l'Ambassade française à Kinshasa, n'était pas en possession du
 document de l'ISTO. Il m'a toutefois questionné sur les relations de
 mon groupe avec les Américains, relations que j'ai niées.
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 QUESTION : Quel est votre point de vue sur le contenu du
 document sur les « résultats de l'enquête sur l'assassinat des deux
 Présidents » ?
 REPONSE : Mon point de vue n'a jamais changé par rapport au
 contenu de ce document. Chaque piste est à examiner et c'est après
 vérification qu'on doit l'abandonner. Quand j'ai vu le document, je
 me suis dit qu'il s'agissait d'une piste qui méritait d'être
 approfondie, je garde toujours le même point de vue.
 Plus n' a été entendu, lecture faite, persiste, signe avec nous et
 notre greffier.