Fiche du document numéro 25599

Num
25599
Date
Mardi 3 décembre 2019
Amj
Auteur
Fichier
Taille
112442
Urlorg
Titre
Rouen et la Seine-Maritime, discrètes bases arrière des extrémistes rwandais ces vingt dernières années
Soustitre
À Rouen, anciens génocidaires rwandais et membres d’un groupe armé exercent leur influence sur la diaspora en toute impunité depuis 20 ans. Dans les années 2000, ils phagocytaient le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. Ces sinistres individus s’impliquent aujourd’hui activement dans le soutien à l’opposante rwandaise Victoire Ingabire.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Rouen et la Seine-Maritime, discrètes
bases arrière des extrémistes rwandais
ces vingt dernières années
À Rouen, anciens génocidaires rwandais et membres
d’un groupe armé exercent leur influence sur la
diaspora en toute impunité depuis 20 ans. Dans les
années 2000, ils phagocytaient le dispositif d’accueil
des demandeurs d’asile. Ces sinistres individus
s’impliquent aujourd’hui activement dans le soutien à
l’opposante rwandaise Victoire Ingabire.
Entre avril et juillet 1994, les extrémistes Hutus massacrent près d’un million de personnes
au cours du génocide des Tutsis du Rwanda. Le drame rwandais puis les guerres
successives qui ravagent le Congo voisin poussent des millions de personnes sur les
routes. Un certain nombre de génocidaires rwandais prennent le chemin de la France. À
l’aube des années 2000, la Seine-Maritime voit s’installer une importante communauté
rwandaise constituée majoritairement de Hutus au passé trouble. Rouen acquiert
rapidement une réputation de bastion des extrémistes.
« Quand vous rencontriez des Rwandais de n’importe quel coin de la France, de Belgique,
d’Allemagne ou d’Angleterre, ils avaient surnommé Rouen : la capitale européenne des
génocidaires », se rappelle Jérôme*, un proche de la diaspora rwandaise dont la bellefamille fut décimée au printemps 1994. Trois plaintes visent actuellement des Rwandais
vivant en Seine-Maritime pour leur participation au génocide dans la préfecture de Kibuye,
dans l’ouest du Rwanda. Deux d’entre eux sont mis en examen.
Si elles témoignent de la présence de génocidaires à Rouen, ces procédures judiciaires
qui s’éternisent sont loin de refléter l’ampleur de celle-ci. Le Poulpe a enquêté sur une
organisation sophistiquée dont les ramifications s’étendent de la Seine-Maritime aux
maquis du Congo.

Rouen, capitale européenne des génocidaires
Les premiers à poser leurs valises en Normandie sont des intellectuels Hutus proches du
défunt régime et hostiles au nouveau pouvoir de Kigali. Ils créent leur propre structure
régionale, basée à Rouen. Les statuts de l’Association des Rwandais de Normandie
(ARN) sont rédigés le 24 mai 2003 et déposés en préfecture le 25 juin de la même année.
À sa tête, des Rwandais originaires de la région de Kigali et du nord du Rwanda.

L’agglomération voit alors s’installer de hautes personnalités de l’ancien régime clientéliste
et autoritaire rwandais. Entre 2001 et 2004, Marie-Merci Habyarimana, fille cadette de
Juvénal Habyarimana – le dictateur rwandais dont l’assassinat en 1994 sonnera le point
de départ du génocide – suivra ses études d’ingénieur à Rouen. Quelques années plus
tard, Joséphine Mukazitoni, l’épouse de Félicien Kabuga, grand argentier du génocide de
1994, y résidera également.
Rouen devient un lieu de villégiature pour la parentèle des accusés du Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR). La femme de l’ancien ministre du Plan, condamné à
perpétuité pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, vit dans
l’agglomération. C’est aussi le cas de la famille de l’ancien ministre des Transports et des
Communications du régime génocidaire.
La ville constitue également un refuge pour certains des architectes du génocide. À
l’image d’Issa Nyabyenda qui fut le rédacteur en chef de l’édition internationale du
magazine Kangura, l’un des principaux médias génocidaires. Le journal a pour ambition
d’étendre et d’attiser la haine anti-Tutsi à toute la région des Grands Lacs. Son ancien
patron vit toujours en France sous un nom d’emprunt.
À partir de 1997, cette élite va rapidement être rejointe par d’autres Hutus extrémistes
originaires des préfectures de Kibuye et Gitarama, dans l’ouest du Rwanda. « Il s’agissait
d’anciens fonctionnaires ou d’anciens militaires, plus proches du terrain, qui avaient passé
plusieurs années dans les camps du Congo. Ceux-là étaient des militants actifs », se
remémore Jérôme.
C’est précisément à cette époque qu’un ingénieur-chimiste originaire de Gitarama,
organise une filière d’immigration clandestine en région parisienne comme l’a révélé
Mediapart. « Assez rapidement, il les a envoyés à Rouen et c’est comme ça que s’est
créée cette communauté spéciale », explique Gérard Sadik, vétéran de la CIMADE, une
association de soutien aux migrants.
Le passeur a de bonnes raisons d’orienter ses amis rwandais vers Rouen. Le dispositif
d’accueil des demandeurs d’asile s’avère être une véritable passoire que les génocidaires
ont réussi à infiltrer de bout en bout.
À Rouen, Audace Munyakayanza, l’épouse d’un officier des anciennes forces armées
rwandaises, attend les réfugiés. Elle est parvenue à se faire embaucher par France Terre
d’Asile (FTDA), une association spécialisée dans l’accompagnement des demandeurs
d’asile. Une information confirmée par plusieurs Rwandais que Le Poulpe a interrogés.
En 2002, FTDA décroche la gestion des 142 places du Centre d’accueil de demandeurs
d’asile (CADA) qui ouvre à Rouen. Contactée par Le Poulpe, l’association n’a pas
souhaité communiquer au sujet de son ancienne employée.
Un grand nombre de Rwandais fraîchement installés à Rouen va rapidement afficher sa
sympathie pour les groupes paramilitaires issus des anciennes forces armées rwandaises
(FAR). Dans la ville aux cent clochers, les représentants de l’un de ces groupes vont agir
au grand jour durant de nombreuses années.

Un groupe armé de la région du Kivu s’implante à
Rouen
Immédiatement après le génocide, plusieurs dizaines de milliers d’anciens militaires et
miliciens rwandais se réorganisent dans les camps de réfugiés du Zaïre (actuelle
République démocratique du Congo) et essaiment ensuite dans les pays voisins. Ils
fusionnent finalement en 2000 sous le nom de Forces démocratiques de libération du
Rwanda (FDLR) et resteront principalement actifs dans la région du Kivu, frontalière du
Rwanda.
La liste des exactions commises par les FDLR dans l’est du Congo est longue : pillages,
actes de violence graves dirigés contre les civils, esclavage sexuel, enlèvements,
déplacements forcés de populations et utilisation de centaines d’enfants-soldats. Ce sont
ces anciens génocidaires rwandais, aujourd’hui membres des FDLR, qui importent au
Congo l’utilisation du viol de masse comme arme de guerre.
Emmanuel Ruzindana, un vétérinaire de formation installé dans l’agglomération de Rouen,
est responsable des affaires politiques au sein de la commission exécutive des FDLR.
« Tout le monde sait que Ruzindana est un FDLR. Il le dit lui-même depuis des années »,
rigole Phileas*, un Hutu rwandais qui vit dans le département. D’après Phileas,
l’organisation bénéficie de la sympathie d’une partie de la communauté rwandaise locale.
« À Rouen ils ont toujours eu de la force. D’ailleurs, il y avait beaucoup de gens qui
cotisaient au FDLR », explique-t-il. Plusieurs sources au sein de la diaspora rwandaise
confirment ces propos.
Emmanuel Ruzindana serait ainsi un personnage-clé dans le fonctionnement de
l’organisation. C’est également ce que seront amenés à soupçonner les experts de l’ONU.
En décembre 2005, le conseil de sécurité décide de sanctionner les responsables des
groupes armés actifs au Congo en demandant aux États membres d’interdire leurs
déplacements et de geler leurs fonds. Les FDLR qui opèrent sur le sol européen se
retrouvent dans le viseur des Nations-Unies.
Dès le 22 mai 2006, via un télégramme confidentiel, l’ONU transmet aux états africains
une liste de cibles établie par le Royaume-Uni. Le nom d’Emmanuel Ruzindana figure en
troisième position. Le 23 août 2008, un télégramme confidentiel du secrétaire d’État
américain presse la France de fournir les informations au sujet d’Emmanuel Ruzindana.
Ce qu’elle ne fera pas. Emmanuel Ruzindana échappera aux sanctions.
Si Emmanuel Ruzindana agit au grand jour, le colonel Augustin Munyakayanza, membre
du haut commandement militaire de l’organisation, s’installe plus secrètement dans
l’agglomération. Il n’a jamais eu affaire à la Justice et mène une vie très discrète en SeineMaritime avec son épouse. Cette dernière n’est autre qu’Audace Munyakayanza. Elle a
quitté l’association FTDA pour un emploi au CHU de Rouen.
Comment le colonel Munyakayanza peut-il passer une paisible retraite en France ? La
réponse réside peut-être dans son engagement au cours des années qui ont suivi le
génocide. Après la débâcle du régime génocidaire, ce capitaine de gendarmerie reste

mobilisé au sein de l’ancienne armée rwandaise à Bukavu, dans le sud du Zaïre, avant de
se rendre au Congo-Brazzaville où il prend la tête d’une force armée et le surnom de
« colonel Roméo ». Les paramilitaires Rwandais stationnés au Congo-Brazzaville seront
impliqués dans la guerre civile au côté de Denis Sassou Nguesso, lui-même soutenu par
la France et financé par Elf.
Un autre officier des FDLR, plus trouble encore, trouve refuge en Seine-Maritime. Le
lieutenant-colonel Christophe Hakizabera, originaire de Gitarama, est l’un des fondateurs
et dirigeants de l’organisation. Son exil l’a conduit à Rouen où il est d’abord hébergé par
FTDA en 2009. Aujourd’hui, il vit dans un foyer de l’association Émergences. Le nom de
Christophe Hakizabera figure sur la liste initiale des cibles envisagées pour les sanctions
des Nations-Unies. Mais il disparaît dans les échanges diplomatiques suivants.
Dans les années 2000, Christophe Hakizabera est l’un des principaux témoins dans
l’enquête du juge d’instruction français Jean-Louis Bruguière. Entre 1998 et 2006, le
magistrat français mène des investigations à charge contre le nouveau pouvoir de Kigali
au sujet de l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana.
Christophe Hakizabera fournira des témoins au juge Bruguière et l’aidera à échafauder un
scénario incriminant les rebelles Tutsis ainsi que des proches de Paul Kagamé, actuel
président du Rwanda. Ces échanges ont lieu en 2003 sur fond de tractations autour de
l’engagement militaire français dans le cadre de l’opération Artémis dans l’Est du
Congo. La présence des FDLR et de leurs amis n’est pas sans conséquence sur la vie de
la diaspora. Les réfugiés vont retrouver, à Rouen, les méthodes qui avaient cours sur les
collines du Rwanda.

Les extrémistes mettent la diaspora en coupe réglée
Emmanuel Ruzindana est à la tête d’un groupe de Hutus originaires de l’ouest du
Rwanda. Ces derniers vont littéralement prendre le contrôle de la diaspora locale. « Ils ont
quadrillé la communauté rwandaise comme la société était quadrillée par le régime
unipartiste au Rwanda », constate Jérôme qui les a vu s’imposer. Ruzindana et ses
acolytes instaurent une hiérarchie pyramidale dont ils occupent le sommet.
Au milieu des années 2000, les FDLR changent de stratégie dans l’hexagone. La
réputation sulfureuse du mouvement armé pousse ses représentants à dissimuler leur
allégeance. Plus question d’agir au grand jour. « Ils ont abandonné tout ça pour s’investir
dans des associations. Ça leur a servi à camoufler cette image », observe Phileas.
La frange la plus dure des extrémistes Hutus, originaires de Kibuye et Gitarama, s’empare
de l’association des Rwandais de Normandie. En 2006, l’ARN est rebaptisé Association
pour la promotion culturelle rwandaise (APCR) et change de président. Emmanuel
Mushimiyimana, un ancien militaire rwandais, prend les commandes. « On s’occupait de
nos compatriotes qui arrivaient. On les orientait aussi vers des associations comme
France-Terre-d’Asile », explique-t-il.
Un ancien avocat de Gitarama, Joseph Mushyandy va devenir le principal porte-voix de
l’APCR. Il en prendra par la suite la vice-présidence en 2011. « Mushyandi est quelqu’un

d’important », appuie Phileas. « C’est lui qui les défend publiquement ». L’homme en
question traîne un lourd passé.
Membre du MRND avant le génocide, Joseph Mushyandi dirige alors une association
fantoche qui mène des opérations de désinformation pour le compte du régime. En
novembre 1993, il est ainsi impliqué dans une tentative de manipulation destinée à
tromper le secrétaire général de l’ONU. Objectif, maquiller le massacre d’une trentaine de
Hutus modérés et de leurs familles. On retrouve sa trace quelques années plus tard
lorsqu’il intègre l’équipe de défense d’un responsable du génocide au TPIR.
Parallèlement à cet entrisme dans la vie associative, Emmanuel Ruzindana tisse sa toile
dans l’agglomération rouennaise. En 2006, il ouvre Protechs, une boutique de produits
africains et exotiques sur la rive gauche de la Seine. Trois ans plus tard, il lance Impara,
un restaurant situé à deux pâtés de maisons. Pour créer son établissement, Emmanuel
Ruzindana s’associe à Jean-Baptiste Kabanda, un chauffeur de bus, également membre
de l’APCR et qui en devient le président en 2013.
Jean-Baptiste Kabanda est intimement lié à un acteur majeur du génocide. Son grand
frère, lieutenant-colonel en 1994, est l’officier en poste à 5h00 du matin le premier jour du
génocide, lorsque la Première ministre modérée est assassinée par l’armée. Directeur des
services financiers du ministère de la Défense, il parcourt ensuite le monde pour
approvisionner les génocidaires en armes avant de trouver définitivement refuge en
France.
L’établissement du duo Ruzindana-Kabanda est rapidement devenu le quartier général
des extrémistes à Rouen. Mais sur le papier, les deux comparses n’ont plus de liens avec
cette entreprise. Un couple de Rwandais gère désormais le restaurant. Quant à l’épicerie
Protech, rebaptisée Le Tropical, elle est aujourd’hui gérée par un autre Rwandais.
Eugénie Ruzindana, l’épouse d’Emmanuel Ruzindana, se fait embaucher chez France
Terre d’Asile. Elle prend la suite d’Audace. « Elle profitait de cette position et elle était
assez active », affirme Jérôme. Les Rwandais que le Poulpe a interrogés sont unanimes.
Ils décrivent Eugénie comme aussi extrémiste que son mari.
Aujourd’hui, Eugénie intervient toujours comme travailleuse sociale au sein du Centre
provisoire d’hébergement (CPH) de Rouen géré par FTDA. Sollicitée par Le Poulpe,
l’association n’a pas souhaité faire de commentaire.
Depuis 2013, les époux Ruzindana s’investissent dans une nouvelle association baptisée
Collectif rwandais pour l’échange interculturel Igicumbi (C.R.E.I-I) dont Eugénie est la viceprésidente. Étrange coïncidence, le président de l’association, un assistant social du
département de Seine-Maritime, est aujourd’hui le nouveau patron de l’épicerie ouverte
par Emmanuel Ruzindana.

Victoire Ingabire, le cheval de Troie des extrémistes
depuis 2009
À la fin des années 2000, génocidaires et membres des FDLR vont trouver une nouvelle
cause à défendre en la personne de Victoire Ingabire, opposante au président rwandais.
Cette dernière veut se lancer à l’assaut des urnes rwandaises avec son nouveau parti, les
Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi).
Elle-même issue d’une famille de génocidaires réfugiés en Hollande, Victoire Ingabire a de
sérieux atouts pour plaire aux extrémistes. Elle adhère au Rassemblement républicain
pour la démocratie au Rwanda (RDR) en 1997 avant d’en prendre la tête en 2000. Fondé
par les extrémistes hutus en fuite au lendemain du génocide, le parti a compté dans ces
rangs certains des principaux responsables de l’hécatombe rwandaise comme le colonel
Bagosora.
Quand elle lance sa campagne électorale, Victoire Ingabire connaît déjà les extrémistes
de Rouen. En juin 2006, elle participe à une réunion avec les FDLR et leurs divers alliés à
Barcelone. Emmanuel Ruzindana et Christophe Hakizabera figurent parmi les vingt
personnes assises autour de la table. En juillet 2009, Victoire Ingabire choisit
naturellement Rouen pour donner un dernier meeting avant de s’envoler pour le Rwanda.
« Elle est venue dire au revoir aux Rwandais. J’étais là, on ne se cachait pas », se
rappelle Emmanuel Mushimiyimana alors président de l’APCR.
Ce sont les militants de l’APCR qui organisent l’événement et la liste des invités s’avère
pour le moins troublante. On y retrouve en effet de sinistres individus impliqués dans le
génocide des Tutsis en 1994 et la guérilla des FDLR. C’est l’une des rares apparitions
publiques d’Augustin Munyakayanza, le « colonel Roméo » des FDLR. Il partage la
vedette avec un membre encore méconnu de l’APCR, le Dr Charles Twagira. Aujourd’hui,
le médecin est mis en examen pour génocide et crime contre l’humanité. Accusé d’être à
la tête d’une milice dans la région de Kibuye, il aurait notamment organisé le massacre
des patients de l’hôpital dont il était le directeur. « Tout Rwandais pouvait venir »,
bredouille Emmanuel Mushimiyimana qui dit ne pas se souvenir des invités.
Un ex-ponte du régime génocidaire, originaire de Gitarama, figure également en tête
d’affiche. Ancien député et préfet de Kibuye, Pierre Kayondo était un membre notoire du
MRND. « Le MRND était un parti unique. Même ceux qui s’opposent maintenant à tout ça
étaient dedans à leur naissance », proteste vigoureusement l’intéressé quand nous
évoquons avec lui son engagement. Mais l’homme n’était pas un simple élu du MRND.
Dès novembre 1993, Pierre Kayondo est mentionné dans l’organigramme de la Radio
télévision libre des mille collines (RTLM), la station à partir de laquelle fut coordonné le
génocide. Il a par ailleurs investi 10 000 francs rwandais dans la création de la RTLM. Au
téléphone, Pierre Kayondo assure ne pas avoir de liens avec la radio génocidaire. Les
pièces à conviction du TPIR indiquent le contraire. Mais l’ancien édile de Kibuye y voit
l’œuvre d’individus « méchants » appartenant à des « lobbys » téléguidés par les autorités
de Kigali.

Devant les tribunaux gacaca (tribunaux populaires rwandais chargés de juger les
génocidaires) puis le TPIR, différents témoins désignent Pierre Kayondo comme ayant
animé des réunions incitant aux tueries, mais aussi livré et distribué des armes aux
miliciens d’une commune du sud du Rwanda pour qu’ils massacrent leurs voisins Tutsis. Il
témoignera anonymement pour la défense de deux accusés devant le TPIR. Pierre
Kayondo n’a jamais été inquiété et vit désormais au Havre.
Après le départ de Victoire Ingabire pour le Rwanda, les extrémistes de Rouen organisent
son soutien et s’investissent dans le parti. Joseph Mushyandi adhère au FDU en 2011 et
apparaît quelques années plus tard dans l’organigramme du parti comme responsable des
Affaires juridiques. Il rejoint ensuite l’association Victoire pour la paix (AVP) fondée en
2013 par Gaspard Harerimana, un autre ami de Ruzindana originaire de Kibuye et
membre de l’APCR. Ce dernier prend la tête du Comité politique local (CPL) des FDU à
Rouen.
À l’exception de Pierre Koyondo et Emmanuel Mushimiyimana, aucune des personnes
mises en cause dans cette enquête n’a souhaité nous répondre malgré de nombreuses
sollicitations. Le Poulpe n’est pas parvenu à contacter les époux Ruzindana et
Munyakayanza.
Victoire Ingabire est arrêtée au Rwanda en 2010 et condamnée à 15 ans de prison pour
« conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre » et « minimisation du
génocide de 1994 ». À six mille kilomètres de Kigali, les extrémistes de Rouen continuent
de nourrir l’espoir délirant d’un retour au Rwanda pour restaurer l’ancien ordre social.
Celui dont les élites organisèrent l’assassinat d’un million de personnes entre avril et juillet
1994.
*Pour préserver l’anonymat et la sécurité de nos sources, certains prénoms ont été
modifiés.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024