Fiche du document numéro 22178

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
22178
Date
Vendredi 26 septembre 1997
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1354527
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 15 [Distribution d'armes - Le préfet Renzaho]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
Face A de la cassette 15.

PD -Bon après-midi.

JK -Bon après-midi.

PD -On est toujours le 26 septembre, à 14 heures 16 minutes, on redébute où on avait laissé.
MD -Ona, c'était [inaudiblel.….

PD -Quand on a dîné, avant de, avant le dîner. Pardon. Nous avons fait des scellés. Pardon. Avant
que, après la fin du ruban, Marcel t’as scellé ton.

MD -La formule de renonciation aux droits a été signée par Monsieur Kambanda à 9h58 ce matin,

après la lecture. Vous reconnaissez bien là... ?

JK -Oui.

MD -Bien l’enveloppe.

PD -Moi de mon côté, vous vous rappelez avoir signé le ruban numéro 14 ?

JK -Oui.

PD -L’enveloppe contenant le ruban numéro 14. OK. On va poursuivre où on en était rendu. Je

vous avais posé une question en observation, qui était à la page soixante et quelques, qui vous avait
demandé de ne pas divulauer ces informations là, de ne pas rendre ça public, de ne pas prendre de
notes. Vous m’'aviez dit que c’était le ministre...

JK -De la défense.

PD -Qui était monsieur ?
JK -Bizimana Augustin.
PD -Monsieur Bizimana n’a pas, n’a sûrement pas pu vous ordonner une chose semblable sans

vous expliquer la raison, ou sans se justifier ?

JK -]] m'avait dit que il trouvait qu’il n’était pas bon que ces informations circulent.

PD -Est-ce que ces informations-là étaient la vérité ?

JK -Ces informations là étaient la vérité.

PD -Pourquoi ne devaient-elles pas circuler, pourquoi selon lui ne devaient-elles pas circuler ?
JK -J'ai pas... j'ai pas reçu d’explication, à part le fait qu’il m'a dit “moi je trouve que pour le bien

du gouvernement ces informations ne doivent pas circuler”. J’ai reçu d’autres explications.

PD -Vous comme membre du gouvernement vous avez interprété quoi de ça ?



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JK -J’ai interprété qu’il ne voulait pas que ça se sache.

PD -Pourquoi ? Il devait sûrement il y avoir une raison pour laquelle il ne voulait pas que cette
information-là soit diffusée publiquement.

JK -De toutes façon ce qui était en train de se faire n’était pas une bonne chose à, disons sur

laquelle on pouvait se vanter.

PD -OKk.

JK -Et pour moi c’est ça qu’il ne voulait pas que cette mauvaise chose qui était en cours ne se
sache.

PD -Parce qu’au moment où, où vous avez cette réunion-là, on s’entend pour dire que c’est le 11
avril ?

JK -C'’est le 11 avril, oui.

PD -A quelle heure avez vous tenu la réunion avec les préfets ?

JK -Je n’ai pas en mémoire les heures mais ça doit être dans l’avant-midi parce que dans l’après-
midi, j’ai eu d’autres entretiens.

PD -Vous avez eu d’autres entretiens. Est-ce que ça c'était des entretiens relatifs à cette
rencontre-là que vous aviez eu avec les préfets ?

JK -Non, non.

PD -Ou si c’est dans d’autres sujets ?
JK -C’est dans d’autres sujets mais toujours relatifs à la situation.
PD -C’est relatif à la situation. Alors le 11 dans l’avant-midi vous avez une réunion avec les

préfets que vous avez convoqué comment cette réunion-là ?
TK -C’est par radio.
PD -Parradio.

JK -[l y a eu un communiqué à la radio.

PD -La radio nationale ?

JK -Oui. En appelant les préfets à venir à Kigali pour une réunion avec le gouvernement.

PD -Suite à la décision qui s’est prise, je vais peut-être vous faire répéter là, mais suite à la

décision qui s’était prise au gouvernement par qui, suite à la recommandation de qui ? Il y a quelqu'un

au gouvernement qui a recommandé de. ?



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JK -Je n'ai pas en mémoire quelqu'un qui aurait recommandé, comme je l’ai dit cette réunion.
PD -Oui c’est ça. Est-ce que, à part les, les choses que vous nous avez citées, là-dedans, à l’effet
que tel préfet avait rapporté la situation, est-ce qu'il y a des préfets qui vous ont manifesté

ouvertement le désir de, de faire cesser ces massacres-là ?

JK -Je ne m'en souviens pas.
PD -Vous ne vous souvenez pas ?
TK -Je ne m'en souviens pas, le seul dont je m’en souvienne qu'il était fier de ce qu’il avait fait,

c’est celui de Gitarama, qui, qui disait avoir pu empêcher des gens de pénétrer dans sa préfecture.

PD -Donc empêché les massacres ?
JK -Oui.
PD -Ok.

MD -Çail a fait cette déclaration là à quel moment ?
TK -Le 11 avril.
MD -Leli avril.

PD -Puis il y a aucun autre préfet, que ce soit Renzaho ou que ce soit peu importe, qui vous ont
dit... ?
JK -Je n’ai pas, je n'ai pas noté ça. Bon.

MD -Donc Gitarama, suite à sa déclaration qu’il avait fait, qu’il avait dit ce qui se passait chez Jui,
a été remplacé, c’est ça ?

JK -C’est pas tout de suite.

MD -Combien de temps après ?

JK -Ça doit être vers la fin du mois d’avril. Ou début du mois de mai.

MD -Au moment où 1] était remplacé, est-ce que la situation était toujours calme à Gitarama ?
JK -Non.

MD -On avait débuté ?

JK -Oui.

MD -Pour quelle raison avait-il été remplacé, quelle raison on avait donnée dans son cas lui ?
JK -C’était toujours les mêmes raisons. C’est que on l’a présenté comme quelqu'un de, de pas

fiable et on a présenté un candidat à sa place.



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-Est-ce qu’on a dit qu’il était pas assez travaillant ?

-Peut-être qu’ils n’ont pas utilisé le même terme.

-Mais on a voulu dire ça ?

-Oui.

-On a, c’est qui ça, on a ?

-Lui, il a été remplacé par quelqu’un qui n’était même pas de son parti.
-Mais lui il était de quel parti ?

-Il était du MDR.

-MDR ?

-Oui.

-Gitarama. Alors c’est le MDR qui a proposé, qui a fait la proposition pour le remplacer ?

-Non. Non, parce que c’est pas lui, c’est pas le MDR qui, le préfet qui l’a remplacé ce n’était

pas un préfet du MDR.



MD -De quel parti ?

JK -Il était du MRND.

MD -MRND.

JK -Oui.

MD -Alors ça c’est le MRND qui à fait la suggestion de remplacer le préfet de Gitarama par un des
leurs ?

JK -Oui, oui.

MD -Il a été remplacé. Et comment s’appelait-il à Gitarama celui-là ?

JK -Il s’appelle Fidèle Rwizeye [phonétique]

MD -Fidèle ?

JK -Rwizeye.

MD -Rwizeye. Il a été remplacé par qui ?

TK -C’est un major.

MD -Un militaire ?

JK -Un militaire qui s’appelle Ukuriyezu.

MD -Vous pouvez répéter ?

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JK -Ukuriyezu.

MD -Pouvez-vous épeler ce nom-là, parce que c’est un peu difficile peut-être à écrire ?

JK -U-K-U-R-I-Y-E-Z-U. Ukuriyezu.

MD -Merci. Et quand ce monsieur, quand ce major a pris, a pris le poste est-ce qu’on a ressenti un
changement dans la préfecture ? Est-ce qu’on est devenu un peu plus actif ? Un peu plus vaillant à
l’ouvrage ?

TK -Ça je ne peux pas dire ils sont devenus plus vaillant ou on est pas devenu plus vaillant, je
peux tout simplement dire qu’il a été remplacé parce qu’il était considéré comme pas suffisamment
actif.

MD -Pas suffisamment actif.

PD -Le major qui l’a remplacé originaire de où ?

JK -Il était de Gitarama.

PD -Il provenait de quel organisme, il provenait de ? Il a été recruté dans quel organisme ?

JK -Lui, ce que je sais c’est que il était député avant, auparavant, député du MRND auparavant.

Au niveau du CND. Je n’ai pas disons d’informations précises s’il était du MRND comme membre
de ce parti, mais je sais qu’il avait été député du MRND.

MD -Donc forcément il avait été membre du MRND s’il avait été député pour eux. Il pouvait pas
être député du MRND sans être membre.

JK -Non c’est que quand c’était encore le parti unique, c'était difficile de dire il est du MRND,
il ne l’est pas, est-ce qu’il est resté, il ne l’est pas resté, c’est difficile.

MD -Mhais c'était, il était membre, c'était un membre actif des forces armées à ce moment-là ?
JK -Quand il devenait député, il ne pouvait pas être en même temps...

MD -Mais quand il est devenu préfet ?

JK -Il était lui responsable de la défense civile dans sa préfecture.
MD -Avant de devenir.
JK -Préfet.

MD -Préfet. Il était responsable de la défense civile.
JK -Oui.

MD -Alors on connaissait bien ses talents ?



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JK
PD
JK
PD

-Oui, on le connaissait.
-Comme, d’ailleurs, comme celui de Butare.
-Comme celui de Butare. Oui.

-Il était, il était recruté, c’est ça que je voulais dire, quand il était recruté dans quel organisme,

il était recruté au niveau de la défense civile.

JK
PD

-Oui.

-Est-ce qu’il y a d’autres, il y a d’autres préfets qui ont été remplacés, celui qui a été tué là à...

qui est décédé à son retour, celui de.

JK
PD
JK
PD
JK
PD

-]l y a celui de Kibungo, qui a été remplacé par ce qu'il était, il avait été tué.
-Il a été remplacé par qui lui ?

-je ne connais pas son nom.

-Est-ce que c’est aussi quelqu’un de la défense civile ?

-Non. Ce n’était pas un militaire.

-Non, ce n’était pas quelqu'un de la défense civile lui. A part ça est-ce qu’il y en a d’autres

qui ont été remplacés ?

TK

-Il y a celui de Ruhengeri, qui était mort à Kigali, qui a été remplacé, j’en aï parlé. Par

quelqu'un du MDR.

MD
JK
PD
JK

-Qui s’appelait ?
-Je n’ai pas son nom. Je crois son prénom c'était Basile mais je n’ai pas son nom.
-Qui était militaire lui aussi, qui était associé. non plus ?

-Non, non ce n’était pas un militaire. Et puis il y a celui de Gisenvyi, il était mort avant les, avril

94, on a dû nommer un autre qui appartenait au parti libéral dont j’ai déjà parlé aussi.

PD
MD
JK
PD
TK
PD

-Ok.

-Dans Ruhengeri on dit que ça a été confié à quelqu'un du MDR ?
-Oui.

PD -Moi j'aimerai vous entretenir sur les armes.

JK -Oui.

PD -La distribution d’armes là. Comment s’est effectuée cette distribution d’armes là, si on parle, vous avez reçu en juin 94, vous auriez reçu 10 000 armes. Le gouvernement aurait reçu 10 000 armes.



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D
CN
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C’est ça ?

JK -Oui.

PD -Vous avez divisé 5 500 de ces armes-là à l’armée.

TK -Oui.

PD -Aux forces armées à ce moment-là.

JK -D'après l’information que moi j’ai reçu.

PD -Ok. C'est au niveau du ministère ça que ça c’est fait plutôt ?

JK -C’est le, la distribution d’armes c’était pour le ministère de la défense.

PD -Pour le ministère de la défense. Qui était sous la responsabilité de Monsieur ?
JK -De Bizimana Augustin.

PD -Monsieur Augustin Bizimana. Alors Monsieur Augustin Bizimana était responsable de la distribution des armes. Il en a émis 5 500 à, aux forces armées puis il en a gardé, 2 500 restantes ont été remis sous la responsabilité de Monsieur Karamera.

JK
PD
JK
PD
JK
PD

JK -Karemera.

PD -Karemera ?

JK -Oui.

PD -Ok. Qui était le ministre...

JK -De l’intérieur.

PD -Ministre de l’intérieur. Quand vous dites ici que vous ignorez comment elles ont été
distribuées.

JK -Oui.

PD -Est-ce que vous ignorez de Ja façon dont les gens les ont remises, ou de la façon dont elles ont été attribuées ? 

JK -J’ignore la façon dont elles ont été attribuées.

PD -Vous savez pas à qui elles ont été attribuées ?

JK -Je ne sais pas à qui elles ont été attribuées.

PD -Vous pouvez pas savoir, disons c’était destiné à un organisme en particulier ?

JK -J’ai dit que c’était le ministre de l’intérieur les destinait à la défense civile, c’est écrit et je l’ai dit.

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PD -C'est ça, c’est allé à la défense civile, qui à ce moment-là était composée d’Interahamwe ?
JK -En partie, oui.
PD -Ouais, on s’entend. On l’a fait hier, ça cette partie là. Puis là, la distribution en tant que telle,

c’est quelque chose que vous n’avez eu aucun contrôle ?

JK -Aucun contrôle, aucun finaudible],

PD -Est-ce que le ministre lui aurait eu, a eu le contrôle vraiment ?

JK -Ça je ne peux pas dire, je n’ai jamais reçu de rapport sur ça.

PD -Il vous a jamais fait rapport sur la distribution de ces armes-là ?

TK -Non.

PD -Il a jamais, au conseil des ministres, vu que c’était une chose auquelle chaque ministre

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s’attardait pour réclamer en disant “j’ai besoin d'armes, j’ai besoin d’armes, j'ai besoin d’armes”, il

y a jamais personne qui a dit “qu'est ce que t’as fait avec les armes ?”

JK -Non.
PD -Ou “qu’avez vous fait, pardon, avec les armes ?”
JK -Probablement que avec la pression de la guerre on n’a pas eu le temps d’en discuter mais je

n’ai pas eu de rapport, on n’a pas discuté pour savoir combien d’armes ont été distribuées dans telle
ou telle, dans telle autre préfecture.
PD -Est-ce que quelques une des ces armes ont pu être gardées pour être distribuées là, de façon

plus locale, ou de façon plus individuelle ?

JK -Ça je ne peux pas affirmer, je n’ai pas vu ça.

PD -A ce moment-là, vous, si vous désiriez avoir une arme comme ministre vous aviez tous une arme ?

JK -A l’époque moi j’en avais. Je présume que d’autres aussi en avait. Il y en avait qui en avait, dont j'étais sûr que ils en avaient. Et puis, c’était au mois de juin, ils avaient eu tout le temps pour en avoir.

PD -Ok. Qu'ils s’étaient procurés auprès du même ministre, qui était responsable de ça ?

JK -Pas celui de l’intérieur mais celui de la défense.

PD -Celui de la défense oui, qui était responsable des armes. Là, vous marquez ici que 250 de ces armes étaient destinées à Butare, à la défense civile de Butare ?



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JK -Oui.

PD -Celles-là vous les avez suivies ?

JK -Oui.

PD -Pourquoi, spécifiquement celles-là vous les suivies puis les 2 250 autres, elles étaient pas importantes ?

JK -Parce que quand le, le colonel Gatsinzi les a eu, j'étais à Gisenyi, quand on lui a données. Et quand je me suis rendu à Butare j'ai voulu en savoir plus, si ces armes-là étaient arrivées à Butare.

PD -Vous vous êtes informé si Gatsinzi, monsieur le général de brigade Gatsinzi, avait
effectivement amené les armes et distribué les armes ?

JK -Oui.

PD -Seulement ces 250 là ?

JK -Oui.

PD -Puis les 2 250 autres vous avez jamais eu l’occasion de vous en informer ?

JK -Non.

PD -Pourquoi ces 250 là étaient plus importantes que les 2 250 autres ?

JK -Ce n’est pas qu’elles étaient plus importantes, c’est parce que c’est l’occasion m’a été donnée de voir physiquement que ces armes lui étaient données. Et comme je suis allé à Butare, dans le cadre, donc pour la, l’opération donc de, où j’ai été visiter les unités de la défense civile, j’ai posé la question.

PD -Ok. Est-ce que vous avez assisté à la distribution vous dites ? Pouvez nous décrire la scène de la distribution à Monsieur Gatsinzi de ces armes-là, comment ça c’est passé exactement ? Qui a remis les armes ? Puisque vous dites que vous aviez, vous y aviez assisté.

JK -Alors que je dis qu’il ne les a pas distribuées.

PD -Non. Vous dites que, vous dites que vous étiez à Gisenyi lorsqu'il s’est fait attribuer ces armes-là.

JK -Oui, mais ça ce n’était pas la distribution, c'était.

PD -L’attribution.

JK -L’attribution.

PD -Oui, comment s'est-il fait attribué ces armes ?



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JK -C'est le colonel, j'oublie son nom, mais qui était responsable de la région de Gisenyi, qui lui a donné 250 armes. Pour la défense civile de Butare. Et lui les a pris dans son hélicoptère.

PD -Vous vous étiez là ?

JK -Oui, j'étais là.

PD -Vous avez assisté à ça ?

JK -J’ai vu les caisses où étaient ces armes-là.

PD -A quelle occasion étiez-vous là, est-ce que c'était une occasion spéciale que vous vous
trouviez à Gisenyi ?

JK -Non, je me rendais très souvent à Gisenyi. Et au camp militaire aussi.

PD -Puis ça ça c’est attribué à l’intérieur du camp militaire ?

JK -Oui.

PD -Vous étiez avec qui à ce moment-là vous ?

JK -J’étais avec Pauline Nyaramasuhuko, celle-là je m’en souviens.

PD -Etiez-vous rendu là en hélicoptère, en auto, en camion... ?

JK -C’était en auto.

PD -En auto ?

JK -Oui.

PD -Puis là, est-ce que vous êtes allé réclamer ces armes-là pour qu’on les attribue immédiatement à Gatsinzi ?

JK -Oui, parce que il devait se rendre à Butare.

PD -Alors, vous, vous êtes allé réclamer 250 armes pour Gatsinzi ?

JK -Oui, oui.

PD -Profitant du fait qu’il était là ?

JK -Oui.

PD -Dans ce camp militaire ?

JK -Oui.

PD -Comment avez-vous fait ça comme premier ministre ? Comment avez-vous... vous vous êtes
rendu là avec un ordre, une directive du gouvernement ou quoi ?

JK -Non. Je n’avais pas directive du gouvernement, mais je savais que le gouvernement avait déjà



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averti, donc le ministre de l’intérieur, je ne me souviens pas si j'étais avec où sans lui, avait déjà demandé à ce que ces armes puissent être attribuées à la défense civile.

PD -Puis là, vu qu’elles étaient attribuées à [a défense civile, vous, accompagné de Madame Pauline, vous avez pu vous rendre là, sur la base militaire, et décider de l'attribution de 250 spécifiquement à Butare ?

JK -Les deux... le nombre c’est pas moi qui l'ait fixé.

PD -Qui a fixé le nombre ?

JK -je crois que c’est le ministre de l’intérieur qui en avait, disons qui, la responsabilité.

PD -Mais était-il, était-il là ?

JK -Non il n’était pas là, mais il s’était déjà, le nombre de, le nombre d’armes à distribuer je crois que c’est lui qui devait le donner. Parce que quand on a demandé les armes pour Butare on m’a donné 250, j'ai pas demandé qu’on donne 250 ou personne d’autre n’a demandé qu’on donne 250.

PD - Alors les armes vous ont été remises à vous et à Madame Pauline, puis vous les avez remises à Monsieur Gatsinzi ? Ou si les armes ont été remises du, je m'excuse j’ai pas en mémoire le nom de l’autre Monsieur, à Monsieur Gatsinzi ?

JK -Elles ont été remises à Monsieur Gatsinzi.

PD -Directement ?

TK -Oui.

PD -Sans votre intermédiaire ?

JK -Non.

PD -A votre demande ? ‘

JK -Oui.

PD -A votre demande est-ce que c’est à votre demande à vous ou à la demande de vous et Madame Pauline ?

JK -Je dirai à notre demande parce que nous étions deux, de Butare.

PD -A votre demande. Est-ce que vous avez en mémoire la scène où vous faites la demande ?

JK -Non.

PD -Non.

JK -J’ai pas en mémoire la scène.



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PD -Pour, vous savez, savoir qu’est ce qui s’est dit exactement, de la façon que ça aurait pu se dire?

JK -Non, j'ai pas en mémoire la façon dont ça c’est dit.

PD - A ce moment-là, comme premier ministre est-ce que vous aviez une autorité quelconque sur les gens des forces militaires, sur les hauts gradés des forces militaires de même, pour pouvoir, pouvoir arriver dans un camp militaire et dire “je viens réclamer l'attribution de 250 armes” ?

JK -Disons pas formelle, formellement, quant au premier ministre oui, mais, je devais parfois passer par des intermédiaires pour pouvoir y arriver.

PD -Mais disons que dans le cas présent-là, un premier ministre accompagné d’un ministre, ou un ministre accompagné de son premier ministre, ce sont présentés dans un camp militaire de Gisenyi ?

TK -De Gisenyi, oui.

PD -Ils y ont rencontré un ?

JK -Un colonel.

PD -Un colonel, ont fait la réclamation de 250 armes.

JK -On a fait la réclamation d’armes pour Butare.

PD -La réclamation des armes pour Butare.

JK -Oui.

PD -Puis ces armes-là ont été remises à votre demande, à un général de brigade qui lui n’aurait Jamais livré ces armes ?

JK -Oui.

PD -Combien de temps après avez vous fait la vérification ?

JK -Je n’ai pas en mémoire le temps.

PD -A peu près là, vous savez, c’est, est-ce que c’est dans la semaine qui a suivie, est-ce que c’est dans le même voyage ?

JK -C’est dans les semaines qui ont suivies, donc je ne peux pas dire si c’est une semaine ou deux, mais c’est pas, ça n’a pas pris plus de deux semaines pour que je vérifie ça.

PD -Là vous vous présentez à Butare, vous demandez à qui pour savoir si les armes ont été
distribuées ?



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JK -J'ai demandé, puisque il, il y a, il était question de rencontrer les universitaires qui avaient fait la formation.

PD -Oui.

JK -.de, de militaire, je me suis d’abord rendu au camp militaire, où était le général Gatsinzi, en tant que commandant de l’ESO, j'étais en hélicoptère, je suis descendu directement au camp, je l’ai rencontré au bureau, et puis, nous sommes allés, moi et lui, au niveau de ces universitaires qui avaient fait les entraînements militaires par lui, et puis c’est là que j’ai su que les armes n’avaient pas été distribuées et 1] a amené avec lui 5 vieux fusils qu’il a remis sur place à ce moment-là.

PD -Ok. Elles n'avaient pas été distribuées aux universitaires...

JK -Qui... ils avaient fait l’entraînement avec les armes qu’il leur prêtait et il leur a donné cinq armes pour continuer la formation.

PD -Aurait-il été possible que Monsieur Gatsinzi distribue ces armes-là à d’autres personnes de la défense civile ?

JK -Ça je ne peux pas savoir ce qui, ce qu’il en a fait.

PD -Mais est-ce, est-ce qu’il a été possible que ce soit, ce soit quelque chose qui se soit produit ?

TK -Je, je ne peux pas dire s’il les a distribuées à une telle personne, tout au plus je peux imaginer que il a peut-être les donner à son armée puisqu'il était commandant des militaires du Sud.

PD -Ok. Mais dans le fond ce qu’on, ce qu’on dit c’est qu’elles ont pas été distribuées.

JK -A la défense civile.

PD -..à la défense civile. Est-ce que c’était la seule défense civile existante les universitaires qui s'étaient entraînés ?

JK -Non ce n’était pas la seule.

PD -Alors elles auraient pu être distribuées à d’autres membres de la défense civile ?

JK -Non.

PD -Non?

JK -Non.

PD -Vous, les vérifications que vous avez faites, elles sont générales à la défense civile ?

JK -Elles sont gén... pour les deux que j’ai visitée, j'ai visité ces universitaires et puis il y avait



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un autre groupe à Ngoma, ils n'avaient pas reçu non plus ces armes là.

PD -Ok. Faut voir que les ministres réclamaient des armes, à un moment donné il y a déjà des écrits qui ont été, que vous aviez signés, que vous avez changés, on peut voir sur votre document "le général de brigade Gatsinzi, qui ne sont jamais parvenues. Au conseil des ministres les propos changeaient, comme la majorité des Tutsi avaient déjà été éliminée, le point pour réclamer était de défendre sa préfecture face au FPR. Réclamer les armes était face au FPR". Ça ça fait suite au paragraphe précédent qui était que les ministres réclamaient des armes pour la chose, la, la mission non avouée de, d’éliminer les Tutsi. Pourquoi, pourquoi ça a changé ça ?

JK -Rien n’a changé.

PD -C’est toujours la même chose ?

JK -C’est toujours la même chose mais si ça avait été écrit que c’était pour une mission non avouée je n’aurai pas dû expliquer en bas.

PD -Vous auriez pas dû expliquer ?

JK -Non. Parce que les ministres n’ont jamais réclamé les armes pour aller tuer les Tutsi publiquement. C’était toujours pour aller combattre le FPR, mais on savait, et on a vérifié plus tard que c’était pour aller tuer les Tutsi.

PD -Est-ce qu'il y avait des endroits, où il était à la connaissance du gouvernement que l’armée du FPR, était non présente ? Qu'il existait des massacres puis qu’il y avait des ministres qui réclamaient quand même des armes pour savoir, pour dire “ben on a besoin d’armes pour combattre le FPR” ?

JK -Oui.

PD -Quel endroit ?

JK -Au début de la guerre on savait les régions où étaient les combats avec...

PD -Le FPR.

JK -Le FPR et d’autres où il n’y en avait pas. Les préfectures de Gitarama, les préfectures de Butare, préfecture de Gikongoro, préfecture de Cyangugu, préfecture de Gisenyi, et une partie de Ruhengeri, et une partie de Kigali, il y avait pas des armées du FPR.

PD -Il y avait aucune armée, ça c'était connu ?

JK -C’était connu.



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PD -C'était quelque chose de connu ?

JK -Oui.

PD -Alors quand le, quand les ministres de ces régions-là, parce que j'imagine ces les ministres de chaque région qui réclamaient leurs, les armes, venaient demander ça, est-ce qu’il y a quelqu'un au conseil des ministres qui disait “pourquoi vous réclamez ça là, vous savez que c’est pas vrai”?

JK -Non.

PD -Tout le monde savait qu’il existait pas de front de guerre entre le FPR et les FAR à cet endroit-là.

JK -Tout le monde le savait.

PD -Tout le monde savait qu’il y avait une élimination ethnique en cours.

JK -Oui.

PD -Les ministres réclamaient des armes, puis personne, jamais personne, s’est objecté en disant “pourquoi vous demandez ça, il y en pas de guerre chez vous”, puis y a Jamais un ministre qui s’est objecté à ça ?

JK -Je n’ai pas en mémoire.

PD -Si vous avez pas en mémoire est-ce que c’est parce que c’est pas arrivé, où si c’est parce que...

TK -Ce n’est si, si c’était arrivé je crois que je le, je l’aurai retenu, c’était tellement important.

PD -Ok. As-tu autre chose Marcel que tu... ?

MD -Moi vraiment je vais revenir aux préfets. En me basant sur le document qui est écrit par Monsieur Kambanda ici. Vous dites ici “au niveau de la préfecture de Kibuye, le préfet transmettait un rapport assez détaillé, commune par commune, il allait jusqu’à accuser les forces de l’ordre présentes, présentes sur place, les gendarmes entre parenthèses, de ne pas assez appuyer les autorités communales dans leurs activités, entendez par là les massacres”, et ici plus tard, ici un plus bas vous dites “pour Kibuye à part le rapport verbal [inaudible]”, est-ce que c’est la même chose, est-ce que c’est. On parle de Kibuvye et puis vous disez [sic] ici au niveau de la préfecture de Kibuye, vous aviez les rapports qui étaient très très détaillés commune par commune, puis ici heu...

JK -Ça c’est Kibongo.

MD -Ah Kibongo. Excusez-moi, c’est mon erreur. Ok. Alors à Kibuye vous aviez des rapports,



T2K7-15 -17 novembre 1997 (20h47) 15
1. £RG41

c'était un qui vous a envoyé un rapport très détaillé, et qui était, qui vous disait clairement que il était
pas satisfait des gendarmes.

JK -Oui. Oui.

MD -Is l’aidaient pas suffisamment à éliminer les Tutsi. C’était assez clair, c'était clair à ce point
là ?

JK -Oui. Disons, il ne disait pas, c'était pour élimini.. pour m'aider à éliminer les Tutsi, mais c'était pour m’éliminer, à mater les troubles, des choses comme ça, mais on comprenait ce que ça voulait dire.

MD -Alors c'était, oui, c’était pour... quand vous receviez ces rapports-là, vous aviez pas à vous
poser de questions sur ce qu’il voulait dire ?

JK -Non.

MD -C’était assez clair.

PD -Encore là, ça m’amène à me questionner, si y a quelqu'un qui a dit quelque chose par rapport
à ça. Est-ce qu’il y a quelqu'un qui a dit, je sais pas, les gendarmes sont responsables du ministre de

l’intérieur ou du ministre de la défense ?

JK -Les gendarmes sont sous la responsabilité du ministre de la défense.

PD -Du ministre de la défense.

JK -Oui.

PD -Est-ce qu’il y a d’autres niveaux d’autorité, dans votre pays à ce moment-là, vous aviez des

gendarmes, officiellement là, vous aviez des gendarmes, est-ce que vous aviez d’autres choses que
des militaires à ce moment-là, des gendarmes et les militaires ?

JK -Il y a les gendarmes et les militaires pour le ministre de la défense, et puis 1l y a les policiers
communaux pour le ministre de l’intérieur.

MD -De l'intérieur. Mais ça c'était les gendarmes.

JK -Ça c’était les gendarmes qui étaient à Kibuye.

MD -Est-ce qu’il y a eu des actions de prises suite à ces, à ces plaintes là ?

JK -Oui, il y a eu certaines demandes au niveau des ministres qui, venant de ces régions, dont j'ai
déjà parlées, et sur lesquelles je reviendrai.

MD -Les ministres, vu qu’on est dans le sujet, ils ont, ils ont fait des pressions pour faire changer.



T2K7-15 -17 novembre 1997 (20h47) 16
JK
MD
TK

-Oui.
-Pour faire remplacer les gendarmes qui étaient là ?

-Pour faire remplacer les gendarmes qui sont là ou pour appuyer ou pour mettre d’autres types

de soldats, notamment les militaires de ce côté là.

MD
TK
MD
PD
MD
JK
MD
JK
MD
JK
MD
JK
MD
JK
MD
JK
PD
MD
JK
MD

-Pour mettre les militaires. Les militaires étaient plus efficaces que les gendarmes ?
-Ils étaient considérés comme tel.

-Ok.

-Il serait peut-être bon de savoir plus efficace en quoi ?

-Mais là on vient de parler de massacre là.

-Oui.

-Donc c’est, on est toujours dans le même sujet.

-Oui.

-Ils étaient plus efficaces pour les massacres, c’est ce qu’on veut dire.

-Oui.

-Alors Kibongo, à part le rapport verbal... le préfet c’est le, plus tard lui-même assassiné.
-Oui.

-Pour quelle raison serait-il assassiné ?

-Je ne l'ai jamais su.

-Par qui ?

-Je ne l'ai jamais su.

-On le sait pas.

-Vous le savez pas ?

-Non.

-OK, Gisenyi, le préfet sera membre du parti libéral, alors vous dites ici, là, celui de Gisenyi,

qui était membre du parti libéral [?], “il fera des rapports également assez détaillés sur l’état des

massacres, raison pour laquelle j’ai été surpris de sa ….. ? ?

JK
MD
JK

-Reconduction.
- “de sa reconduction”.

-Après la prise du pouvoir par le FPR.



T2K7-15

-17 novembre 1997 (20h47) 17
E
CD
D
RS
JN

MD -Et c’est quelqu'un qui, comment s’appelait-il le préfet de Gisenyi ?

JK -C’est le Docteur Charles Zirimuragabo [phonétique].

MD -Etil a, il était reconnu comme étant très actif dans sa préfecture, au niveau des massacres ?
JK -Pas tout à fait, puisque il fut à un certain moment question de le remplacer, mais il n’a jamais
été remplacé, mais si je regarde les rapports qu’il a transmis, je n’ai pas de doute qu’il ait lui même
participé à, aux massacres.

MD -Qui recevait copie de ces rapports-là, les rapports auxquels vous référez, qui en recevait
copie, est-ce que c'était seulement le gouvernement ?

JK -C'était adressé au ministre de l’intérieur.

MD -Au ministre de l’intérieur.

JK -Certains pouvaient me réserver un copie, c’est pas nécessairement toujours.

MD -Est-ce que ça allait aux militaires aussi ? Est-ce que c’était, de quelle façon c'était distribué
ces rapports-là ?

JK -Je ne me souviens pas si ça allait aux militaires, maïs c’était adressé...

MD -Ça allait sûrement aux partis politiques ?

JK -Non. C'était adressé au ministre de l’intérieur, la copie ce n’était pas toujours au premier
ministre, ce n’était pas toujours le cas. Mais pour son cas, et celui de Kibuye, j’ai toujours reçu des
copies de leurs rapports.

MD -Donc vous aviez copie.

PD -Copie conforme, c’est ça ?
JK -Oui.
PD -Copie conforme, adressé sous forme de copie conforme. Bon, il est 14 heures 46, avez-vous

besoin de vous absenter ?
JK -Non.
PD -Je vais juste tourner le ruban.

Fin de la face A de la cassette 15.



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4 A6C4A
Face B de la cassette 15.
PD -14 heures 47, une seconde. On reprend.
MD -Alors, ces rapports-là ne vous étaient pas.
JK -Ne m'étaient pas adressés.
MD -Etaient pas adressés à vous.
JK -Ou, je, je ne savais pas s’il y avait une règle qui pou..., qui disait oui ou non on donne des
copies, mais il y a, il m’est arrivé d’avoir des copies, donc où on avait mis du carbone et c’était une
copie du document qu’on avait transmis au ministre de l’intérieur.
MD -Qui vous était transmis à quel... est-ce que ça vous était transmis par le ministre de l’intérieur
ou c'était transmis directement par le préfet, vous le receviez du préfet ?
JK -Je ne peux pas savoir...
MD -A cause du carbone.
JK -Je ne peux pas savoir qui me le ramenait, je trouvait dans les documents qu’on me donnait,
il y avait une copie, par exemple des rapports de, de...
MD -Vous aviez pas eu d’entente le ministre de l’intérieur, que ces copies de rapport-là devaient
vous parvenir ?
TK -Non. Parce que lui devait les présenter, au niveau du conseil des ministres pour tout le monde.
MD -Pour tout le monde ?
JK -Oui.
MD -Alors c'était présenté au niveau du conseil du ministre ?
JK -Oui. Comme synthèse. ‘
MD -Parlons un peu de, de, de notre Monsieur Renzaho, de Kigali. Je pense que ça laisse assez peu
de doute sur votre, sur la déclaration ici, on disait que il avait le contrôle sur tout ce qui se passait à
Kigali.
JK -Oui.
MD -A tous les niveaux.
JK -Oui.
MD -Les bourgmestres et conseillers vivaient avec lui dans le même immeuble.

JK -Je ne sais pas si c’est vivre mais je les ai vus ensemble, à l’époque.



T2K7-15 -17 novembre 1997 (20h47) 19
MD -Vous les avez rencontrés.

JK -Je les ai rencontrés ensemble.

MD -Tous ensemble.

JK -Et j'ai vu qu’il y avait des matelas dans, dans, dans, dans certains bureaux de la préfecture,
ce qui m'a laissé supposé qu’ils dorment là-bas. Peut-être pour la protection contre les obus.

MD -Quand il disait qu’il se rendait faire le tour des barrières, et qu’il s’en vantait à la radio, de
quoi il se vantait à la radio ?

JK -Il, il prenait la parole à la radio, il disait qu’il a fait le tour de la barrière, que la, que le calme
est en train de revenir à Kigali, qu’il invite les gens à revenir travailler à Kigali.

MD -Que le calme est en train de revenir à Kigali.

JK -Oui, oui.

PD -Ça c'était quelle date ça ?

JK -Ça je ne peux pas préciser c’est à telle date, parce que c’était des informations qui passaient

à la radio, que je.

PD -Ok. Est-ce que, pour situer ça, est-ce que vous avez écouté ça à Gitarama ?
JK -Oui.

PD -Alors c’est après le 12 avril.

TK -Oui c’est après le 12 avril.

PD -Avantle ler juin ?

JK -Pas nécessairement avant le 1er juin parce que...

PD -Mais le, juin, c’est quand que vous êtes déménagé, je m’excuse-là, je, j’ai dit ler juin mais
c'est pas tout à fait ça, vous êtes déménagé, vous êtes déménagé vers Gisenyi après, votre |
gouvernement ?

JK -C’'est autour du ler juin mais je n’ai plus en mémoire la date exacte.

PD -Ok.

MD -Personne ne pouvait vivre comme ça à Kigali sans l’accord de Renzaho. Personne ne pouvait
vivre comme Ça à Kigali. Qu’est ce que vous voulez dire ?

JK -C’est par rapport, par rapport au Petit Kigali.

PD -Au Petit Kigali.



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4: 480464
MD -Au Petit Kigali.
JK -Oui. Vous m’aviez posé une question sur le Petit Kigali, je vous ai donné ce que je savais,

et vous m'avez décrit comment les gens vivaient, se comportaient dans le Petit Kigali. Je vous ai dit

que j'ai vu...

PD -Là c'était, vous savez, c'était.

JK -J’ai vu, j'ai vu un film...

PD -Le film, le même film, on discutait de la cassette là.

MD -Oui le film, la cassette.

JK -J'ai vu un film. Que je n’avais pas vu, je l’ai vu juste au moment de juin ou juillet, à Nairobi.
MD -Ah oui ?
JK -Et puis j’ai constaté que effectivement, ce que vous me décriviez je l’avais vu mais que Je

n'avais jamais vu ça quand j'étais au Rwanda.

PD -Pouvez-vous me décrire ce que vous vous avez vu sur cette cassette-là s’il vous plaît ?

JK -J’ai vu des gens habillés comme des militaires, qui se définissaient comme des Interahamwe,
qui se racontaient entre eux les, ce qu’ils avaient fait, et qui, j’ai constaté, que c’est comme s’ils
étaient en fête, parce que je les ai vus boire beaucoup de bières.

PD -Que se racontaient-ils ?

TK -Ils se, ils, lut 11 faisait tirer les, donc des coups pour montrer que...

MD -Sur la cassette, sur le film, sur la cassette ?

JK -Oui, oui. On le voit avec une arme...

PD -Si on commence, si on commence, le début de la cassette, le début de la cassette que vous

VOUS avez vu, Ça commence comment ?

JK -Je ne l’ai je ne l’ai pas, je ne l’ai pas retenue, je dis juste comme ça.
PD -Ok. Les faits qui vous ont marqués le plus ?
JK -Oui, out, mais je n’ai pas pu, retenu le début de la cassette ou le milieu de la cassette, fin de

la cassette.
PD -Ok. Est-ce que vous pouvez me décrire ce qui vous a marqué le plus, il y a le fait là, vous avez
vu des gens se vanter de ce qu'ils avaient fait.

TK -C’est ce que je viens de dire, c’est que je viens de dire, j’ai vu que il y avait des gens qui



T2K7-15 -]7 novembre 1997 (20h47) 21
4 48047

étaient décrits comme des Interahamwe..

PD -Qui se décrivaient ?

JK -Qui se décrivaient comme des Interahamwe, qui étaient assis autour d’une table, qui étaient
habillés avec des treillis militaires, qui avaient des fusils. Et qui buvaient beaucoup de bières. Et qui,
faisaient comme ça, en faisant semblant de tirer en l'air.

PD -OKk. Qu'est-ce qu’ils décrivaient comme actions, est-ce que vous avez en mémoire ce qu'ils
ont décrit ?

JK -Je n’ai pas entendu ou je n’ai pas en mémoire ce qu’ils décrivaient comme actions où comme,
comme ce qu’ils avaient fait, mais...

PD -Vous en connaissiez pas, si je me souviens bien, je crois que vous avez pas identifié personne
sur cet ruban là.

TK -Je ne les connaissais pas. Je ne les connaissais pas.

PD -La dame qui vous avait amené ça, c’était Madame Chantal ?

JK -Wasse [phonétique]

PD -Wasse, c’est, pouvez-nous nous dire comment elle est venue en contact avec vous, pourquoi
elle est venue en contact avec vous ?

JK -Non, c’est que j'avais, elle c’est une femme qui, qui a un salon de coiffure, elle est venue pour
tresser ma femme, puis elle m'a demandé si je n’avais pas de cassettes vidéo prises dans les camps.
J’en avais. Je les lui ai prêtées. Et quand nous allons, quand je suis allé avec ma femme récupérer ces
cassettes, elle nous a montré sa propre cassette sur la guerre.

MD -Vous aviez des cassettes vidéo, prises dans les camps ?

JK -Que vous avez saisies.
MD -Qu’ona.
JK -Oui.

MD -Çaaété pris dans les camps ?

JK -Oui.
PD -Elle aussi avait des choses à vous montrer ?
JK -Oui, quand Je suis allé récupérer ces cassettes, elle, elle m’a montré aussi une cassette qu’elle

avait sur, sur la guerre.



T2K7-15 -17 novembre 1997 (20h47) 22
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CD
En

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PD -Ça c'était à quelle époque ça ?

JK -C'était à Nairobi. Oui, Je crois que c’est au mois de, je peux pas préciser le mois, je ne sais
pas si c’est au mois de mai ou juin, mais c’est au cours de la période de l’année 97.

MD -De 97. Alors peu de temps avant qu’on vous rencontre. Ici... ouais vas-y.

PD -Pardon, est-ce que ce que vous avez vu sur cette cassette-là vous a confirmé les choses que

vous aviez déjà entendues ?

JK -Non, sur, comme je l’ai dit sur le Petit Kigali je n’avais rien entendu. Je ne savais pas.
PD -C'était quelque chose qui était tout nouveau pour vous ?
JK -Pour moi le Petit Kigali, je n’avais pas entendu, je n’avais pas retenu cet endroit, que je

connaissais, comme un endroit spécial. Je n’avais pas entendu parler du Petit Kigali jusqu’à cette date.
PD -Alors quand on, quand on dit que personne ne pouvait vivre comme ça à Kigali, heu, vivre
sans l’accord de Monsieur Renzaho, à ce moment-là, c’est dans ce sens là qu’on dit, c’est ce que vous
avez vu sur la cassette...

JK -C’est ce que j'ai vu. Oui.

PD -.… au moment d’avril 94 ?

JK -Oui, parce que ils étaient en fête, ils étaient, comme, ils étaient plutôt à l’aise, alors je ne crois
pas que on puisse avoir transformé un restaurant en une sorte de camp militaire sans que Renzaho soit
courant.

MD -Est-ce qu'on doit prendre pour acquis que Renzaho, Renzaho contrôlait totalement Kigali à
ce moment-là ? Il était vraiment le seul maître à bord ? Vous dites qu’il y avait pas de gouvernement,
il y avait plus de, il y avait plus d'administration, pas de fonctionnaires, c'était lui.

JK -C’est clair.

MD -C'était lui ?

JK -C’était lui oui.

MD -Alors il contrôlait tous les activités qui se passaient là ?

JK -En tout cas, je, je n’ai pas eu aucun doute sur le fait qu’il connaissait tout ce qui se passait
à Kigali.

MD -J'ai juste une chose que j'avais, que j'avais, j’attendais pour demander, ici on avait, lors de

la, de la première version, quand on a fait la déclaration, on avait écrit “il y avait pas d'administration,



T2K7-15 -17 novembre 1997 (20h47) 23
#: 28049

il était seul, seul maître à bord, pas d’administration, pas de fonctionnaires. La guerre c’était l’armée,
les massacres c'était lui”. Vous avez enlevé “massacres” pour marquer “la défense civile c'était, c'était
son affaire”, pourquoi “massacre”, puis pourquoi que vous avez corrigé ça ?

TK -Je crois que j’ai corrigé parce que le style télégraphique ne représentait pas ce que moi j’ai
voulu exprimer. Donc, les massacres c'était lui mais c’était une déduction, il ne s’est jamais présenté
comme responsable des massacres. Comme l’armée pouvait elle-même faire les massacres, il était,
quand je dis “la guerre c’est l’armée”, c’est la guerre en tant que officielle, mais on pouvait trouver
autant des gens dans l’armée qui faisaient les massacres, autant dans la défense civile qui faisaient les
massacres. Mais officiellement il était là pour la défense civile, tout comme les militaires étaient là
pour faire la guerre.

PD -La défense civile, qu’est ce qui, quelles étaient les activités de la défense civile ?

JK -Ça c’est une déduction mais les activités de la défense civile n’ont jamais été définies dans
aucun document, dans aucun rapport.

MD -Non. Mais pratiquement ?

JK -Pratiquement c'était, ils ont fait les massacres.

MD -Ïs ont fait les massacres, la défense civile ?

JK -Oui. Oui.

MD -Alors quand vous dites que vous avez enlevé massacre pour défense civile ça veut dire la
même chose ? La défense civile c'était son affaire. C’est à dire que lui contrôlait la défense civile, puis

on établi clairement que la défense civile faisait les massacres.

JK -Il faut d’abord l’établir, mais on ne peut pas dire “lui c'était les massacres” sans explication.
PD -Sous cette forme [à

JK -Mettre deux points, mettre deux points, Renzaho, deux points, massacres. Là c’est pas
acceptable.

MD -D’accord, je suis d’accord, oui. Mais on l’établit là.

JK -On l’établit. Il faut l’établir parce que si on dit Renzaho, deux points, massacres, la personne
qui lira ça, elle va dire, mais vous...

MD -D'’accord, quand on dit que Renzaho contrôle la ville, que...

JK -Il est responsable de la défense civile, et qu’on sait ce qu’a fait la défense civile, à ce moment-



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là on peut dire donc Renzaho à fait les massacres. Mais on ne peut pas dire Renzaho, deux points,
massacres, c'est lui.

PD -Aviez confiance en Monsieur Renzaho vous ?

MD -Ousi vous aviez des doutes ?

JK -Je n’avais pas à avoir confiance ou à ne pas avoir confiance en Renzaho. Renzaho n’était pas
mon homme. Renzaho n'avait pas été placé là par moi, je l’ai trouvé là-bas, il était là.

PD -Non, ce que je veux dire c’est, au cours des, au cours de la période génocidaire de 1994, est-
ce que vous avez eu à entrer en contact vous personnellement avec Monsieur Renzaho ?

JK -Oui.

PD -Est-ce que c’est quelqu'un auquel vous, vous prêtiez foi, que vous disiez “Ah, il est honnête,
il me dit la vérité”, ou si c’est quelqu'un que vous preniez ses paroles disons à un premier degré ?
JK -Non, je n’ai, je ne pouvais pas, disons, dire “il me dit la vérité”. Mais ça je ne pouvais pas

l’exprimer non plus. Maïs je savais qu’il ne me dirait pas la vérité.

PD -Vous savez qu’il ne vous disait pas la vérité ?
JK -Non.
PD -Quand Renzaho vous parlait, vous aviez les, l’idée que cette personne-là ne vous disait pas

la vérité.

JK -Je devais. Non.

MD -Aviez-vous des contacts avec elle ?

JK -Des contacts fréquents non. C'était des contacts formels, quand j'allais à Kigali, qu’il était

là, je venais le voir mais des contacts fréquents non.

PD -Ouais, je voulais revenir sur la, le, sa brigade-là.
JK -Oui.
PD -Sa brigade anti-pillage. J’aimerai ça que vous nous expliquiez ça, parce que il a pas pu

constituer une brigade anti-pillage comme ça, sans que vous en soyez informé et...

JK -J’ai dit que il a, avec l’aval du gouvernement...

PD -J’aimerai, j'aimerai, ce que jaimerai que vous nous expliquiez s’il vous plaît c’est comment
le gouvernement a donné son aval à ça. Comment ça vous a été présenté pour que vous arriviez puis

vous disiez “Ah, oui, ça on peut donner notre aval à ça” ?



T2K7-15 -17 novembre 1997 (20h47) 25
JK -C'est que, quand nous avons mis le, la directive sur le, la sécurité dans le pays, on devait
régler aussi le problème des barrières et également le problème des pillages, parce que l’un n’allait
pas sans l’autre. Et l’idée avait été d'empêcher que les gens ne fassent les pillages au niveau de la ville
de Kigali notamment où était concentrée la plupart des richesses. C’est à ce moment-là que nous
avons émis l’idée qu’il fallait qu’il y ait une brigade pour empêcher les pillages partout, pas seulement

dans la ville de Kigali.

PD -Ça c’est vous au gouvernement qui avez cette idée-là ?

JK -Oui.

PD -Qui arrive avec cette idée là, est-ce que vous vous en souvenez, qui ?

JK -Non, je ne m'en souviens pas.

PD -Ok. Est-ce que c’est, comme une responsabilité du ministre de l’intérieur ça ?

JK -Je ne crois pas que ce soit une responsabilité du ministre de l’intérieur. Puisque je ne me

souviens pas, heu, non à l’époque il n’y avait même pas de ministre de l’intérieur.

PD -Doncil n’y avait pas de ministre de l’intérieur. Alors c’est impossible que ce soit le ministre
de l’intérieur qui ait, qui soit venu avec l’idée.

JK -Si ça pouvait provenir d’un ministre ça pouvait être celui de la défense puisque c’est lui qui
allait souvent à Kigali ou qui pouvait avoir des problèmes de pillage dans ses attributions. Mais ce ne
pouvait pas être celui de l’intérieur puisqu’à l’époque il n’était pas là.

PD -Vous, personnellement, à cette époque-là, est-ce que vous avez eu l’occasion de vous rendre

près du marché à Kigali, voir, constater des choses ?

JK -Oui, je suis allé à Kigali, comme je vous l’ai dit.
PD -C’est quoi, qu’avez vous constaté vous personnellement ?
JK -J’ai constaté que c’était un marché plein d’objets pillés. Où les gens vendaient sans connaître

Ja valeur de ce qu’ils vendaient. Ils vendaient au pif. Donc, ils, vous pouviez payer n’importe quel
prix, puisque les vendeurs n'étaient pas au courant des objets qu’ils vendaient. Ils ne connaissaient
pas les valeurs. Il y a des objets qu’ils vendaient, c’étaient des objets qui provenaient manifestement
des pillages. Il y avait des, des produits qui étaient connus comme l’eau, la bière etc. là ils mettaient
un prix pas très fort, mais pour les autres objets c’était presque comme du ramassage.

PD -C’était un prix dérisoire par rapport à la valeur réelle.



T2K7-15 -17 novembre 1997 (20h47) 26
C2

4: 4805?

TK -Dérisoire par rapport à la valeur réelle pour la personne qui connaissait la valeur réelle des
objets qui étaient là.

PD -Avez-vous un exemple en tête [à qui vous vient comme ça ?

JK -Je, je n’ai pas, peut-être une horloge pouvait coûter jusqu’à 100 francs. Une horloge qui soit
en or ou en n'importe quel métal, pouvait coûter 100 francs rwandais à l’époque. Moins d’un dollar.
MD -Effectivement..

PD -Par exemple vous pouviez changer un dollar contre, je sais pas, 50 francs rwandais ou 20 ou
30 selon les cas, puisque les gens ils avaient des billets de banque mais 1ls ne savaient pas exactement
la valeur de ces billets de banque.

PD -Alors ça c'était les pillards ?

JK -Oui.

PD -Les pillards qui étaient, qui avaient pris place au marché, où on a le marché public habituel,
qui est toujours à la même place, au centre-ville, et puis ça c’était sous le contrôle du préfet Monsieur

Renzaho parce qu’il était responsable de la sécurité.

JK -Oui, oui, oui.
PD -Lui pour contrer à ça, avec votre aval, il a eu l’autorisation de faire une boutique anti... une,
une...

JK -Patrouille.

PD -Une patrouille, une brigade anti-pillage.

JK -Oui.

PD -Votre visite vous, est-ce que c’est avant où après ? |

JK -C’est après, juste quelques semaines avant qu’il ne sorte de Kigali.
PD -Alors, c’est donc après la création de sa brigade anti-pillage ?

JK -C’est après oui.
PD -Puis, vous, ce que vous, ce qui vous a été donné de voir, à la lumière de ce que vous venez

de nous dire, sa brigade anti-pillage était pas très très efficace, en tout cas pour éviter le pillage dans

Kigali?
JK -En tout cas les biens pillés on pouvait les trouver si on voulait.
PD -On pouvait les trouver. Quand vous dites qu’il s’était approprié les meilleurs magasins, on



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met en exemple Ali-Rwanda, qui est un gros magasin d'alimentation à Kigali, situé dans la ville de
Kigali, quel, quel, quel fait pouvez-vous apporter pour dire que vous savez que Monsieur Renzaho,
pardon, vous avez blessé ma chaise un peu [?], c'était approprié ça ?

JK -Non, là j'ai, je n’ai pas été voir physiquement ce qui est fait, mais selon les informations que
j'ai pu recevoir sur place, c’est que lui pouvait aller ouvrir ce magasin, pouvait se servir dans ce

magasin et le refermer, et puis le faire garder par des, cette troupe anti-pillage.

PD -Cette troupe anti-pillage, est-ce que physiquement vous êtes venu en contact avec eux ?
JK -Jamais.

PD -Jamais. Vous pouvez pas dire si ces gens-là portaient des treillis militaires ou étaient armés...
JK -Je ne les ai jamais vus. J’ai su que ça existait maïs je ne les ai jamais vu.

PD -Ok.lIIs vous ont jamais été présentés.

MD -Il ya une phrase ici, qui me, qui m'intrigue un peu, qu’on avait écrit, c’était “quelqu’un à
féliciter dans notre milieu, c'était un actif”. Qu'est-ce que, qu’est-ce que vous voulez dire par ça ?
“C'était quelqu'un à féliciter dans notre milieu, c’était un actif”.

TK -Ça c’est une phrase qui est venue lors des discussions que j’ai eues avec vous, où vous
m'avez demandé, en référence à ce que j'avais dit au début, pour les préfets dans la réunion du 11
avril, entre les actifs et les inactifs, est-ce que lui vous le considériez comme un actif ? J’ai dit oui,
on le comptait comme un actif.

MD _-Ok, c’est dans ce sens-là.

PD -Quand on dit que c'était quelqu'un à féliciter, c’est pour des gens, pour la plupart des gens
c’était quelqu'un, une image, c’était vraiment quelqu’un de bien, c’était quelqu’un qui menait à bien
sa tâche.

JK -Oui.

PD -Ces gens-là c’était qui ?

JK -Vous insistez ces gens-là c’était qui, je ne peux, je vous ai dit je ne peux pas déterminer c’est
untel ou untel, il y avait une certaine opinion qui était véhiculée et qui était partagée puisque personne
n’a jamais dit “moi je me détache de cette opinion-là”.

PD -Il y a jamais personne qu gouvernement qui s’est détaché de cette opinion-là ?

JK -Non.



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46054

PD -I y a jamais personne qui a dit, il faudrait sanctionner Renzaho…
JK -Non.
PD -.parce qu'à Kigali, les faits que vous nous énoncez là là, de savoir que bon il est en charge

d’une brigade anti-pillage, que ces choses là, que il y avait énormément de meurtres à Kigali, de

massacres à Kigali.

JK -Oui.

PD -EÉst-ce que c’est l’endroit qui a été le, un des endroits les plus fortement touchés dans le pays,
Kigali ?

JK -Oui.

PD -Est-ce que ça pouvait passer inaperçu ça, est-ce qu’il y a un ministre qui pourrait dire

aujourd’hui qu’il savait pas ça ?

JK -Il peut peut-être essayer de le dire, mais dire qu’il ne savait pas, bon, ça sera son affaire, mais
moi je savais, personnellement je savais.

MD -Si vous savez-vous...

PD -Les informations que vous aviez provenaient du, des informations que vous aviez en tant que
ministre, que premier ministre, est-ce que c’est, Vos connaissances proviennent des, des choses qui
étaient publiques au conseil des ministres ? Votre conviction que vous vous saviez, aujourd’hui, est-ce
que ça vous vient du conseil des ministres ?

JK -Pas seulement du conseil des ministres, il y a des parties qui me viennent du conseil des
ministres, il y a des visites que j'ai faites sur le terrain, il y a des informations que j’ai reçues, il y a
des, qui sont des témoignages que j'ai vus, c’est comme de plusieurs horizons que j'ai cette
conviction-là.

PD -Mmm{affirmatif]. Quelqu'un qui vivait au Rwanda à ce moment-là, quelqu'un qui, qui est
ministre disons, on peut pas dire que c’est la classe, c’est la classe normale, c’est la classe dirigeante.
La classe dirigeante, est-ce que quelqu'un de la classe dirigeante à ce moment-là savait ce qui se

passait à cet endroit-là, à Kigali ?

TK -Je ne vois pas comment il n’aurait pas pu savoir.
PD -C’était impossible de ne pas le savoir ?
JK -Oui.



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PD -Ok. As-tu autre chose Marcel ?

MD -Non, [inaudible] de ça.

PD -Ok. Et peut-être, à la fin j'aimerai juste réviser un petit peu, à la fin là de la dernière chose,
ici... Ça t’as fait ça. Ça on a-tu fait ça Marcel ? Cette partie là ? A-tu été clarifier ça ?

MD -Non.

PD -Non?

MD -Non. C’est ça c'était, c’est la dernière page ça.

PD -Ça ça a pas été clarifié. Ok. Et aussi à la page 48 là. Et ça ici...

MD -C'était sensiblement ce qu’on a discuté, ça sur ses, sur ses déclarations, vos déclarations.
PD -Ouais, au niveau disons “les ministres doivent présenter à la radio le pays sous sa bonne
image plutôt que ce qu’ils voyaient, ce qu’il en voyait réellement”, cette partie a été clarifiée, ça ?

MD -[inaudible].

PD -Ça c’est une directive que vous donne Monsieur Renzaho ça ?
JK -Ce n’était pas une directive.
PD -Une recommandation ?

JK -Une suggestion.

PD -Une suggestion. Quand vous a-t-il fait cette suggestion là ?
JK -Là je ne peux pas déterminer c’est quand, mais j’ai en mémoire que cette suggestion-là a été
faite.

PD -Est-ce que c’est le 11 ?

JK -Je n’ai pas en mémoire ça, je n’ai pas la date, mais la suggestion j’ai en mémoire que cette
suggestion a été faite.

PD -"Son rapport était sous forme de directives”, vous marquez “exemple : genre, éviter de
déclarer où il y avait des massacres”. Ça c’est le rapport qui, que lui, que lui, on marque ici comme
bourgmestre, c’était pas un bourgmestre du tout, c’était un préfet.

JK -C’était un préfet.

PD -Comme préfet il vous envoyait un rapport comme ça au gouvernement ?
JK -Pas nécessairement au gouvernement, c’est à dire que, quand je dis le rapport, lui par exemple
il pouvait.



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PD -Effectivement est-ce qu’il vous en a fait des rapports, lui Monsieur Renzaho ?

JK -Moi je n’en ai pas vu, donc j'ai pas en tête les rapports disons du préfet Renzaho sur ses
activités à Kigali. C’est, disons, ce que j’ai entendu au niveau des discussions sur la situation dans les
préfectures.

PD -Renzaho c'était le préfet des préfets ça ?

JK -C'est ce que ça avait l’air, puisque de toute façon, lui, il avait la radio à sa disposition. Et
c'était le seul instrument de communication, le seul instrument disons par lequel on pouvait passer.
Il y avait une antenne à Gitarama, qui était utilisée par le gouvernement, et la maison principale qui
était à Kigali, que lui...

PD -Contrôlait ?

JK -Contrôlait et utilisait à tout moment.

PD -Puis lui il avait pas de permission à vous demander comme gouvernement, il se rendait à la
radio, il effectuait la déclaration qu’il voulait ?

JK -En tout cas j’ai, je, on pouvait me renseigner que Renzaho a parlé, je n’avais, je ne pouvais
pas dire...

PD -Qu'il a parlé, il avait parlé.

JK -Oui.

PD -Puis vous deviez vivre avec les conséquences des paroles qu’il avait dites ?

JK -Oui.

PD -Ça l’a jamais amené quelqu'un à, vous comme premier ministre, à, à lui parler, à lui dire “tu

pourrais au moins nous téléphoner avant"ou je sais pas ?

JK -Ça aurait dû, mais, je crois que l’ambiance que nous vivions ne nous l’autorisait pas.

PD -Vous pouviez vraiment pas appeler Monsieur Renzaho, le colonel, puis lui dire “écoute, avant
de faire des déclarations à la radio, serait-il possible au moins de nous avertir de ce que tu vas dire
qu’on puisse se préparer, ou au moins dire la même chose que nous autres si on diffuse en même

temps à Gitarama” ?

JK -Moi j'ai, je n’ai pas eu ce courage. C’est pour cela que je suis ici.
PD -Vous avez pas eu ce courage-là ?
JK -Non.



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PD -Y a personne au gouvernement, on peut supposer que personne au gouvernement a eu ce
courage là non plus ?

JK -Je n’en ai pas vu, peut-être que ils n’y ont pas pensé, mais moi jy ai pensé mais je n’ai pas
eu ce courage-là.

MD -Pour les raisons qu’on a discuté hier.

PD -Ona fait les tendances politiques de Monsieur Renzaho, ces origines là ?

MD -Peut-être, oui on l’a fait.

PD -Je pense qu’on va les faire plus tard, lorsqu’on va parler spécifiquement de lui. Est-ce que
vous avez gardé un... quand on parle des militaires-là, les militaires influents ?

MD -S'ilest inclus, s’il est inclu Renzaho ?

JK -Je ne sais pas s’il est inclu ou pas.

MD -[inaudible]

PD -Vous savez d’où il est originaire lui ?

JK -Oui.

PD -De quel endroit ?

JK -Il est de Kibongo.

PD -Kibongo ?

JK -Oui.

PD -Tendance politique MRND ?
JK -Oui.

PD -Connue, avouée ?

JK -Moi je dis oui, parce que j’ai...

PD -Puisqu'il est préfet.

TK -Non seulement puisqu'il est préfet, puisque en tant que quelqu'un qui a été dans le parti
d'opposition j’ai eu affaire à lui, à Kigali, pendant les manifestations des partis d'opposition contre

le MRND.

PD -Vous avez eu à vous frotter contre lui ?
JK -Oui.
PD -Ce qui explique peut-être, comme vous expliquiez, votre courage là, à un moment donné, qui



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a défailli quand, après quelqu'un qui s’est frotté à lui une fois, tu te frottes pas à lui deux fois. C’est

quelqu'un qui est retraité des forces armées ou actif ?

JK -Ilest actif, il n’était pas retraité à cette époque là.

PD -Actif dans les forces armées.

JK -Et qui a été nommé préfet.

PD -Préfet.

JK -Oui.

PD -Membre du MRND.

JK -Oui.

PD -Est-ce qu’il y a pas quelque chose là, qui dit qu’un militaire ne doit pas être membre d’un

parti politique au Rwanda ?

JK -Ça a été discuté quelque part, mais je crois que, je n’ai, je n’ai pas en tête ou je ne connais
pas le règlement qui le dit, mais l’information que j’ai c’est qu’on a dit que pour Kigali ils ont fait une
exception pour lui. C’était avant la guerre, avant avril 94. Ceci était discuté au niveau des partis
politiques, mais on, je me souviens que j’ai cette information que pour Kigali c'était une exception,

qu’on maintenait un militaire actif comme préfet.

PD -Alors déjà là il était établi Ià par règle d'exception.
JK -Oui, oui.
PD -Est-ce que il y avait aussi, ça lui faisait plusieurs charges, est-ce qu’il était, est-ce qu’il

occupait une fonction dans les forces armées en plus, à votre connaissance ?
JK -Je n’ai pas une information sur sa fonction au niveau des forces armées. On disait qu’il était
spécialiste de la guérilla.

PD -De la guerrilla ?

TK -Oui.
PD -La guerre urbaine ?
JK -Je ne sais pas s’il y a eu une guerrilla urbaine ou une autre guérilla, on disait qu’il était

spécialiste de la guerrilla, moi je ne peux pas.
PD -OKk, c’est un spécialiste de la guerrilla ?

JK -Oui.



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PD -C’est quelqu'un qui est âgé ce Monsieur Renzaho ?

JK -Qui a ?

PD -Qui est agé, est-ce que vous savez approximativement son age ?

JK -Ii n’est pas très agé.

PD -Pourriez-vous spécifier s’il vous plaît ?

JK -Je le situerai autour de 50 ans.

PD -S0 ans. Un passé militaire donc de plusieurs années, à 50 ans.

JK -Oui mais moi je ne l’ai pas connu quand, comme militaire, je l’ai connu comme préfet, avant

je ne le, le nom ne me disait rien.

PD -Vous l’avez connu comme préfet. Ok. Depuis quand le connaissiez vous comme préfet, vous
êtes capable d’établir c’est, de retourner jusqu’à quand sa carrière de préfet, ça fait combien d’années”?
JK -Non, je ne peux pas retourner, je sais que quand les partis politiques sont nés, lui il était préfet
de Kigali, puisque à chaque fois qu’on faisait des manifestations c'était à lui qu’on avait à faire.
PD -Donc quatre-vingt. onze ou douze ?

JK -Je ne peux pas m’aventurer sur une année parce que c’est pas un homme qui, que j’ai suivi
pour dire il est venu à telle date.

PD -Non mais je parle 91-92 vous êtes sûr, sûr qu’il était là ?

JK -Sûr oui.

PD -Ça c’est certain qu’il était déjà préfet.

JK -Parce que quand les premières manifestations, nous les avons organisées en 92, au mois de
janvier, il était là.

PD -Il était là.

TK -Oui.

PD -Ilétait responsable des services d’ordre anti-manifestation ?
TK -Oui.

PD -Parfait.

MD -Un point qu’il restait ici, c’était surtout pour les armes que vous avez établies, on disait “avec
l’aide de ces rapports-là, les rapports des préfets, le ministre de l’intérieur Karemera, lors des conseils

des ministres que nous tenions à Gitarama, à Gisenyi, soumettait les rapports qui nous parvenaient de



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façon irrégulière, mais on peut dire une fois, à partir d’avril, une fois par mois. Nous discutions de
l’évolution des massacres dans chaque préfecture.” Alors ces rapports là touchait des rapports que
vous receviez des préfets, touchaient eux-même les massacres ?

JK -Je crois que il faut, comme je l’ai dit, chaque fois distinguer ce que je vous ai dit, après
déduction, et ce qui était dans les rapports. Je crois que dans les rapports...

MD -Mais là, là, là on discutait, là c’est, vous étiez là là.

JK -Dans les discussions, et c’est là que c’est venu. Mais vous ne pouviez pas, si vous vous n'êtes
pas bien informé de la situation, venir et savoir ce qui se fait exactement dans chaque préfecture. Mais
par contre, pour quelqu'un qui avait suivi depuis le début il pouvait effectivement savoir où était la
situation.

MD -Oui. Alors ça on peut diviser, plus loin on dit “on peut diviser les conseils en deux périodes.
La première d’avril à la fin mai, les ministres, tous sans exception, réclamaient pour leur préfecture
d’origine le maximum d’armes possible à distribuer à leur population dans le but inavoué d’éliminer
le maximum de Tutsi rwandais”. C'était, c’était quand même assez clair là, on...

JK -Là c’est clair, puisque je l’ai dit, puisqu’on l’a développé, ce n’est pas clair dans les rapports,
vous ne verrez dans aucun rapport, ou que moi ou quelqu’un d’autre ou, dit “donnez moi des armes
je vais éliminer le maximum de Tutsi dans ma commune, dans ma préfecture”.

PD -Sauf qu’à mots voilés tout le monde comprenait le message.

JK -Tout le monde qui comprend sait de quoi il s’agit. Maïs, vous ne pouviez pas dire “untel m’a
demandé des armes pour aller éliminer les Tutsi dans sa préfecture”.

MD -Mais vous dites ici, “avec, avec les rapports qu’on recevait des préfets”

JK -Oui.

MD - “nous discutions de l’évolution des massacres”.
JK -Oui.
MD “dans chaque préfecture”, donc ces rapports-là devaient contenir certaines informations qui

étaient assez claires, qui ne laissaient pas de doute sur, sur le sujet.
JK -Pour quelqu'un qui veut comprendre. Mais pour quelqu’un qui dit qu’il ne, il ne connaissait
pas, il peut toujours dire “moi je n’ai pas été informé des massacres dans ma préfecture”.

PD -Ok. Lors des conseils des ministres, quand vous discutiez de ces rapports-la, de quoi



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discutiez-vous, comment discutiez-vous ?

JK -J’ai dit, on discutait des troubles dans la préfecture. On disait il y a des troubles dans une telle
commune. Le mot trouble peut cacher beaucoup de choses.

MD -Mais c'était quoi les troubles, quand vous parliez de trouble dans ce cadre spécifique ?

JK -J’ai expliqué, j’ai expliqué que le mot trouble, dans ce cas spécifique, ça voulait dire les
massacres, mais que personne ne l’a jamais dit. Publiquement.

MD -C'est ça, on disait pas, on prononçait pas le mot massacre, mais c’était des synonymes, c’était
que, on prenait d’autres mots.

TK -Des synonymes pour quelqu'un qui le veut, qui veut le croire, qui veut l’admettre, mais pour
quelqu'un qui ne veut pas l’admettre...

PD -Moi Monsieur, je vais être obligé, c’est très intéressant mais je vais être obligé de vous
interrompre, le ruban a déjà plus de trente minutes. Il est 15 heures 17 minutes, est-ce que vous avez

besoin de vous reposer deux minutes ? Non ? Bon, ok, on va c.….

Fin de la face B de la cassette 15.



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