Fiche du document numéro 10445

Num
10445
Date
Samedi 10 avril 1993
Amj
Auteur
Fichier
Taille
138233
Urlorg
Surtitre
Délégation aux affaires stratégiques
Titre
Plaidoyer pour un réexamen de la politique française au Rwanda
Soustitre
(Extraits lus par Patrick de Saint-Exupéry au séminaire de La Règle du Jeu, 22 avril 2014)
Cote
N° 121 DEF/DAS/SDQR/PC/CD
Source
Type
Langue
FR
Citation

Crise ?



Placé à la limite de la zone de colonisation allemande (Tanganyika) et de la zone britannique (Ouganda), le Rwanda passe sous mandat belge par extension après la guerre [...] par mandat de la SDN. Le pays est gouverné en s'appuyant sur la [...]nnellement dominante des Tutsi (également présents au Burundi voisin [...] séparé qu'en 1963).

On ne peut méconnaître dans la crise rwandaise la dimension intérieure qui fait que le président en
place, malgré les efforts d'ouverture vers le multipartisme, n'est que faiblement représentatif, et a accumulé les motifs de critiques des organisations de défense des droits de l'homme. De plus, la
responsabilité de la rupture du cessez-le-feu en février 1993 semble assez équitablement partagée [...]

Aujourd'hui la reprise des hostilités peut être le fait de l'un ou de l'autre des protagonistes. On peut donc s'interroger sur le refus français de discuter avec le FPR alors que la Belgique n'a pas les mêmes réticences.

Crise internationale ?

[...]

Deux lectures de la crise rwandaise sont possibles.

1) La crise intérieure à l'africaine, c'est-à-dire
une révolte à base ethnique avec un sanctuaire dans un Etat frontalier et bénéficiant d'une aide
militaire (à lire peut-être autant dans le système du don et du contre-don que dans celui des relations internationales).

2) La lecture internationale : L'Ouganda interfère dans la crise rwandaise et la France protège l'intégralité territoriale et politique du Rwanda. Cette logique oblige à défendre le régime en place à Kigali qui devrait représenter 90 % de la population du Rwanda (les Hutu). On sait qu'il n'en est rien.

La décision de mise en place de l'opération Noroît avait refusé de se référer à cette lecture de la crise puisqu'officiellement les troupes déployées en octobre 1990 avaient pour seule mission d'assurer la protection des ressortissants. Plus l'effectif déployé dépasse le nombre des 400 ressortissants français (et environ 1 500 double-nationaux), moins cette thèse est crédible.
Le scénario de renforcement de l'implication militaire de la France au Rwanda opte définitivement
pour cette interprétation ­- la lecture internationale -­ et donc, revient à conforter le régime
Habyarimana.


La crise rwandaise : crise nouvelle ou crise traditionnelle ?



Cette crise n'intéresse aucune grande puissance, sauf la France. Les Américains ont opté pour le
traitement de la crise soudanaise et ne veulent pas porter préjudice à leurs relations avec
l'Ouganda. La France n'intervient donc pas comme garante de la stabilité du continent mais dans une fonction de simple police mi-intérieure, mi-extérieure.
L'engrenage qui a amené la présence militaire française va devenir de plus en plus banal.
L'appel à l'aide d'un dictateur en perte de vitesse contesté par la démocratisation et qui voit dans ses opposants des supports d'une puissance étrangère s'est déjà produit au Togo et au Zaïre. Eyadema et Mobutu font école.


Conclusion



L'aire des crises en Afrique s'élargit et l'argument classique consistant à ne pas se retirer pour ne pas donner l'impression à nos amis Africains que la France les abandonne est en porte-à-faux.
La crise rwandaise constitue effectivement un test mais probablement plus de notre capacité à
repenser notre politique en Afrique que de notre volonté de soutenir nos alliés traditionnels.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024