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Mise à jour :
2 août 2023 Anglais

Les premiers militaires de l'opération Turquoise se sont installés vers Goma et Bukavu. Ils ont pris position autour de certains camps de réfugiés tutsi où ils ont été accueillis avec soulagement

Fiche Numéro 29053

Numéro
29053
Auteur
Chazal, Claire
Auteur
Jacquemin, Marine
Auteur
Berrou, Loïck
Auteur
Faucon, Régis
Date
24 juin 1994
Amj
19940624
Heure
20:00:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 20 heures
Titre
Les premiers militaires de l'opération Turquoise se sont installés vers Goma et Bukavu. Ils ont pris position autour de certains camps de réfugiés tutsi où ils ont été accueillis avec soulagement
Soustitre
Dès dimanche [19 juin], dans la plus grande discrétion, des soldats d'élite avaient lancé plusieurs opérations de reconnaissance en direction de Gisenyi où s'est replié le gouvernement rwandais en déroute.
Taille
53504 octets
Nb. pages
12
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Résumé
- Les premiers militaires de l'opération Turquoise arrivés sur place se sont installés vers Goma et Bukavu. Ils ont pris position autour de certains camps de réfugiés tutsi où ils ont été accueillis avec soulagement. Les forces françaises ont également découvert des fosses communes dans le Sud-Ouest du Rwanda.
- Les premiers hommes ont pu se rendre à l'Ouest dans le camp de Nyarushishi où ils ont découvert plusieurs milliers de Tutsi qui, après un moment de réticence, ont vu arriver leurs protecteurs avec bienveillance.
- Dans cette partie encore aux mains des forces gouvernementales et des redoutables milices, la France a toujours cette image de marque gravée dans leur tête : pays ami. Le triomphe que provoque l'entrée des troupes françaises dans Cyangugu est révélateur : avec notre présence, la fin de la guerre est proche. C'est leur sentiment.
- Les militaires redoutent une incursion d'éléments rebelles qui pourraient avec un simple lance-roquette causer de gros dégâts.
- Un barrage de miliciens hutu s'ouvre comme par magie, là où auparavant se négociait très cher le passage parfois en le payant de sa vie.
- 8 000 personnes sont regroupées depuis 10 jours dans le camp de Nyarushishi dans des conditions sanitaires très supérieures à ce qui existe un peu partout dans le pays. Depuis quelques heures, le camp est sous contrôle français. Les soldats rwandais se veulent très coopératifs. Bien que la plupart de ces pauvres gens ne parlent pas notre langue, ils ont compris que ces militaires là étaient venus pour les sauver, non pour les tuer.
- Même peu nombreux les Français ne semblent pas se sentir menacés. Ils s'installent tranquillement en attendant la logistique qui prend du retard, notamment l'aide humanitaire, premier but de leur mission. Au-delà des polémiques plus ou moins justifiées sur l'opération Turquoise, des objectifs plus ou moins avoués, l'initiative française, même tardive, aura eu au moins cet intérêt : sauver ces milliers de vies.
- Les militaires français de l'opération Turquoise sont essentiellement basés dans deux villes du Zaïre : Bukavu et Goma, plus au nord. C'est là que le quartier général des forces s'est installé et c'est de là que les soldats ont effectué des missions de reconnaissance au Rwanda. Selon certaines sources, les militaires auraient découvert quelques fosses communes, plus à l'Ouest, dans la région de Cyangugu. Mais l'on ignore encore l'appartenance ethnique des victimes et des auteurs des massacres.
- Le premier volet de l'opération Turquoise, qui a commencé au sud-ouest du Rwanda, se poursuit. Les troupes françaises ont reçu l'ordre de progresser vers le Nord en direction de Kibuye. Leur objectif : repérer les poches où se cachent des Tutsi et les mettre sous protection de l'armée française.
- Un deuxième axe de pénétration est prévu cette fois au nord : il concerne des groupes de population appartenant à l'ethnie hutu. Ces réfugiés se sont rassemblés autour de la ville de Gisenyi. Dès dimanche [19 juin], dans la plus grande discrétion, des soldats d'élite avaient lancé plusieurs opérations de reconnaissance en direction de cette localité où s'est replié le gouvernement rwandais en déroute.
- À Goma, cette cité du nord-est du Zaïre, les rotations de Transall, Antonov, hélicoptères se poursuivent. Soldats et matériels continuent d'arriver à un rythme impressionnant. Les hommes de l'infanterie et de la Légion disposent de blindés légers et d'hélicoptères de transport. En cas de problème, ils pourraient faire appel à des Jaguar, quatre, et des Mirage F1 d'attaque déplacés de Centrafrique au Zaïre.
- Une manifestation cet après-midi a rassemblé 5 à 10 000 personnes à une quinzaine de kilomètres de Kigali. Une manifestation avec des slogans très virulents, anti-français, mais dont on peut douter sérieusement de son caractère spontané. Pour le reste, le Front patriotique du Rwanda multiplie plutôt les gestes de bonne volonté : les organisations non gouvernementales françaises, qui avaient été interdites de territoire depuis trois jours, pourront très vite reprendre leurs opérations. Les journalistes français, qui avaient été expulsés avant-hier [22 juin], ont été à nouveau tolérés aujourd'hui. Le ton est donc à l'apaisement.
- Il reste quand même une inquiétude qui est très profondément ancrée chez tous les soldats du FPR : la France avec 2 500 soldats, des avions, des hélicoptères ne peut pas faire que de l'humanitaire. Le FPR voit ressurgir les vieux démons de la présence française entre 90 et 93, qui à leurs yeux avait soutenu et entraîné l'armée rwandaise et les milices responsables aujourd'hui des principaux massacres. "N'importe quel autre pays aurait mieux valu que la France", nous a confié ce matin Alexis Kanyarengwe, le Président du FPR. Mais les forces rebelles ont semble-t-il reçu des garanties. Si l'armée française se cantonne à un rôle strictement humanitaire, il n'y aura pas lieu à confrontation.
- L'opération Turquoise, qui devrait concerner au total 2 500 militaires français qui seront déployés sur place d'ici dimanche [26 juin], va être coordonnée par le général Jean-Claude Lafourcade. Jean-Claude Lafourcade : "Nous allons protéger les populations, pas contre le FPR ni contre les Forces armées rwandaises, mais contre les bandes un petit peu désorganisées qui, à la suite des malheureux évènements qui ont eu lieu dans ce pays, causent des gros problèmes pour la vie des populations".
- Lors de son point de presse quotidien cet après-midi, l'amiral Lanxade, le chef d'état-major des armées, a rappelé que la mission française avait avant tout pour but de rassurer les populations et qu'il n'était pas envisagé d'implanter des unités au Rwanda. Pour l'instant les soldats français n'effectuent que des missions de reconnaissance sur le territoire rwandais.
- La mission française est purement humanitaire. Un important dispositif médical a déjà quitté l'aéroport de Lyon à bord d'un Antonov 22. Une cellule de coordination avec les organisations non gouvernementales sera effective dès le début de la semaine prochaine à Goma pour essayer d'évaluer les besoins des populations hutu et tutsi que les soldats sont chargés de protéger. Reste que les associations humanitaires qui travaillent déjà sur place ne voient toujours pas d'un très bon œil l'arrivée des soldats français. Philippe Biberson de Médecins sans frontières : "S'ils arrivent à mettre hors d'état de nuire les gens qui depuis plus de 10 semaines ont organisé ce génocide, à ce moment-là ils auront rempli leur mission". Bernard Granjon de Médecins du monde : "Si je leur disais quelque chose, ça serait dans leurs actes et dans leurs discours de se démarquer complètement du passé. De dire que les assassins, que nous avons quand même soutenus, et que nous soutenons peut-être même encore, se doivent d'être localisés, d'être arrêtés, d'être jugés, d'être condamnés. Et qu'il faut que la politique française change dans ce pays-là. Et dans d'autres pays aussi d'Afrique".
- Le cardinal Etchegaray a été envoyé par le Pape au Rwanda pour une mission de six jours.
- Pour un certain nombre de pays africains, cette intervention française n'apparaît pas toujours souhaitable parce qu'elle est perçue comme un soutien à la majorité hutu. C'est notamment le cas au Burundi où des centaines de résidents français vivent actuellement dans la crainte des représailles. Il faut savoir que le Burundi présente la même composition ethnique que le Rwanda.
- Si la France a reçu le soutien de quelques pays d'Afrique seulement et notamment du Sénégal, elle est également épaulée aujourd'hui par six pays de l'Union de l'Europe occidentale. La Belgique, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont tous décidés à apporter une aide logistique et humanitaire. La France est donc un peu moins isolée. D'autant que l'Italie a fait savoir qu'elle pourrait peut-être contribuer à l'opération Turquoise.
- Indiscutablement, une présence armée étrangère dans une région aussi explosive peut avoir de fâcheuses conséquences, en particulier sur deux pays voisins. Sur le petit Burundi, où on retrouve les mêmes antagonismes, les mêmes haines. L'équilibre est extrêmement fragile : il faudrait peu de choses pour mettre le feu aux poudres. Et puis à l'Ouest, au Zaïre, qui en revanche est le géant de l'Afrique. Et les deux têtes de pont de l'opération française, Goma et Bukavu, sont situées dans une zone farouchement opposée au pouvoir central du Président Mobutu. Ces populations perçoivent l'opération française comme un soutien au Président Mobutu.
Commentaire
À deux reprises, Claire Chazal répète : - « Mais leur mission, on l'a bien compris, est purement humanitaire » ; - « On l'a bien compris la mission française est donc purement humanitaire ».